Portrait de céréalier
Oublier les sillons tout tracés

Françoise Thomas
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Romuald Gros a toujours eu le projet de s’installer dans la ferme familiale à la suite de son père et de son grand-père. Pourtant, loin de rester dans un schéma-type de conduite de culture, son itinéraire professionnel l’a toujours amené à s’ouvrir sur de nouvelles techniques. Aujourd’hui plus que jamais.

Oublier les sillons tout tracés
Romuald Gros, sur l’une de ses parcelles de soja. Il a intégré cette année la section céréale de la FDSEA71.

Le 1er mars 1997, Romuald Gros reprend seul l’exploitation familiale. Depuis plusieurs générations maintenant, la famille Gros a ses terres du côté de Baudrières, dans le hameau de Tenarre traversé par la départementale qui mène tout droit de Simandre à Ouroux-sur-Saône.
Si à une époque, la ferme a eu son troupeau de bovins, ceux-ci ont quitté les lieux dans les années 1990. Romuald est depuis resté sur une conduite de ferme exclusivement consacrée aux cultures céréalières.
« Les premières années, je cultivais également 5 ha de haricots verts, se rappelle-t-il, jusqu’à ce que l’usine D’aucy ferme. Les surfaces de haricots ont alors été remplacées par du soja ».

Pour le reste, soit 95 ha à l’époque, c’était entièrement du maïs. « Cette situation a duré les quatre, cinq premières années et puis j’ai commencé à diminuer progressivement les surfaces de maïs. Je me suis vite rendu compte que la monoculture n’est pas souhaitable. Si c’est simple et rapide à conduire sur le coup, les problèmes arrivent à moyen terme ».

Tests, succès et abandons

Aujourd’hui, c’est la nature des sols qui dicte le type de cultures à implanter. Ainsi, ses 108 ha sont répartis entre terres inondables argileuses, terres sableuses et limon.
Les premières accueillent prioritairement le maïs et le soja, les deuxièmes les céréales et le tournesol. « J’y ai également fait mes dernières cultures de colza, mais là j’abandonne, cela n’a rien donné cette année. L’an passé, la récolte avait aussi été catastrophique entre les insectes, le gel et les pluies ! », relate le producteur. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé d’autres méthodes avec l’appui de la chambre d’agriculture, « nous avons fait un essai avec un couvert permanent de trèfle blanc qui fonctionnait bien jusqu’à présent mais qui n’a malheureusement pas été concluant cette année. En octobre, je testerai le blé dedans, puis du maïs au printemps 2022 », en espérant que le trèfle redémarre... Parce qu’il est comme ça Romuald Gros, toujours en alerte sur ce que peuvent lui apporter les cycles des végétaux, attentif à leur croissance, n’hésitant jamais à se remettre en question.

Toujours sur les terres sableuses de Simandre, « je pratiquais aussi jusqu’il y a peu la rotation colza, blé, maïs et pois. Mais ces derniers sont peu rentables ». Du coup, cette année il a décidé de réorienter céréales et tournesol : « je me suis lancé dans une rotation blé, triticale, tournesol. À voir pour de la luzerne, à vendre sur pied, qui pourrait permettre d’allonger la rotation… ».
Des choix qui sont aussi en partie dictés par un échange paille/fumier avec un Gaec du secteur, et donc un besoin d’une certaine quantité de céréales à paille…

Une collaboration qui dure

Sur son troisième type de sol, les terres de Bresse plus limoneuses, il pratique une rotation, globalement sur trois ans, entre blé, soja, maïs, entrecoupées parfois par de l’orge en dérobée, « le tout en surfaces de 10 ha maximum ».
Pour ce qui est du travail du sol et des conditions d’implantation, cela se passe souvent avec l’accompagnement de la chambre d’agriculture et d’Antoine Villard en particulier. « Pendant 20 ans, tous les hivers, et cela avait commencé avant mon installation, j’ai travaillé pour la chambre d’agriculture à la collecte des données permettant d’obtenir les références en marges brutes par production ». Si cette collaboration-là est aujourd’hui terminée, faute de temps, le travail avec Antoine Villard se poursuit autrement : « dès qu’il a besoin de faire des essais et que mes terres correspondent, il me demande et j’accepte ! ». Tout n’a cependant pas été concluant, à l’image du trèfle et du colza, « mais depuis 2012 je pratique le semis direct avec parfois un peu de travail superficiel, j’ai gardé aussi le principe du soja sous couvert ».

Depuis 2004, l’agriculteur a investi dans une installation de stockage avec séchoir à maïs, silo de 200 tonnes et fosse de réception. « J’envisage désormais d’investir dans des silos de 50 et 100 tonnes permettant donc d’avoir des plus petits lots ». Des investissements en totale adéquation avec sa diversification en terme de cultures. Les silos auront par ailleurs des fonds coniques permettant de les vider plus souvent, une optimisation maximale toujours dans la même logique.

Même en Bresse, l’eau pose problème

La question de l’eau est lancinante depuis quelques campagnes, et l’agriculteur sait que cela va devenir une problématique récurrente « cette année, avec la fin de l’irrigation imposée début août, seule la moitié de mon soja en dérobé est récoltable ». Et encore, il s’est basé sur son expérience de l’été passé où l’irrigation avait été stoppée fin juillet : « j’ai préféré déléguer et donc payer pour faire faire les moissons, pour pouvoir consacrer mon temps à l’irrigation ». Ses cultures ont donc pu bénéficier d’un apport supplémentaire d’eau, permettant de limiter les dégâts…

Il n’envisage pas d’investir dans un système de stockage d’eau, « pour ma part, le temps d’amortissement serait trop long, il me semble plus simple de changer de culture ».