Alliance BFC
Avec la data, tout devient clair

L’union de coopératives agricoles Alliance BFC (Dijon Céréales, Bourgogne du Sud, Terre Comtoise) déploie à grande échelle une stratégie d’exploitation des données numériques. Météo, pratiques agricoles, contexte de récolte... le flot d’informations qui peut remonter par le biais des outils numériques ne sera plus perdu. Il constitue désormais un outil de pilotage et de gestion au potentiel énorme.

Avec la data, tout devient clair
Martin Lechenet est le référent « Traitement de la data » pour l'Alliance BFC

À Dijon, il n’y a pas que le lac Kir ! Des lacs, il en existe d’autres, bien plus grands et pourtant invisibles : on les appelle les « data lake », ou lac de données. Il s’agit de ces réservoirs numériques aux limites difficiles à cerner mais qui intéressent au plus haut point les entreprises dans leur développement. Des masses de données que certains nomment le « nouveau pétrole » tant elles sont une richesse si l’on sait les exploiter. Au sein d’Alliance BFC, l’union de coopératives qui regroupe Dijon Céréales, Bourgogne du Sud et Terre Comtoise, on s’est attelé, depuis quelques temps, à tirer le meilleur parti de la data. À la fois pour améliorer le service apporté aux adhérents mais aussi pour optimiser le fonctionnement de la structure et pourquoi pas, faire émerger de nouvelles sources de croissance, en particulier dans le cadre du plan « Demain » déployé par Dijon Céréales. Pour bien comprendre les enjeux qui sous-tendent cette logique, il faut en discuter avec Martin Lechenet, en charge de la data pour le compte de l’Alliance BFC. 

L’art de conjuguer les données

« Notre objectif, explique-t-il, c’est de créer une entité capable de recevoir la data en vrac et de pouvoir la stocker de manière organisée, un peu comme on le ferait dans les rayons d’un grand entrepôt, pour pouvoir ensuite aller la rechercher et l’utiliser de manière pertinente. On est capable, ainsi, de conjuguer de la donnée météo et de la donnée liée aux pratiques des agriculteurs. Auparavant, ces données, on les avait déjà mais sans avoir les moyens de les faire fonctionner ensemble pour en tirer un parti bénéfique ». Faire le lien, par exemple, entre des données météo et des données de collecte de récolte, peut permettre de comprendre pourquoi, à tel endroit, ou en fonction de telle pratique, une récolte a été plus ou moins bonne. Être capable de combiner les données, de les analyser et de les interpréter fournit à l’Alliance BFC un formidable outil d’amélioration et d’optimisation de ses pratiques. Le pari de la data numérique fait par l’union de coopératives prend ainsi toute son importance et démontre que cette approche est tout aussi pertinente dans le domaine agricole que dans n’importe quel autre secteur de l’industrie ou du commerce. « On peut établir des corrélations, explique Martin Lechenet, entre ce que l’on a récolté, le temps qu’il a fait, dans quelles conditions s’est faite la récolte, et ainsi obtenir un retour analytique beaucoup plus rapide, et sur une échelle beaucoup plus large, sur le contexte d’une année ». 

