Conseil régional de Bourgogne Franche-Comté
Une visite en deux temps : positiver puis améliorer

Cédric Michelin
-

La présidente du Conseil régional de Bourgogne Franche-Comté a passé la journée dans l’Autunois-Morvan, à l’invitation de la FRSEA, des JA et des FDSEA. La matinée était consacrée aux sujets filières, à travers les exemples de l’exploitation Lamarre à Reclesne puis de la nouvelle Station fermière à Autun. L’après-midi à Dracy-Saint-Loup faisait le tour des politiques propres à la région.

Une visite en deux temps : positiver puis améliorer

Après sept heures d’échanges et encore de nombreuses questions, un constat s’imposait à toutes et tous. « Il faudrait faire plus de rencontres terrain comme aujourd’hui », tant les sujets avec la Région, qui est compétente en matière agricole, sont nombreux.
Venant de toute la Bourgogne Franche-Comté, parfois après 3 heures de route, les échanges avaient débuté dès 10 h sur l’exploitation de Laetitia et Benoit Lamarre à côté de Reclesne dans le Morvan (lire encadré). La présidente de Région, Marie-Guite Dufay était accompagné des conseillers chargés de l’agriculture, Christian Morel (Vice-Président) et Fabrice Voillot, éleveur "voisin" à Charbonnat. Également membres de la commission, les élus Gilles Demersseman et Claire Maillard, présidente du groupe des Écologistes, complétaient la délégation régionale.

Face aux défis, réfléchir et positiver

Président de la FRSEA Bourgogne Franche-Comté, devant la presse, Christophe Chambon mettait en avant le travail de la Région pour l’agriculture, l’objectif étant de positiver et donner envie à des jeunes de s’installer. « Tout n’est pas foutu », entendait-on dire en regardant les vertes vallées.

Mais les défis sont là. L’occasion donc d’annoncer le lancement d’études prospectives car à l’heure du renouvellement des générations, du changement climatique, de la pression sociétale… , « il nous faut prendre le temps et les moyens de convoquer les scientifiques, de nous poser pour réfléchir à l’exercice demain de nos métiers, de notre agriculture », débutait Christian Decerle, président de la chambre régionale d’Agriculture. Le travail a déjà débuté en filière allaitante, après deux jours de visite dans la Loire, complétait Christian Bajard, coordinateur du Berceau des races à viande. Sans oublier, « le végétal – la viticulture est un fleuron de Saône-et-Loire – et les cultures, y compris protéines végétales », complétait-il au titre de sa présidence à la FDSEA.
Marie-Guite Dufay les remerciait ainsi que Laetitia et Benoit Lamarre, montrant là, « une exploitation agricole qui marche et qui a pris ses dispositions pour ». La présidente de Région se disait fidèle à son programme « avec deux grandes préoccupations : le devenir de la filière automobile et la filière allaitante qui constituent l’ADN de notre région ». Toutes deux sont confrontées à des évolutions majeures, « et sont complémentaires, glissait Christophe Chambon, la première émet des gaz à effet de serre, la seconde capte du carbone ».

Autonomie, stock, eau…

Pour autant, les premières "problématiques" arrivaient vite dans les débats. Après quatre années de fortes sécheresses, hormis « heureusement » 2021, l’eau est plus que jamais une ressource précieuse. En Saône-et-Loire, le Département – représenté par Frédéric Brochot - finance à 80 % des récupérateurs d’eau de pluie ou tonnes pour aller abreuver les animaux. La Région n’attendra pas la « nouvelle génération » Feader, opérationnelle à l’été prochain, et a mis dans son règlement d’intervenir dès cet hiver, à hauteur de 30 % des coûts.

Alors qu’en ce 25 octobre, la douceur de l’automne permettait de belles « repousses », Christian Morel invitait ses collègues éleveurs à stocker tout ce qui est possible pour passer les mois de juillet-août. Éleveur et élu à la FRB, Michel Joly le martèle : « on ne vit que d’herbes. Mais s’il n’y a plus d’élevage, nombre de communes vont fermer », alertait-il. Le vice-président de la FNB, l’éleveur nivernais, Emmanuel Bernard sait que la réforme de la Pac « ne va pas favoriser » les bovins viandes, mais il espère que la prochaine politique de Gestion des risques sera plus efficace que le régime des Calamités. « Sinon, la décapitalisation en lait - un tiers des viandes – et en allaitant continuera ». Et de rentrer dans le détail des systèmes, notamment des « naisseurs-engraisseurs, comme chez nous, qui sont les plus touchés par la décapitalisation », réclamant donc un accompagnement de la Région. « L’engraissement à 400 places n’est pas une production industrielle comme veut nous taxer l’Europe », dans les deux sens du terme. Au contraire, plaidait-il, nos zones de polyculture-élevage permettent de réduire les dépendances alimentaires et les importations d’engrais.
La contractualisation obligatoire avec Egalim 1 et 2 peut aussi « garantir un EBE » mais, tout comme en 2009, Christophe Chambon remarque qu’avec « des prix à la hausse, les éleveurs ne franchissent pas le pas ». Malheureusement, plus d’une décennie après 2009, les producteurs étaient toujours la variable d’ajustement des centrales d’achat et des transformateurs et risquent de le rester…

