AOC Bœuf de Charolles 2010-2020
Partie remise pour les dix ans !

Cédric MICHELIN
-

Le 21 septembre à Amanzé s’est tenue l’assemblée générale de l’AOC Bœuf de Charolles. Une (petite) occasion de célébrer les dix ans de l’appellation laquelle, Covid-19 oblige, n’a pas été à la fête en 2020. En attendant, l’AOC avance et compte toujours se développer avec ses nombreux atouts : le goût et l’origine avant tout.

Partie remise pour les dix ans !

Pour l’heure, il était question de l’exercice 2019. Le trésorier, Dominique Gâteau entrait dans le vif du sujet des comptes se réjouissant d’emblée « d’une nette augmentation (de 26.000 € à 37.000 €) pour la communication, ce qui est bon signe » prouvant que le Syndicat de défense et de promotion est bien dans son rôle. Éleveurs et artisans bouchers ont notamment été équipés de vestes aux couleurs de l’AOC. Participant à de nombreux événements ou reportages média, on notera également le partenariat avec le Tournoi des chefs étoilés à Tournus, haut lieu de la gastronomie de Saône-et-Loire.
Côté gestion maintenant, malgré la baisse des tonnages - 570 tonnes carcasse en 2018 contre 533 t en 2019 - le coût de revient du plan de contrôle reste « au ras des pâquerettes pour une AOC » à 16,60 € par tonne carcasse. Ce qui permet de rassurer les adhérents et les collectivités. « C’est de l’argent bien placé puisque 12.200 € de subventions publiques ont permis une plus-value de 346.000 € qui revient aux éleveurs, à la filière et au territoire », se félicitait Jean-François Ravault. Pour autant, le président assume « la stratégie du conseil d’administration de ne pas avoir de nombreux adhérents mais plus des adhérents mobilisés qui respectent le cahier des charges ». Sur les 176 exploitations agréées, seules 36 n’ont pas fourni d’animaux. Le gros des troupes (52) fournit entre cinq et neuf bêtes par an, 35 exploitations entre 10 et 20 et seulement huit, plus de 20 bêtes par an. Au final en 2019, 1.119 carcasses ont été agréées. La plus-value par animal est en moyenne de 309 € pour l'éleveur.

Plus de boucheries agréées

Quatre « apporteurs » se partagent la distribution de l’AOC : 113 bêtes pour Actis, 495 pour Charolais Horizon, 345 pour Global-Socaviac et 166 via des « indépendants » en 2019. Pour ces derniers, il s’agissait de deux chevilles qui « étaient montées en puissance », avant de chuter. Alors que l’année 2020 est déjà bien entamée, à date (semaine 37), l’AOC est en retard sur ses objectifs de commercialisation, 730 carcasses soit 1.040 à terme si la moyenne de 20 bêtes sorties par semaine se maintient. L’explication est d’abord et surtout à chercher du côté du ralentissement commercial des boucheries et restaurants en raison du Covid-19. Mais Jean-François Ravault ne cachait pas que la « tendance avant, au début de l’année, n’était déjà pas très bonne ». Le Bœuf de Charolles « ne se développe pas comme on souhaiterait. Il n’y a que Charolais viande qui la défend et fait progresser l’AOC », lançait-il. Ce qui provoquait quelques réactions parmi la cinquantaine d’éleveurs présents, notamment au sujet d’un « manque de prospection » global. Jean-François Ravault rappelait que la « prospection commerciale est du ressort des chevilles et des groupements », pas du Syndicat de défense. Ce qui ne l’empêche pas d’agir côté événementiels, promotion et du côté d'autres Fédérations, comme celle des boucheries d’Ile-de-France. Quatre nouveaux points de vente sont ainsi dénombrés sur Paris. D’ailleurs, le nombre de boucheries vendant l’AOC est en « légère augmentation ».

