Bilan carbone
Faire le bilan de ses émissions

Charlotte Favarel
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En parallèle de l’assemblée générale de Terra Vitis le 25 avril dernier (lire notre dernière édition), Violette Sornin, conseillère viticulture à la chambre d’agriculture du Rhône, a présenté une esquisse de bilan carbone. Un calcul technique, qui permet d’en apprendre plus sur ses pratiques.

Faire le bilan de ses émissions
Infographie réalisée par l’ADEME, Alko, BIVB, CIVB, CIVC, IFV, Nomacorc, OIV et Verallia sur l’empreinte carbone de la filière vin.

Toujours en recherche de progression, l’association Terra Vitis, qui tenait son assemblée générale le 25 avril à Saint-Étienne-la-Varenne, s’ouvre à l’amélioration de la durabilité des exploitations. Cet axe a fait office de changement dans le cahier des charges. « Une obligation de relever les consommations d’eau, de GNR et d’électricité permet de sensibiliser sur les enjeux clés comme les ressources », avance Thibault Laugâa, conseiller viticulture à la chambre d’Agriculture du Rhône. Si les domaines ne présentent pas de compteur spécifique, une estimation peut être réalisée. « L’idée est de déclencher des discussions entre les viticulteurs avec des axes d’amélioration », ajoute Anne-Laure Ferroir, directrice de la fédération nationale Terra Vitis. Si cette action a été proposée, ce n’est pas pour pénaliser les adhérents, rassurent-ils. « Ça servira à voir votre positionnement et se rendre compte des efforts déjà fournis. L’idée est de pouvoir s’inscrire dans une démarche de progrès », rassure le conseiller.

À tort ou à raison, il n’est pas évident de savoir que le poste qui produit le plus de carbone dans la filière vin est le conditionnement, qui nécessite beaucoup d’énergie avec la production de verre. Il est suivi du transport, avec la consommation de carburant. Le travail de la vigne arrive ensuite avec l’apport d’engrais. Enfin, la vinification est le poste le moins consommateur d’énergie.

GES & VIT, l’outil qui calcule l’empreinte carbone

Violette Sornin, conseillère viticulture spécialisée bilan carbone présente comment a été pensée l’évaluation. « On pense en cycle de vie et pour évaluer l’empreinte de l’exploitation, on se base sur 1 ha pendant un an », précise-t-elle. Les émissions indirectes et directes sont prises en compte. L’intérêt de dresser le bilan carbone d’une exploitation « peut permettre de construire une stratégie carbone adaptée », précise la conseillère.

L’outil GES & VIT, développé par l’IFV, permet de calculer en ligne le diagnostic des émissions de gaz à effet de serre. À partir de données d’entrée, avec un itinéraire technique complet, les résultats sont ensuite classés en trois catégories : les émissions directes au champ et le stockage de carbone dans le sol, les émissions indirectes liées à la fabrication et au transport des intrants viticoles et les émissions dues au transport de personnes.

Le domaine de Leyre-Loup s’est prêté au jeu

Christophe Lanson, du domaine de Leyre-Loup était présent pour témoigner de son expérience. Avec trois modes de conduite différents, « les résultats sont quelque peu surprenants », avoue-t-il. Une parcelle restructurée et palissée, une parcelle ancienne arrachée un rang sur six et une parcelle ancienne non restructurée composent le domaine. « On se rend compte une fois le bilan terminé que le poste qui émet le plus de CO2 est le transport de personne », s’étonne Christophe Lanson. Et les résultats sont aussi surprenants en comparant les modes de conduite. La parcelle restructurée avec enherbement permanent et travail mécanique des sols s’avère être la plus émettrice de CO2, mais également la plus stockante : 60 kg CO2e/ha/an. La parcelle en gobelets et en pente, non restructurée, qui se travaille pourtant à la main, présente un résultat de 667,2 kg CO2e/ha/an. « C’est la parcelle où on passe le plus le tracteur qui a un meilleur impact carbone », partage Christophe Lanson.

Grâce à l’enherbement et aux couverts végétaux, le bilan carbone du domaine de Leyre-Loup s’est avéré assez bon avec le stockage, une variable à prendre en compte.

Pas de bilan carbone par label, seules les pratiques comptent

Lors du dernier salon VinEquip à Mâcon, une conférence sur le thème du changement climatique (vidéo disponible en ligne gratuitement) a fait un focus sur le bilan carbone et les économies d'énergies mais pas que...

