Agriculture biologique
Agriculture biologique : négociations de la dernière chance

Publié par Cédric Michelin
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Les ministres de l’agriculture des Vingt-huit, réunis le 12 juin à Luxembourg, ont finalement décidé de relancer les négociations sur la révision de la législation sur l’agriculture biologique. Objectif : parvenir à un accord avec le Parlement européen avant la fin du mois de juin sur ce dossier qui traîne maintenant depuis plusieurs années et qui menace d’être abandonné. Un parcours du combattant pour la présidence maltaise du Conseil qui, au cours des deux prochaines semaines, va rencontrer chaque État membre avant de tenter de préparer un texte de compromis qui obtienne le soutien de la majorité d’entre eux mais aussi du Parlement européen. Pour faciliter les discussions, le commissaire européen Phil Hogan a proposé de mettre de côté les deux points les plus problématiques de la négociation : la déclassification des produits biologiques présentant des résidus de pesticides non autorisés et la culture sous serre dans des bacs.

Agriculture biologique : négociations de la dernière chance

La présidence maltaise du Conseil de l'UE, qui avait un temps abandonné l’idée de poursuivre les négociations sur la révision de la législation sur l’agriculture biologique, après l’échec des discussions entre les États membres, va finalement tenter une dernière fois de boucler ce dossier sans fin avant le mois de juillet. Réunis le 12 juin à Luxembourg, les ministres de l’agriculture des Vingt-huit ont convenu d’essayer une nouvelle fois d'œuvrer dans ce sens. L’Estonie, qui prendra la tête du Conseil à partir du 1er juillet, ne lui a guère laissé de choix, prévenant d’emblée que cette question ne faisait pas partie de son programme de travail. « Je ne vois pas pourquoi nous pourrions faire mieux que les précédentes présidences », a souligné le ministre estonien de l’agriculture,Tarmo Tamm.

Le commissaire européen Phil Hogan, qui ne souhaite pas retirer sa proposition, laquelle doit entre autres permettre à la réglementation européenne de s’aligner avec les nouvelles exigences du traité de Lisbonne, est donc venu devant les ministres des Vingt-huit avec un projet de compromis : laisser de côté les deux points les plus problématiques du dossier (les résidus de pesticides et les cultures sous serres hors sol) en prévoyant des périodes de transition, et conclure les discussions sur le reste du texte. Un projet qui revient à cacher sous le tapis les divisions et qui ne fait que repousser le problème, n’ont pas manqué de dénoncer certains États membres. Près d’une dizaine d’entre eux a même demandé plus ou moins fermement un abandon du texte. La Belgique, la Slovaquie, la République tchèque et le Danemark en particulier ont appelé Bruxelles à simplement amender la réglementation en place pour la « lisbonniser ».

Mettre de côté les dossiers épineux

Une majorité néanmoins s’est prononcée pour la poursuite des négociations (France, Italie Espagne et Allemagne en tête) d’abord au sein du Conseil pour adopter un mandat de négociation puis avec le Parlement européen. « Si nous essayons de conclure avant la fin du mois, il faudra que la réunion de négociation soit extrêmement bien préparée, car ce sera la négociation de la dernière chance », a prévenu le ministre de l’agriculture allemand, Christian Schmidt.

Phil Hogan a salué les progrès significatifs déjà effectués sur le texte (voir encadré). Il y aurait, selon lui, un accord sur 90 % des dispositions. Et, pour faciliter l’avancée des travaux, il propose pour les résidus de pesticides de laisser les pays qui le souhaitent appliquer leur législation nationale en matière de seuils de déclassification des produits biologiques. Si cette option est retenue, la Commission présenterait un rapport trois ans après l’entrée en vigueur du nouveau règlement pour évaluer la situation et ferait, si nécessaire, une proposition législative. Concernant les productions sous serre dans des bacs, Bruxelles propose de maintenir pendant 10 ans les dérogations dont bénéficient certains pays du nord de l’Europe. Et là encore, après un exercice d’évaluation et la publication d’un rapport, une législation serait proposée si nécessaire.

Optimisme modéré

Sur cette base, la présidence maltaise va s’entretenir en bilatéral avec chaque État membre pour bien identifier ses lignes rouges, puis présentera le 21 juin, épaulée par la Commission européenne, un projet de mandat de négociation auquel les États membres devront apporter leur soutien – lors d’un Comité spécial agricole exceptionnel le 26 juin. Une ultime réunion de pourparlers devrait alors pouvoir se tenir le 28 juin avec le Parlement européen. L’eurodéputé Martin Häusling (Verts, allemand), rapporteur sur le dossier, s’est montré soulagé après la décision du Conseil de poursuivre les pourparlers. « Il y a un bon compromis sur la table. Le Parlement va travailler dur pour obtenir un accord final avant l’été », a-t-il assuré.

Mais rien ne dit que les États membres adhéreront à ces propositions. « Je ne me fais pas d’illusion mais il faut essayer », a résumé Phil Hogan. Car au-delà de ces deux points les plus problématiques, d’autres restent à résoudre : les importations et les contrôles, deux sujets qui ont été plus ou moins réglés mais que certains États membres remettent régulièrement sur la table, l’élimination progressive des dérogations pour l’utilisation de semences, les dérogations en cas de catastrophe naturelle, les bases de données sur le bétail… « Le problème, estime par exemple la Lituanie, est que pour obtenir un résultat à tout prix, on multiplie les dérogations et nous sommes désormais bien loin de l’objectif initial d’harmonisation de la réglementation au sein de l’UE ». Bruxelles et la présidence maltaise vont devoir résoudre ce casse-tête.

Des progrès qui seraient perdus

Le commissaire européen à l’agriculture, Phil Hogan, a dressé la liste des progrès sur lesquels un accord semble déjà acquis dans la négociation de la réforme de l’agriculture biologique. Tout d’abord en termes de portée du règlement, laquelle qui serait élargie à des produits supplémentaires comme le sel, le liège ou la cire d’abeille et à des règles de production supplémentaires, par exemple les cerfs, les lapins ou la volaille. Parmi les autres améliorations que permet le texte, le commissaire a mis en avant : le régime de conformité imposé aux importations depuis des pays tiers, la modernisation du régime de contrôle, l’introduction de règles permettant la certification de groupes de producteurs pour les petits opérateurs, la fin des dérogations « à la carte » qui nuisent à l’harmonisation des règles… « Toutes ces réalisations seraient perdues si nous ne pouvions pas conclure un accord », a prévenu Phil Hogan.