Union européenne
Déforestation : proposition d’un dispositif visant les importations agricoles

La Commission européenne a proposé un dispositif visant à garantir que les importations européennes de viande bovine, bois, huile de palme, soja, café et cacao soient exemptes de déforestation.

Déforestation : proposition d’un dispositif visant les importations agricoles
Les pays et régions du monde vont être classés en fonction de leur niveau de risque de déforestation et les entreprises de l’UE seront tenues de vérifier la provenance de leurs importations pour s’assurer qu’elles ne sont pas responsables de la disparition de forêts.

La Commission européenne a présenté le 17 novembre sa proposition visant à limiter l’impact des importations de l’UE sur la déforestation mondiale en interdisant la mise sur le marché communautaire de certains produits agricoles et forestiers lorsqu’ils contribuent à la déforestation. Six produits, qui ont été jugés comme les plus problématiques, sont visés : viande bovine, bois, huile de palme, soja, café et cacao. Mais la Commission européenne n’exclut pas la possibilité d’en élargir le champ d’application (au caoutchouc ou au maïs par exemple) en fonction de l’évolution de la situation. L’objectif est de garantir, avec un système de traçabilité stricte (lire encadré), que seuls des produits conformes à la législation et sans lien avec la déforestation sont autorisés dans l’UE sans avoir à passer par un système de certification ou d’étiquetage.

Les pays classés selon le niveau de risque

Les entreprises qui mettent sur le marché ces produits de base (et certains de leurs dérivés comme le cuir ou le chocolat) seront tenues de mettre en œuvre des systèmes de diligence raisonnée c’est-à-dire : de collecter les coordonnées géographiques des terres sur lesquelles ils ont été cultivés et de soumettre à un système d’information européen une déclaration dans laquelle elles confirment qu’ils ne sont pas issus de terres déboisées ou dégradées après le 31 décembre 2020. La Commission européenne classera les pays comme présentant un risque faible, moyen ou élevé. Les obligations applicables aux opérateurs et aux autorités varieront en fonction du niveau de risque du pays ou de la région de production. Un système simplifié sera appliqué aux produits provenant de zones à faible risque et des contrôles renforcés s’imposeront pour les zones à haut risque.

L’établissement de cette liste des pays ou de zones à risque reposera sur un certain nombre de critères : poursuite de la déforestation, taux de déforestation, flux et filières d’exportation connexes, critères politiques (comme un engagement dans la lutte contre la déforestation ou l’existence d’une législation pour la combattre). La date du 31 décembre 2020, retenue comme référence pour identifier par image satellitaire l’existence d’une forêt dont seraient issus des produits associés à la déforestation, se fonde sur les travaux de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), bien que les images disponibles remontent à 2014. Le Parlement européen plaide pour que la date de référence soit 2015.

Quelles sanctions ?

Ce sont les États membres qui seront responsables de l’application effective du règlement. La Commission européenne précise qu’ils seront tenus de prévoir des sanctions dissuasives, un échange d’informations entre les autorités douanières ainsi que l’obligation, pour les autorités compétentes, de prendre les mesures qui s’imposent en cas de préoccupations justifiées de la société civile. Ces sanctions pourraient représenter 4 % au moins du chiffre d’affaires annuel des entreprises. La Commission européenne établira pour cela des lignes directrices.

« Après les engagements pris à la Cop26, nous montrons que nous ne nous arrêtons pas et qu’au contraire ce n’est que le début des actions que nous allons mener », a commenté le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans. Selon Bruxelles, ces dispositions devraient empêcher au moins 29 % de la déforestation due à la consommation par l’UE soit au moins 31,9 millions de tonnes d’émissions carbone dans l’atmosphère chaque année.

Des lacunes et des craintes

Les organisations et coopératives agricoles de l’UE (Copa-Cogeca) appellent à la prudence. « L’UE doit respecter pleinement les règles de l’OMC et garantir un système commercial multilatéral ouvert, transparent et équitable. La proposition actuelle sur le système d’étalonnage catégorisant les pays est incompatible avec ces règles et peut avoir de graves conséquences sur les futures relations commerciales et fausser la concurrence sur le marché européen et mondial », préviennent-elles. Le Copa-Cogeca s’inquiète également d’une hausse des prix des aliments pour animaux qui entraînerait une augmentation « des importations de produits animaux en provenance de pays tiers qui n’ont pas les mêmes règles de traçabilité ni de production prouvée sans déforestation ».

La proposition est désormais entre les mains du Parlement européen et des États membres qui vont pouvoir, dans les prochains mois, prendre position sur ce dossier en vue d’aboutir à un compromis.

Interbev veut imposer la traçabilité individuelle

Alors que la Commission européenne présente le 17 novembre son projet de règlement contre la déforestation importée, l'interprofession française du bétail et des viandes (Interbev) « demande une "mesure-miroir" sur la traçabilité des bovins » importés. « Il s’agirait de rendre obligatoire la traçabilité individuelle de leurs animaux, de la naissance à l’abattage », précise l'organisation. Cette disposition « pourrait permettre aux importateurs européens d’exiger, auprès de leurs fournisseurs, les informations relatives aux lieux de naissance et d’élevage ». Ce qui serait, d'après Interbev, la « seule manière de s’assurer que ces viandes ne sont pas issues de la déforestation ». Et de rappeler que la France – qui doit assurer la présidence tournante de l'UE au premier semestre 2022 – a fait « de l’application de "mesures miroir" aux produits agricoles importés l’une des grandes causes » de la PFUE (présidence française de l'UE). Le projet de règlement sur la déforestation constitue « une formidable opportunité, pour la France, d’obtenir une première avancée concrète, majeure, dans son combat de bon sens en faveur des mesures miroir », estime le président d'Interbev, Dominique Langlois, cité dans le communiqué.