De l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV) du Rhône à Villefranche, Émilie Adoir expliquait prendre toutes les énergies utilisées à la vigne pour calculer le bilan carbone avec l’outil GES & VIT, y compris les moyens de lutte contre le gel en ce 29 avril. Éoliennes, bougies, câbles chauffants… vont avoir une empreinte carbone. « Il nous faut vérifier qu’on s’adapte au changement climatique sans l’aggraver », rappelle-t-elle. Tout est donc question d’équilibre et du meilleur compromis, mais également de compensation des émissions carbone en faisant attention ensuite sur « du stockage de carbone ou en réduisant ses consommations de carburants ». Si l’IFV affine encore les chiffres de l’impact carbone des systèmes de lutte antigel, en revanche, l’Institut utilise des règles, des normes précisent pour calculer les bilans carbones, pour harmoniser les bilans carbones de la filière viticole. Reste que le « périmètre » pris en compte peut varier parfois. Les références de chaque intrant sont arrêtées elles par les instituts, type Ademe.

Gare attention aussi aux fausses intuitions, changer sa fertilisation minérale pour de la fertilisation organique peut parfois avoir un impact plus important selon la fabrication, le transport… Deuxième poste à la vigne, l’entretien du sol (rangs et inter-rang). Si l’inter-rang peut stocker du carbone avec l’enherbement malgré un nombre de passages plus importants (et plus de carburant consommé) par rapport à du désherbage chimique. Même combat sur les produits phytosanitaires, qui nécessitent aussi de l’énergie pour être produits, mais dont le bilan carbone final est fonction du nombre de passages dans l’année et par hectare. « Avant chaque passage, il faut se poser la question si ce passage est nécessaire », soit une « prise » de risque très personnelle et à choisir selon la parcelle et son historique.

Pour l’heure, les bilans carbone ne sont pas encore obligatoires légalement même si, cela l’est pour les entreprises de plus de 500 salariés. « C’est plus une démarche pour anticiper, plus sur l’obligation d’afficher ses améliorations avec l’affichage environnemental ». Le coût peut vite monter à « plusieurs milliers d'€ ». Gare aussi à se retrouver avec un bilan carbone supérieur en Bio plutôt qu’en conventionnelle lors d’années à forte pression sanitaire par exemple. De la pédagogie sera nécessaire. « Il faut raisonner par pratique, plus que par label, car un conventionnel peut avoir des pratiques très proches des Bio certaines fois », d’où le fait que l’IFV « se méfie des références par label ». Puissance du tracteur, type d’outils, couplage des passages, stratégie… peuvent jouer.

C.M.

L'Objectif climat de "neutralité" des vins de Bourgogne

Chargée du plan Objectif climat 2035 pour le BIVB, Juliette Sarrazin rappelait l’objectif recherché par le BIVB et l’Adelphe de neutralité carbone en 2035 pour la filière vins de Bourgogne. La phase de « co-construction » du plan se termine et le but pour le BIVB est désormais « d’emmener tout le monde dans la trajectoire » qui est ambitieuse, au regard des autres défis en cours (changement climatique, nouveaux consommateurs…). Des leviers collectifs existent pour y arriver. Le cabinet Carbone 4 a estimé que la filière émet 373.000 t de CO2 par an. « Si on veut continuer à faire du vin, on ne peut pas être à zéro », d’où les notions de réduction, atténuation et compensation. Selon les calculs, il est tout de même possible de réduire de 60 % ce bilan carbone collectif avec « énormément de leviers d’action ». Reste donc ce « seuil incompressible » de 40 % à compenser.

Si les matières sèches pèsent déjà pour 30 % du bilan CO2 global, dedans la fabrication des bouteilles pèse lourd. La bibliographie laisse à penser qu’il est possible de descendre à 383 grammes pour des vins tranquilles, « sans savoir le taux de casse donc descendre à 500 ou 400 g » parait plus faisable. Le choix d’un verrier « décarboné ou utilisant plus de calcins » sera certainement à l’avenir un argument de choix. Un circuit de consignes est également à l’étude en Bourgogne Franche-Comté (J’aime ma Bouteille). Le BIVB a également comptabilisé les déplacements, des matières sèches, des vins, mais aussi des oenotouristes (20 % du total), qui ne sont pas forcément comptabilisés dans d’autres filières. « Nos touristes viennent en Bourgogne pour le vin alors que dans d’autres régions, ils viennent pour beaucoup d’autres activités ». Le BIVB reconnaît qu’il est difficile d’agir sur les moyens de transport des touristes. Des réflexions sont lancées avec les collectivités pour privilégier les transports collectifs au moins ou les pistes cyclables. Aux domaines ensuite de communiquer sur ces voies d’accès facilitées, bornes de recharge électrique ou parcs à vélos.

C.M.