EXCLU WEB : La souveraineté, un enjeu de taille pour la nutrition animale

La flambée des prix des matières premières alimente les inquiétudes des fabricants d’aliments. Mais le gouvernement et les professionnels ont beaucoup investi pour développer l’autonomie des approvisionnements.

EXCLU WEB : La souveraineté, un enjeu de taille pour la nutrition animale

Les défis à relever par la filière française des aliments du bétail ne manquent pas, ont constaté les participants aux Rencontres de la nutrition animale organisées par La Coopération agricole Nutrition animale et le SNIA le 14 octobre à Paris. Alors que la flambée des prix des matières premières agricoles grève les marges des entreprises du secteur, les signaux envoyés par Bruxelles avec la stratégie « Farm to Fork » leur font craindre une perte de compétitivité de l’agriculture et de l’élevage européens. « La stratégie Farm to Fork n’en est pas une », a déploré le député européen Jérémy Decerle. « Elle se contente d’aligner des objectifs comme 50 % de pesticides en moins ou 25 % d’agriculture biologique d’ici 2030, mais sans mettre en face les conséquences sur le revenu des agriculteurs ou les propositions d’alternatives techniques », a-t-il déploré, estimant que la perspective d’une baisse de productivité « n’allait pas dans le sens de la souveraineté agricole ».  

Pas de bradage

Selon Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, la crise du Covid « a fait prendre conscience des risques de dépendance et de l’instabilité des économies ». « Les propositions de la Commission, élaborées avant cette crise, appartiennent à une époque où l’on pensait que l’on pourrait toujours aller chercher des produits ailleurs et que le commerce résoudrait forcément les problèmes d’approvisionnement », a-t-elle estimé. Pour la présidente de la FNSEA, « il est anormal que la stratégie n’ait pas fait l’objet d’une étude d’impact préalable. »

Dans un contexte de concurrence exacerbé, la volonté du gouvernement de faire du durcissement du contrôle des importations agricoles des 27 par des « clauses-miroir », notamment en matière de respect de l’environnement, est accueillie très favorablement.  « C’est une façon de reconnaître que les produits agricoles ne sont pas des biens comme les autres, mais aussi de faire valoir une identité agricole européenne, dotée de standards élevés et que l’on ne doit pas brader », estime Jérémy Decerle. « Quand les choses vont dans le bon sens, il faut aussi le dire », a abondé Christiane Lambert, citant les nombreux plans de soutiens à l’agriculture et à l’agroalimentaire : plan de relance, plan d’investissement d’avenir, France Relance ou encore France 2030, qui prévoit 2 milliards d’euros « pour une nouvelle révolution de l’alimentation saine, durable et traçable ».

Des importations de soja en baisse 

Certains de ces investissements, comme le « plan protéines », doivent permettre au secteur de l’alimentation animale de retrouver une certaine autonomie dans ses approvisionnements par l’introduction du soja ou de plantes alternatives. « Les efforts consentis ces dernières années ont déjà eu des effets », a convenu François Cholat, le président du SNIA. « La France importe aujourd’hui 3 millions de tonnes de soja, c’était 5 Mt il y a encore quelques années. Nous avons commencé à prendre notre destin en main ». 

La réautorisation des protéines animales transformées (PAT) pour l’alimentation des porcs et volailles est aussi accueillie avec satisfaction par la filière aliments. « Ce sont des matières premières ne présentant aucun risque sanitaire, produites localement et pouvant se substituer à des protéines importées », a rappelé Nathalie Chaze, directrice « alimentation durable » à la Commission Européenne. « C’est une bonne nouvelle, mais qui va exiger du courage et de la pédagogie de la part de tous», a insisté Frédéric Monnier, le président d’Oqualim, association qui coordonne les démarches collectives de la filière en matière de qualité et de sécurité sanitaire. « De nombreux cahiers des charges ont intégré une composition 100 % végétale. Cela empêche aujourd’hui le redéveloppement de cette source d’approvisionnement », a-t-il reconnu.

D’autres perspectives existent pour développer l’autonomie en matière d’approvisionnement, a expliqué Anne Mottet, chargée de la politique d’élevage à la FAO. L’ingénieure agronome et docteure en agro-écosystème a notamment cité l’extraction de la protéine de l’herbe, la valorisation de certains coproduits de l’industrie alimentaire comme la pulpe de tomate ou encore les farines d’insectes, dont la France est en passe de devenir une spécialiste. « Encore faut-il que ces ressources soient autorisées et disponibles toute l’année en quantité suffisante », a souligné Jean Louis Zwick, directeur du pôle agricole de Maïsadour. A propos de la filière soja française, ce dernier a également appelé la recherche française à développer des variétés destinées spécifiquement à la production de protéines.