Pilotage par le goût 

Le débat glissait sur la grille de prix, « stable » depuis quatre ans. Faut-il baisser les prix pour vendre plus ? Bernard Bonnefoy, président de l’AOP Fin gras du Mezenc (lire encadré) coupait court : « la bonne viande, c’est celle qui monte dans l’assiette » du client et « ce qui compte pour lui, c’est le goût. Que le consommateur redemande une viande goûteuse. C’est la seule orientation qui vaille ».
Tout aussi structurels, plusieurs éleveurs émettaient l’idée d’avoir « un planning » pour s’organiser. « Tout le monde met à l’engraissement ses bêtes donc on devrait pouvoir avoir un retour à deux, trois ou quatre mois et comme ça, on pourrait décaler parfois ». Une « maîtrise » qui irait quelque part dans le sens d’une gestion de la production « comme en filière Comté ou vins AOC », bien « qu’après il faudra accepter que vos bêtes soient dégagées vers d’autres productions », mettait en garde Jean-François Ravault. Certains semblaient prêts dans la salle pour mieux faire coïncider « offre et demande » des marchés.
Après quatre heures d’assemblée et de débats passionnés parfois, la députée, Josiane Corneloup positivait, elle qui voit dans la crise Covid une opportunité. « Les consommateurs ont changé de comportements. Ils recherchent de la proximité, le lien avec les producteurs, la qualité, la traçabilité. Il faut capitaliser et ne pas perdre votre avance », encourageait-elle. Pour la chambre d’agriculture et l’Institut Charolais, Jean-Jacques Lahaye appelait également à « défendre le territoire sans opposer les productions et les systèmes », et cela commencera déjà par « se mettre d’accord sur la ou les systèmes de promotion des viandes » sur notre territoire. Le plan est donc tracé pour les prochaines dix années à venir…

L’Unesco pour valoriser l’élevage Charolais-Brionnais

C’est dans le cadre magnifique de la Ferme auberge à Amanzé qu’est justement née l’idée d’un classement au patrimoine mondial de l’Unesco du bocage Charolais-Brionnais. L’idée de Jean-Marc Nesme est désormais en bonne voie. En mars 2018, la France l’a inscrite sur sa liste des projets candidats qu’elle retient en vue d’un dépôt auprès de l’Unesco. En 2019 a été prouvée la valeur universelle de « notre territoire », rappelait la directrice du Pays Charolais-Brionnais et présidente de l’association portant le dossier, Dominique Fayard. Le 15 septembre de cette année, il a fallu présenter la délimitation avec deux zones : cœur du bien et "tampon". L’association avance en parallèle sur le plan de gestion, de développement et de préservation. « Quand tout sera validé, vers 2022, on rassemble tout (2.000 pages de dossier) et la France devra ensuite choisir de le porter devant l’Unesco ». Avant, il faudra prouver que la population et les éleveurs « portent » ce dossier. « C’est un travail sur vos paysages, votre bocage liés à vos pratiques, à vos élevages, à vos terroirs ». Une belle reconnaissance en perspective donc.

AOP Fin gras du Mezenc : un « bordel organisé » qui marche !
« Quand je vais au restaurant, je demande d’où vient la viande. Si le serveur ne sait pas, je commande du poisson ».

AOP Fin gras du Mezenc : un « bordel organisé » qui marche !

Avec sa barbe, son chapeau, son foulard rouge et son accent, Bernard Bonnefoy a livré un message passionnant et positif à ses confrères éleveurs de Bœuf de Charolles. Il préside l’AOP Fin Gras du Mézenc à la frontière de l’Ardèche et de la Haute-Loire. « En 1994, la déserfication chez nous était importante et nous avions à cœur de remplir nos écoles plutôt que nos étables ». La population, les collectivités rejoignent alors l’idée de faire renaître - via une AOP – la tradition d’une production de viande de qualité. « Un produit saisonnier de février à juin après engraissement hivernal au foin riche en flore : plus de 300 plantes, entre 1.100 m et 1.500 m d’altitude, donnant sa singularité à notre viande ». Les races utilisées sont nombreuses : charolaises, aubrac, limousines, salers et même des croisées. Aujourd’hui, ce sont 1.200 animaux qui sont commercialisés chaque « saison ». « L’idée derrière est de mieux faire son travail plutôt que s’agrandir » pour ces éleveurs qui commercialisent aussi « des broutards vers l’Italie ». « Mais là avec l'AOP, la population est fier de nous ». Ce qui fait une sacrée différence. Les clients achètent du Fin gras de Mézenc « pour se faire plaisir » pour avoir une viande « goûteuse ». « On a la chance de s’être nommé Fin gras, les clients savent à quoi s’attendre » et ne cherchent pas une viande « sans gras ».
Le prix moyen payé au producteur est de 5,85 €/kgc. Les boucheries n’ont « pas d’exclusivité » et peuvent vendre d’autres filières ou labels qualité. Aucune vente en grande distribution par contre. « On est allé dire à Leclerc qu’on ne voulait pas ». Surtout, les éleveurs sont autant d’ambassadeurs et de vendeurs. « Notre commercialisation repose sur un bordel organisé comme une fourmilière. Ce sont les éleveurs qui font les ventes. On a sept-huit grossistes privés et une coopérative. Les animaux sont vendus en avance dès mars aux boucheries et restaurateurs ».