Face à une complexité croissante

À la base, il y a le constat d’une complexité toujours plus grande du métier d’agriculteur, avec de nombreux enjeux sur la recherche de la valeur ajoutée, sur la réglementation, sur l’optimisation des performances. La montée en puissance des Outils d’aide à la décision (OAD) traduit bien cette réalité. En utilisant les masses de données récupérées, Alliance BFC souhaite donner à ses adhérents les clefs leur permettant de réagir au mieux, à chaque étape de leur travail. Cette gestion globale de la donnée numérique permet déjà, ou permettra dans un avenir proche : 
- l’élaboration de tableaux de bord à l’usage des techniciens des coopératives pour apporter un accompagnement personnalisé à chaque agriculteur ;
- la mise à disposition d’outils d’analyse de performance pour les agriculteurs, leur permettant de s’évaluer (dans le respect de l’anonymat) et de se positionner au sein de réseaux d’agriculteurs qui peuvent se comparer, alors qu’ils opèrent sur une même zone mais sans pour autant obtenir des résultats identiques. Ils peuvent trouver là des explications aux différences de résultats et tenter de faire évoluer leurs pratiques ;
- disposer d’outils de valorisation des services rendus par l’agriculture, notamment en termes de protection de l’environnement. C’est aussi le moyen de défendre des projets agricoles auprès des pouvoirs publics ;
- avoir les moyens de favoriser l’accès aux filières.
Toute cette stratégie d’exploitation des données numériques se déploie peu à peu au sein d’Alliance BFC. L’analyse de performances technico-économiques, par exemple, est active sur des groupes d’agriculteurs test. L’accès aux OAD est effectif. Naturellement, la performance d’un tel outil est proportionnelle à la capacité des agriculteurs à partager leurs données : « Les retours sont toujours proportionnels au partage, rappelle Martin Lechenet, c’est pourquoi il y a une vraie animation technique à mener sur le terrain pour sensibiliser à la nécessité de renseigner les données ». La dynamique est lancée et elle ne cessera de monter en puissance dans les mois qui viennent. Au bord du lac des données, on n’a encore rien vu...

Berty Robert

Comment ça marche ?
Un exemple de service auquel une gestion optimisée des données numériques par une coopérative agricole peut donner accès.

Comment ça marche ?

L’agriculteur qui saisit ses données dans l’outil de traçabilité utilisé par les trois coopératives de l’alliance ouvre la possibilité d’un panel assez large de valorisations en retour pour les adhérents : 
- un appui réglementaire ;
- une analyse des performances technico-économiques ;
- un accès aux Outils d’aide à la décision (OAD) ;
- un aperçu sur les émissions de Gaz à effet de serre (GES) ;
- des informations sur les crédits carbone ;
- sur les filières et leurs cahiers des charges ;
- sur la Haute valeur environnementale (HVE) ;
- une simulation du bilan économique et une analyse de l’empreinte environnementale des projets collectifs (exemple : la méthanisation) ;
- des moyens d’action en termes de projets agricoles, par exemple, sur la thématique de la gestion de l’eau.

 

Un exemple : surveiller les maladies du blé

Deux fois par semaine, les trois coopératives d’Alliance BFC envoient un millier de mails afin d’informer leurs adhérents sur la dynamique des maladies sur blé, en temps réel. Cette information de risque maladie (septoriose, rouille jaune et fusariose, et bientôt piétin verse à partir de 2022) est constituée d’éléments bruts mais qui sont ensuite mis en perspective par les services agronomiques d’Alliance BFC, afin de reconstituer un bulletin complet. Les services agronomiques enrichissent l’information brute avec des règles de décision en cohérence avec le contexte de travail local. L’agriculteur dispose ainsi d’une synthèse du risque agronomique en lien avec les variétés qu’il cultive, la situation météo et le stade de sa culture. 

« Une logique de donnant-donnant »

Frédéric Imbert, responsable Recherche et Développement au sein de Dijon Céréales, revient sur les données numériques et leur exploitation : « La réflexion sur ce thème a été lancée il y a quatre ans avec une volonté en parallèle : que les agriculteurs soient digitalisés au maximum. Nous avons d’ailleurs mis des moyens pour les accompagner dans les investissements et les usages liés aux outils numériques. Dans notre esprit, la récupération et l’exploitation des données est aussi importante que notre capacité à apporter des retours constructifs à nos adhérents, à partir de cette matière. Nous sommes dans une logique de donnant-donnant. La clef, c’est l’autonomie et je pense que nous avons développé une stratégie plutôt spécifique dans le paysage français des coopératives. L’enjeux sur les données numériques agricoles est très fort. L’une des prochaines étapes, c’est la récupération des données depuis les machines agricoles. Nous travaillons sur cette question avec nos confrères de Terre Comtoise ».