Chien de protection
Travailleur indépendant et employé modèle

Françoise Thomas
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La recolonisation progressive par le loup des territoires d’élevage ovin bouscule les pratiques et les habitudes autant que les perspectives et les investissements. L’un des moyens les plus efficaces de se préserver des attaques du grand prédateur reste le chien de protection. Il est cependant indispensable de bien se renseigner avant, et d’être accompagné pour se garantir au maximum toutes les chances de réussite.

Travailleur indépendant et employé modèle
« Le patou reste le moyen de protection le plus efficace contre le loup », souligne Anne Bonhour, éleveuse ovins dans l’Allier et utilisatrices de plusieurs chiens de protection. Ici, Naia, l’une de ses chiennes, mâtin espagnol.

Le jeune patou de 18 mois d’un éleveur de Saône-et-Loire a dernièrement parfaitement « fait le job » puisqu’il a réussi à deux reprises à protéger du loup la troupe de brebis qu’il avait en garde. Seuls quelques agneaux ont péri mais l’essentiel du troupeau s’en est sorti. Ces deux attaques en l’espace de quelques jours avec un bilan finalement limité prouvent les qualités de ce chien.
Mais pour avoir un chien aussi efficace aussi jeune, il faut, en amont, avoir mis toutes les chances de son côté.
C’est l’essentiel du discours de Barbara Ducreux, animatrice pour l’Idele du réseau chien de protection et d’Anne Bonhour, éleveuse ovin dans l’Allier, utilisatrice de patous* et relais local du réseau, notamment pour la Saône-et-Loire.

Une intégration qui se prépare

Dans l’absolu, « même si la mise en place d’un chien de protection n’est pas, pour un éleveur ovin, a priori dans ses projets, s’informer et se former est la première chose à faire », présente Barbara Ducreux, car au final le recours à un patou nécessite de ne pas se précipiter, d’anticiper et de s’y préparer un minimum.

Et comme ce n’est pas anodin, il est primordial de s’appuyer sur ceux qui connaissent déjà les bonnes pratiques car rien n’est intuitif en la matière. Les relations à créer avec un patou n’ont rien à voir avec celles créées avec les chiens "habituels". 
Pour l’aider dans « son travail », l’éleveur doit en tout premier lieu faire les bons choix et les bons aménagements.

« On doit choisir le chien en fonction du profil de sa ferme, explique Anne Bonhour, on ne s’orientera donc pas sur la même race si l’on est isolé en bordure de forêt, ou installé en zone périurbaine ». En terme d’aboiement par exemple, le chien devra donc être soit hyper persuasif dans le premier cas, ou au contraire être très discret vis-à-vis du voisinage dans le second cas.

Ensuite, l’éleveur devra très certainement concéder quelques aménagements dans sa conduite de troupeau : revoir le nombre et la taille des lots, ou peut-être penser différemment les agnelages, revoir les périodes passées en bâtiment pour les différents lots, « mais aussi il lui faudra faire le point sur son parcellaire et très certainement procéder au renforcement ou à la remise en état de ses barrières ».

Seul maître au pré

À partir de là, le choix du chien se fera en fonction de la lignée dont il est issu. « Il doit être né au troupeau, c’est essentiel et c’est un premier gage de réussite », insiste Barbara Ducreux. Le rôle de l’éleveur naisseur (du chien) est là aussi primordial : « il doit assurer le bon conditionnement du chien, son contact permanent avec des animaux, quels qu’ils soient, durant ses deux premiers mois ». Le fait de lui apprendre à ne pas divaguer, c’est-à-dire à ne pas quitter le troupeau comme bon lui semble, ne pas chercher à chasser les brebis, ne jamais jouer à les mordiller, etc. font partie des bonnes pratiques que ce potentiel futur chien de travail doit impérativement intégrer dès son plus jeune âge.

Et ceci, tout en étant sociabilisé, « ce que l’on appelle la familiarisation à l’humain, précise Barbara Ducreux, puisque forcément il sera soumis à des tiers tout au long de sa vie », surtout dans nos zones de plaines qui comptent promeneurs, chasseurs, voisinage proche.

