VIANDE BOVINE
« Les indicateurs de coûts de production explosent, les prix doivent mécaniquement suivre »

Si les cours des bovins progressent, ils ne couvrent pas la forte hausse des coûts de production. La flambée des charges doit se répercuter tout au long de la filière comme le prévoit la loi Egalim, selon Christian Bajard, coordinateur du Berceau des races à viande du Grand Massif central. Interview.

« Les indicateurs de coûts de production explosent, les prix doivent mécaniquement suivre »
Christian Bajard, éleveur et coordinateur du Berceau des races à viande du Grand Massif central. ©SC

Comment le marché de la viande bovine se porte-t-il ?

Christian Bajard : « Depuis le début de l’année 2022, la fi­lière viande bovine est entrée dans un contexte inédit qui est à la fois la consé­quence de problèmes structurels sur lesquels nous alertons depuis des an­nées et d’une conjoncture inflationniste exceptionnelle. La décapitalisation du cheptel bovin, constatée depuis 2017, s’est accélérée depuis le début de l’an­née avec, au 1er avril, un nouveau recul de 110 000 têtes par rapport à 2021 (- 2,9 %), malgré une bonne année de ré­colte et des perspectives de prix meil­leurs. En conséquence, les abattages sont en baisse, de l’ordre de - 5,3 % en semaine 17 par rapport à la même semaine en 2021. Cette offre limitée oriente les cotations à la hausse pour toutes les catégories d’animaux, preuve qu’il n’y a pas de fatalité et que les prix peuvent bel et bien augmenter. Le mar­ché est dynamique, cela redonne du baume au cœur, pour autant, pour les éleveurs, le compte n’y est toujours pas. »

La hausse des cours n’est donc pas proportionnelle à la hausse des charges que subissent les éleveurs. L’écart demeure-t-il important ?

C.B : « Sur le premier trimestre 2022, les indicateurs de coûts de production, cal­culés selon l’accord interprofessionnel en date du 22 mai 2019, poursuivent la hausse enclenchée fin 2021 et augmentent de + 6,6 %. Cette hausse des coûts de production s’explique par la flambée des prix des matières premières sur les douze derniers mois : aliments achetés : + 12,6 % ; engrais et amendements : + 54,8 % ; énergie et lubrifiants : + 40,2 % ; matériel et petits outillages : + 15,9 %. Les cotations sur le 1er trimestre 2022, ont augmenté de + 16,5 %, toutes catégories d’animaux confondues : la hausse est de 0,68 €/kg sur le prix moyen pondéré sur les douze premières semaines de l’année. Cette augmentation des cotations est à comparer à l’évolution des coûts de production depuis le début de l’année et le constat est alors sans appel. Cette embellie des cotations, bien que réelle, ne permet même pas de couvrir la hausse des charges subie par les éleveurs depuis le début de l’année 2022. L’écart entre le coût de production et la cotation se creuse même sur les di­verses catégories animales. Les signes d’une amélioration de la rémunération des éleveurs bovins ne sont donc pas encore au rendez-vous. Chez nos voi­sins, les cours progressent plus vite, et plus fort, preuve que des choses sont possibles. »

En quoi la contractualisation demeure la solution pour les éleveurs, qui plus est dans un contexte de marché porteur et de charges qui flambent ?

C.B : « Face à l’envolée des chiffres, dans le cadre d’Egalim, l’éleveur doit établir une proposition de contrat à son premier acheteur. Et le coût de production est, dans cette proposition, le socle de toute négociation. La mécanique de prix résultant de cette négociation et présente dans le contrat ne sera alors plus négociable par l’aval de la filière. Par la signature du contrat et la prise en compte du coût de pro­duction interprofessionnel, l’éleveur a l’assurance que la flambée des prix des matières premières sera supportée par son exploitation, de manière viable et durable. Cela permet de donner de la lisibilité aux éleveurs, à la filière et de la visibilité aux banquiers pour accompa­gner les jeunes. Et avec la moitié des éleveurs qui partira à la retraite d’ici 2026, le renouvellement des généra­tions est urgent.

Propos recueillis par Sophie Chatenet