ADAPTATION
« Tous les maillons de la filière devront jouer le jeu »

Touchés par la hausse des matières premières et des coûts des emballages, les coopératives et agriculteurs doivent s’adapter et trouver des alternatives économiques et écologiques.

« Tous les maillons de la filière devront jouer le jeu »
La coopérative fruitière Lorifruit a essayé d’anticiper au maximum en prévoyant des stocks d’emballage. © Lorifruit.

C’est une situation quelque peu délicate à laquelle doivent faire face les professionnels des filières agricoles. Après la crise sanitaire liée à la Covid-19 et à l’heure où le conflit russo-ukrainien n’en finit plus, la France connaît des évolutions de prix sans précédent sur les matières premières, avec un impact direct sur les emballages. Du côté de Lorifruit, coopérative fruitière à Loriol-sur-Drôme, l’anticipation a été de mise. « Nous avions anticipé sur l’ensemble de nos achats d’emballage. Toutefois, nous devons faire face à l’impact sur les prix et les tensions sur la disponibilité de ces matières premières », déclare Florent Germon, directeur de la coopérative. Si la coopérative dispose de contrat pluriannuel sur les emballages cartons, malgré l’anticipation, une hausse de prix de près de 30 % est à notifier. « Pour les palettes, on compte une hausse de 25 %. Sur ce segment, il y a une vraie problématique en termes de disponibilité et de stocks chez nos fournisseurs. Les délais s’allongent et le manque de visibilité est criant », poursuit-il.

Une anticipation quelque peu salvatrice

Pour les étiquetages, Lorifruit avait là aussi anticipé lors de la morte-saison. « Mais nous relevons tout de même une augmentation de 15 % », indique le directeur. Quant aux emballages plastiques en petits formats, la hausse est de 100 %. Un phénomène qui s’explique « par les tensions sur le pétrole », selon Florent Germon. À ces difficultés se rajoutent la hausse des prix des transports (soit une évolution des charges de 18 %), mais aussi celle de la main-d’œuvre. Une situation quasi inédite à laquelle les professionnels doivent faire face. « Nous allons encore vivre une saison complexe. La difficulté est maintenant de répercuter l’ensemble de cette hausse à la vente… », note le directeur de Lorifruit. « Pour l’instant, nous sommes au démarrage de la saison, avec la commercialisation des cerises et abricots. Nous ne voyons pas encore les effets ». Le dernier maillon de la chaîne, représenté par les consommateurs, sera forcément impacté par ces augmentations en tout genre : « Tous les maillons de la filière devront jouer le jeu. Il faut que ces coûts soient supportés par l’ensemble de la filière de la commercialisation. Des échanges avec les différentes enseignes sont en cours. Nous ne pourrons pas tout répercuter sur les consommateurs, mais il est difficile de savoir comment ces hausses vont se traduire en bout de chaîne… », regrette Florent Germon. Et de s’inquiéter : « le risque serait que le client se détourne de certains fruits de saison, qui sont avant tout des produits plaisir ».

« Nous ne voulons pas assassiner nos clients.»

Au-delà des coopératives, certains agriculteurs sont eux aussi directement impactés. C’est le cas notamment de l’exploitation Dessine-moi une brebis, à Ourches dans la Drôme. « Nous sommes touchés par la hausse des prix à tous les niveaux, que ce soient les emballages (pots en verre, capsules, opercules), les engrais, l’alimentation des bêtes, ou encore le gaz », signale Pascale Michelas, chargée de développement. Face à ce constat, la ferme en polyculture élevage (brebis laitières, vaches allaitantes et cochon, transformation du lait sur place) a adopté une politique particulière. « L’alimentation reste un besoin primaire et nous ne voulons pas en profiter. Il est impossible pour nous de répercuter l’augmentation des prix sur nos produits finis. Le portefeuille des clients est déjà à la baisse et nous en avons bien conscience. Nous ne voulons pas assassiner nos clients. A contrario, nous souhaitons que nos clients restent fidèles à nos produits. En revanche, nous allons essayer de vendre encore davantage nos produits auprès de magasins, d’étendre notre gamme, etc. », explique-t-elle. Cependant, la situation ne pourra pas s’étendre sur la durée. « Nous ne pourrons pas tenir longtemps comme cela. Nous sommes encore une jeune ferme (créée en 2013). On s’active donc pour avoir plus de visibilité, avec l’idée de démarcher plus de magasins, d’épiceries fines.»

Amandine Priolet