Eau potable
Sécuriser l'approvisionnement en eau potable pour garantir "un système meilleur qu'il ne l'est aujourd'hui"

Florence Bouville
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Le 16 mai, le préfet Yves Séguy a réuni de nombreux acteurs en charge de l’approvisionnement en eau potable. Alors qu’il y a un mois à peine se tenaient les Assises de l’eau, cette fois-ci la focale a été mise sur les problématiques d’alimentation et de sécurisation (interconnexions, équipements de production, assainissement etc.). Thématique plus ciblée donc, toujours en accord avec la déclinaison du Plan eau gouvernemental.

Divers acteurs spécialisés dans l’adduction d’eau potable étaient présents autour de la table. Les discussions ont, en majorité, porté sur les mesures de remise à niveau (voire de renouvellement) des installations, ainsi que sur la performance des interconnexions. L’adduction d’eau potable (AEP) comprend l’ensemble des opérations de puisage et de transport de l’eau, depuis la source d’approvisionnement jusqu’au compteur d’eau du distributeur. « La sécurisation de l’alimentation est en quelque sorte le premier étage de la fusée sobriété », introduit, de manière imagée, le DDT Jean-Pierre Goron.

« L’eau est devenue un facteur limitant »

Aujourd’hui, la ressource en eau constitue un facteur limitant « pour développer le territoire, pour assurer le bien vivre de la population… », souligne le préfet, Yves Séguy. Il s’agit sûrement d’une évidence mais le coût de l’eau sera, à l’avenir, plus cher. Dans ce contexte-là, une « ingénierie financière est à appeler », poursuit-il. L’objectif étant bel et bien de rendre l’eau de qualité « accessible à tous, à un coût supportable ».

« Il faut des systèmes étanches »

Les interconnexions permettent de relier les réseaux de distribution entre communes, assurant une continuité de l’approvisionnement, tant sur le plan qualitatif que quantitatif. Ces dernières ne s’arrêtent donc pas toujours aux limites administratives. « Pour être efficaces, certaines doivent être accélérées », pointe Yves Séguy. À ce sujet, Jean-Pierre Goron note l’importance de « se focaliser sur la performance des réseaux, sans oublier la problématique et l’enjeu des équipements de production, ainsi que de leur résilience ». À noter également qu’aujourd’hui, le « schéma d’interconnexion des réseaux doit plus que jamais être capable de supporter des crises ». Cette mission a, en effet, tout intérêt à être renforcée, au vu des risques climatiques croissants.

Sur le territoire, le rendement des réseaux de distribution est légèrement au-dessus de la moyenne nationale : 80 %, malgré la classification quasi intégrale de la Saône-et-Loire en Zone de revitalisation rurale (ZRR). Il s’agit là d’un réel atout. Nous avons la chance « de partir de moins loin que d’autres départements, en matière de maîtrise d’ouvrage », souligne François Rollin, directeur de la délégation de Besançon (Agence Rhône-Méditerranée-Corse).

D’autre part, on vous parlait le 5 mai dernier des projets hydrogéologiques de Réutilisation des eaux usées traitées (REUT), afin, notamment, de fournir de l’eau aux irrigants. Le Grand Chalon mène actuellement une étude pour déterminer toutes les stations adaptées à cette démarche. Face aux contraintes "limitantes" de la ressource en eau, cela montre qu’il existe des leviers d’action mobilisables.

Des dispositifs d’aide

Selon le préfet, le soutien aux « démonstrations de solidarité » demeure essentiel. En effet, la solidarité "urbain rural" peut constituer un puissant levier. En réponse à la très probable augmentation du prix de l’eau, la Communauté urbaine Creusot Montceau (CUCM) a créé une "allocation eau", gérée directement par la Caf (Caisse allocation familiale). Cette aide est destinée aux ménages pour lesquels la facture d’eau représente plus de 3 % du budget mensuel. Trois mille foyers perçoivent déjà l’allocation. Une telle action reste difficile à mettre en place pour les syndicats d’eau ; elle l’est beaucoup moins pour une intercommunalité. En parallèle, la collectivité a décidé d’appliquer une "tarification vertueuse" afin de décourager les consommations importantes. Autre action, un soutien aux agriculteurs à hauteur de 40 %, pour les installations qui ne puisent pas l’eau potable, type micro-forages. Présent, Michel Duvernois, conseiller départemental et ancien directeur de Bourgogne du Sud, s’interroge, plus globalement, sur l’autonomie future des exploitations agricoles.

Outre les multiples possibilités de cofinancement via les Agences de l’eau (12e programme d’intervention en cours de cadrage), 180 millions d’euros vont être débloqués par le gouvernement, dans le cadre du Plan eau. Cette somme pourrait être allouée, en partie, au renouvellement des réseaux. Toutefois, a priori, seules les collectivités les plus en difficultés en bénéficieraient.

Enfin, le Département insiste sur « la culture de la donnée » pour inciter chaque collectivité à quantifier ce qui est réellement consommé et/ou perdu. En parfait accord avec la « démarche progressiste » que souhaite le préfet. Démarche visant à « mesurer les efforts fournis dans le temps », en prenant toujours en compte les « iniquités territoriales ». L’observatoire départemental de l’eau recense d’ailleurs de nombreuses informations (service d’assainissement, continuités écologiques etc.) et divers chiffres clés, en particulier le prix de l’eau par commune. En plus des données de l’observatoire, le Département vient officiellement de lancer une étude sur la ressource en eau, à l’échelle des bassins hydrographiques. Cette étude couvrira, au total, 1.029 communes et s’étalera sur deux ans (collecte et traitement des données, identification des tensions hydriques, pistes d’action et projection à long terme).

Pour l’heure, dans le cadre des Assises de l’eau, trois groupes de travail ont été constitués, par secteurs d’activité. Un premier composé de membres de la profession agricole, au sens général ; un deuxième pour l’industrie et un troisième dédié aux collectivités. Ce dernier n’étant pas encore finalisé, n’hésitez pas à vous rapprocher des services de l’État si vous souhaitez en faire partie. « Il faut qu’on se tourne vers des ateliers complémentaires », insistait Yves Séguy. Dans l’optique de « voir quelles sont les autres propositions, les autres cofinanceurs possibles… ». Pour encore mieux « cerner le sujet » et atteindre une « sobriété dans tous les usages ». Il est possible « d’être collectivement moins consommateurs ».

Sécheresse : suivi de la situation

Dans son dernier bulletin de situation hydrogéologique (mai 2023), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) fait état de la poursuite de la recharge des nappes réactives de Bourgogne-Franche-Comté. Mais attention, la situation est loin d’être satisfaisante, surtout lorsqu’on sait qu’au niveau national, 68 % des niveaux des nappes restent sous les normales mensuelles. Dans le Guide sécheresse, révisé ce mois-ci par le ministère de la Transition écologique, outre la carte des arrêtés de restriction par département, figure l’estimation du risque de sécheresse d’ici à la fin de l’été 2023. Parmi les trois mentions : possible, probable, très probable ; le département ne serait que possiblement touché par la sécheresse.