La perte insidieuse d’agriculteurs

Si le président des JA BFC, Florent Point se réservait l’après-midi pour les questions sur la DJA (dotation jeune agriculteur) et le besoin de "remplacer" les CDOA, maintenant que la région a repris la compétence (lire notre prochaine édition), c’est Christian Decerle qui faisait un vibrant plaidoyer sur l’enjeu majeur qu’est le renouvellement des agriculteurs. « Le dernier recensement, troisième d’affilée, a encore dénombré la perte d’un quart des agriculteurs, 7.000 en BFC. On le voit venir de façon insidieuse et s’imposer avec brutalité : trop tard », appelait-il à réagir, interpellant l’État, la Région, les Départements et parlementaires. Et ces derniers seraient bien inspirés d’arrêtés « de s’intéresser à tous ceux qui ont un avis abrupt sur l’agriculture alors que ce sont les agriculteurs les mieux placés pour imaginer leurs futurs, même s’il y a besoin de nourrir ces réflexions avec l’extérieur. Respectez les 400.000 agriculteurs restants ».

Gaec Lamarre : le choc énergétique

Gaec Lamarre : le choc énergétique

« Je suis viscéralement éleveur. Je me lève pour élever mes vaches ». Pas de doute sur la passion de Benoit Lamarre, installé en 2006 en hors cadre puisque ses parents « à 7 km » étaient « trop jeunes » alors pour transmettre. Sa femme, Laetitia, le rejoint à Reclesne en 2012, alors qu’elle s’était installée en vaches et chèvres dans le Clunisois. Tous deux veulent « valoriser à la ferme » mais avec son expérience, Laetitia voit rapidement les « difficultés de faire venir les clients ici, même si j’adore Reclesne », ne regrette-t-elle pas. Car, chemin faisant, elle s’est rendu compte qu’elle est, elle aussi, plus éleveuse dans l’âme « et pas commerçante tous les jours de l’année ». Marie-Guite Dufay comprenait fort bien que la vente directe à la ferme ne peut pas correspondre, loin de là, à toutes et à tous, avec tous les métiers à rajouter (vente, transformation, gestion administrative et commerciale, hygiène…).
Pour ramener de la valeur sur le Gaec, le couple développe plutôt un atelier veaux de boucherie « en indépendant ». En 2015, le constat est là encore tiré qu’il vaut mieux « passer en intégration » avec Juraveaux qui correspond à la « philosophie » qu’ils recherchaient. En engraissant ainsi plus de 700 veaux à l’année, le Gaec fait des échanges avec des céréaliers, paille contre fumier, en plus d’adhérer à Morvan Paille.
Mais un « inquiétant » décompte à débuter en 2022 avec la hausse des prix de l’énergie. Avec un abonnement électrique au-dessus de 36 kVa, le Gaec n’est pas protégé par le bouclier tarifaire. « Soit on devient autonome avec des panneaux photovoltaïques pour de l’autoconsommation, soit l’atelier veaux de lait périclite dans les six mois », ne cache pas Laetitia qui ne voit pas d’autre solution à très court terme.
Sinon, le cheptel - 85 mères - allaitant est exemplaire, la totalité en charolais reconnus par le HBC, Benoit étant très engagé dans la sélection génétique. S’il exporte un tiers de ses broutards en Italie, il finit ses femelles grasses avec des rations de foin et de concentrés (6 ha de méteil et 10 ha de cultures). Le couple a dû arrêter la production de maïs faute d’eau ces dernières années. Benoit mise plus sur le sursemis de ses prairies en incorporant plus de trèfles. L’investissement pour les régénérer ainsi s’est fait en Cuma.
Avec ses terrains très séchants, il fait le choix de faire vêler en septembre/octobre/novembre pour avoir des vaches sevrées début juillet, ayant ainsi moins de besoins lors des mois secs de juillet/août.