Vente directe et déconfinement
La fin de la lune de miel ?

Françoise Thomas
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Que reste-t-il de l’emballement des consommateurs pour les achats de proximité depuis la fin du confinement ? Si faute de choix, de nouveaux clients se sont tournés en nombre vers nos producteurs locaux proposant de la vente directe, sont-ils restés fidèles une fois la fin du confinement décrétée, ou sont-ils retournés massivement vers nos (grands) distributeurs habituels (avant même de retourner ensuite aux restaurants). Éléments de réponses, après quelques semaines de liberté de mouvement retrouvée.

La fin de la lune de miel ?
Gestes barrières et équipements adéquats, les magasins de producteurs avaient attiré une nouvelle clientèle pendant le confinement.

Il est évidemment trop tôt pour crier victoire et décréter comme acquises les nouvelles habitudes de consommation prises durant les longues semaines de confinement, lorsque les déplacements étaient aussi restreints que le nombre de magasins ouverts. « Nous sommes encore actuellement en période transitoire, tempère ainsi Christelle Bonnot, agricultrice et élue à la chambre d’agriculture, car tout le monde n’a pas encore repris le chemin du bureau et il reste encore beaucoup de personnes en télétravail ». Une période qui va par ailleurs s'enchainer avec les vacances, et là aussi, engendrer un autre emploi du temps pour les consommateurs, avec des trajets et des horaires souvent bien différents des périodes travaillées. « Nous connaissons habituellement une baisse d’activité pendant les vacances d’été, précise encore l’éleveuse de bovins à Dettey qui propose elle-même de la vente directe. Mais cette année, ce sera peut-être différent, avec des vacanciers qui resteront sans doute plus en France ». Et consommeront peut-être plus du produit frais, local et de qualité… Cela dépendra aussi en partie de la reprise des restaurants et autres (sandwicheries, fast food...).

Cependant, la fin du confinement strict, le 11 mai, puis le retour progressif à la normale au fil des semaines ont déjà marqué une première évolution des comportements.

Une autre organisation

Sandrine Melin est une productrice d’œufs - « qui demandent toujours autant de délai d’attente » vu le succès -, proposant sur sa ferme tout un espace vente avec des produits d’autres producteurs. « Ce qui a surtout changé, a-t-elle noté, c’est la fréquentation avec des horaires plus calés sur des horaires habituels de travail, et avec des gens qui ne viennent par exemple plus qu’une seule fois par semaine, notamment le vendredi soir ». Autre différence notable : « le montant du panier moyen a diminué ». Ceci s’explique notamment parce qu’il y a moins de repas à préparer à domicile, les uns étant retournés au bureau avec une simple "gamelle", lorsque les autres ont retrouvé leur cantine, scolaire ou d’entreprise. Et puis, beaucoup de consommateurs sont également retournés dans leurs grandes surfaces habituelles et les achats ne se font donc plus exclusivement Chez Mam’Cocotte…

Toujours est-il que la productrice d’œuf de Gergy est très satisfaite : « sur 200 clients, j’ai dû en perdre une dizaine. Ainsi la majorité de ceux qui sont venus chez moi pour la première fois pendant le confinement, continuent à venir ! ». Surtout que ce rythme de croisière légèrement moins intense correspond mieux à la charge de travail d’une seule personne, notamment pour tout ce qui est réassort : « pendant le confinement, j’ai pu bénéficier de l’aide de deux personnes de ma famille… qui ne sont pas censées être là ».

L’intérêt de la proximité

Même constat positif pour un maraîcher de l’ouest du département : après que son activité de vente directe ait beaucoup augmenté pendant le confinement, elle poursuit actuellement sur une belle lancée même si la fréquentation a légèrement diminué. Il a ainsi réadapté ces horaires d’ouverture ayant par ailleurs repris les marchés et les autres circuits de distribution. La période est en plus marquée par une production un peu moins diversifiée : alors que les produits estivaux ne sont pas encore véritablement disponibles que les légumes printaniers sont sur la fin. « Cela semble malgré tout témoigner de l’intérêt des gens de se déplacer à proximité pour faire leurs courses, notamment dans les secteurs un peu éloignés des "grands" centres urbains », souligne Christelle Bonnot.

Sandrine Melin a expliqué que le bouche à oreille avait « super bien fonctionné pendant les semaines de confinement pour faire connaître le point de vente ». Espérons que la qualité et la fraîcheur des produits proposés sauront faire le reste, pour définitivement fidéliser une bonne partie des clients à la rentrée, lorsque, on l’espère, la crise sanitaire dans ce qu’elle a eu de dramatique ne sera plus qu’un épisode du passé.

Même constat dans les départements voisins : le confinement a permis aux drive fermiers non seulement de se faire connaître au-delà de leur clientèle habituelle, mais également et surtout de séduire ces nouveaux consommateurs et d’en conserver une partie non négligeable.

Un drive fermier de Côte d’Or avait par exemple connu un triplement de ses commandes en l’espace de quelques jours. Entre le 18 et le 19 mars, le nombre de paniers était passé de 130 à 230 ! Autant dire que les producteurs engagés dans ce drive avaient autant dû faire preuve de réactivité que d’adaptabilité à ce développement de leur activité ! Les volumes produits n’ont d’ailleurs pas toujours été suffisants... Aujourd’hui, Jade Rolée, conseillère à la chambre d'agriculture de Côte-d'Or et membre de l'équipe assurant le fonctionnement du drive, explique que « tout cela est un peu retombé. On s'y attendait et, malgré tout, le niveau de commandes est encore deux fois supérieur à ce que nous connaissions auparavant ».

Dans l’Yonne, même constat : indéniablement une nouvelle clientèle a été captée mais le soufflet retombe un peu. La chambre d'agriculture de l’Yonne a donc mis en place une enquête de satisfaction pour tenter « de comprendre pourquoi certaines personnes qui sont venues pendant le confinement ne le font plus ».

Pour la Nièvre, c’est justement la période de confinement qui a permis la naissance du drive fermier ! La chambre d'agriculture départementale en a été la structure porteuse avant de laisser la gestion à une association nommée « Drive fermier de la Nièvre ». Sa présidente, Amélie Vincent, productrice locale, précise que lors du confinement, ils ont « livré jusqu'à 150 paniers par semaine sur deux sites, à Nevers et Saint-Benin d'Azy. Aujourd'hui, le rythme s'est un peu ralenti, autour de 80 à 90 paniers ». Autant d’exemples qui montrent que si les drive fermiers n'ont pas complètement renversé les habitudes de consommation, ils ont consolidé leur place dans le paysage de la distribution alimentaire.
D’après un article de Berty Robert.