Car il ne faut pas oublier que ce que l’on attend de ces chiens c’est extrêmement compliqué : ils se retrouvent seuls, ils doivent donc avoir une faculté de discernement énorme pour choisir la bonne attitude à adopter face à un simple promeneur ou face au loup.

« C’est à lui seul de prendre des décisions quand un événement se passe dans le troupeau qu’il garde, on demande à ces chiens beaucoup d’autonomie », insiste Anne Bonhour.

Comprendre les alertes

D’où l’importance, que tout un chacun, promeneur, voisin, chasseur, connaisse au maximum la bonne attitude à avoir avec un patou. « Il faut comprendre qu’un chien n’attaque jamais sans avoir préalablement envoyé plusieurs messages. À nous tous de prêter attention et de savoir interpréter les signes d’alerte qu’il envoie », poursuit l’éleveuse. Et même le fait d’être pincé (voire, mordu) est un message de prévention quand on se rappelle que ces chiens sont tout à fait capables de faire bien plus !

L’attitude de certaines personnes est d’autant plus préjudiciable que le chien finira par associer indifféremment tout promeneur comme danger : « on n’utilise donc pas de gaz lacrymogène contre ces chiens, on ne les arrose pas non plus avec les gourdes d’eau », rappelle Barbara Ducreux. Des comportements rapportés dans plusieurs secteurs…

Ainsi, pour continuer de préserver la qualité de travail de ces chiens, il est important de communiquer au maximum pour expliquer leur rôle et leur fonctionnement : signaler leur présence auprès de la mairie, informer les voisins, sensibiliser via des panneaux en bordure de parcelles.

« Nous devons tout simplement tous respecter son travail ! », soulignent les deux femmes, un respect d’autant plus primordial quand on sait l’investissement financier et en temps que leur intégration représente pour un éleveur et le rôle salvateur que remplissent courageusement ces chiens auprès des troupeaux.

 

*Le terme patou désigne à l’origine uniquement la race montagnes des Pyrénées. Mais on en vient progressivement à regrouper toutes les races de chiens de protection sous cette appellation, qui est désormais intégrée et comprise par le grand public.

 

Tous recensés
Un patou défend son troupeau selon un périmètre qu’il s’est fixé lui. Toute intrusion dans ce périmètre représente pour lui une mise en danger de ses brebis et il est là pour assurer leur protection. Il convient donc de respecter cette zone et de ne jamais traverser un troupeau.

Tous recensés

Une filière recensement des chiens de protection de troupeaux vient d’être lancée. Il s’agit de dresser un état des lieux de la population de chiens de protection et de noter leurs caractéristiques et performances. Cela pour quatre objectifs : mieux connaitre cette population de chien de protection en activité : races, qualités au travail, généalogie ; mieux raisonner les accouplements et donc aider le travail de sélection ; tisser du lien entre les éleveurs utilisateurs entre partage de savoir-faire et expériences et démarche collective de progrès ; enfin créer un réseau d’éleveurs-naisseurs de chiots de protection, entre charte de bonnes pratiques et diffusion de chiens adaptés.
Les recenseurs se déplacent auprès des chiens de 18 mois minimum qui travaillent sur troupeaux. C’est une démarche volontaire et gratuite.

Des éleveurs accompagnés

Le réseau chien de protection de l’Idele, mis en place en 2018 par le ministère de l’Agriculture dans le cadre du plan loup, a trois missions :
L’accompagnement technique des éleveurs et futurs éleveurs dans le choix, la mise en place et l’utilisation des chiens de protection.
La sensibilisation des autres utilisateurs des espaces de pâturage.
L’information collective des éleveurs et les formations (pris en charge par Vivea pour les éleveurs concernés dans les zones cercle 0 à 3 définies dans le cadre du plan loup).

25 personnes constituent ce réseau, tous éleveurs (ovins et caprins essentiellement) et tous utilisateurs de chiens de protection. Six personnes sont en charge des formations collectives, tous sont relais locaux pour assurer l’accompagnement technique de leurs collègues éleveurs.