Cave de Bissey-sous-Cruchaud
Après 2021, valoriser pour compenser

Cédric Michelin
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Le 19 janvier, les associés coopérateurs de la cave de Bissey-sous-Cruchaud tenaient deux assemblées générales, une extraordinaire et une ordinaire. L’occasion après l’audit Coopertise de toiletter les statuts, faire le point sur l’exercice clos en juillet 2022, revenir sur les projets menés à bien en 2022 et ceux à venir en 2023 avec notamment la réalisation du nouveau caveau et bâtiment. De nouvelles cuvées sont en préparation.

Après 2021, valoriser pour compenser

Ayant atteint le quorum dès 17 h 30, Élodie Segaud, la déléguée générale de la Fédération des caves coopératives de Bourgogne-Jura (FCCBJ) pouvait débuter sur les quelques remarques émises suite à l’audit Coopertise. Elle expliquait les résolutions à adopter pour une « mise en harmonie des statuts » (suppression objet service type 6 pour revenir à un type 1 coopératif sur production/vente…) mais qui au fond « ne change pas grand-chose » au fonctionnement de la cave coopérative. Sans remise en question du conseil d’administration et avec des votes à l’unanimité, une seule question émanait sur la fin de l’obligation de demander au conseil d’administration de donner son avis ou être consulté sur les prêts d’investissement. Le président de la cave de Bissey, Jean-Philippe Prétet remerciait pour cette question qu’il s’est lui-même posé pour continuer à œuvrer à la bonne vie démocratique, imaginant potentiellement « relever le montant d’investissement ou un pourcentage du chiffre d’affaires maximum » avant consultation du conseil d’administration. La déléguée générale et la Commissaire aux comptes confirmaient qu’en réalité, « le plafond de financement possible, c’est votre banquier qui le fixe », rassurant sur la bonne gestion de l’outil coopératif.

Le stock fond

Ainsi clarifiée, l’assemblée générale ordinaire s’enchaînait pour faire la pleine lumière sur l’exercice clos au 31 juillet 2022. Avec un volume de vin collecté de 3.304 hl (contre 5.319 hl pour la récolte 2020), la petite récolte 2021 se fait ressentir forcément dans le résultat à 1.347.883 € contre 1.883.135 € pour l’exercice précédent. Pourtant, cette baisse cache une hausse relative de commercialisation, en volume relatif et en valeur absolue. Si l’exercice 2020-2021 a permis de commercialiser 4.701 hl (contre 6.229 hl en 2019-2020 ; -25 %), la baisse est donc bien moindre que la demi-récolte (33,1 hl/ha en moyenne contre 54,6 hl/ha pour la récolte 2020) laissait craindre fin avril 2021.

La raison est double : d’abord grâce à un beau dynamisme commercial sur tous les marchés de la cave qui a pour corollaire un « important déstockage » (y compris des 84 hl de VCI). Et ce « en vendant plus cher » les vins et le vrac (en coteaux bourguignon et AOC givry principalement). Ainsi, la valorisation de la récolte 2021 s’est finalement élevée à 776.000 € et les coopérateurs ont pu bénéficier de compléments de prix presque équivalent (618.473 €) avec les ventes de la fin récolte 2019 principalement. « Pendant plusieurs années, notre cave a été prudente sur les augmentations de prix aux clients, ce qui nous a permis là d’augmenter pour compenser la petite récolte 2021 », expliquait Jean-Philippe Prétêt, continuant sur les conséquences sur la revalorisation des stocks avec des prix d’écoulement supérieur aux prix estimés auparavant. Une grande partie du bénéfice (77 k€) a été mise en réserve (40 k€). La coopérative a déposé une demande de subvention suite au gel 2021, en attente de réponse de FranceAgriMer. En outre, la cave a remboursé son Prêt garanti par l’État (PGE) suite à la crise Covid « tout en conservant sa trésorerie ».

Nouveau caveau et photovoltaïque

Car 2023 va être marquée par le lancement des travaux du projet d’agrandissement et de réaménagement du caveau. Les travaux débutent (quai d’expédition, canalisation…) ce mois de janvier. Les fondations dès mi-février. Malgré tous les efforts pour « simplifier le projet », le budget est passé de 2 millions d’€ à 2,5 M€, avec l’inflation des matériaux. Pas de quoi remettre cependant en question la mise en service du magasin toujours prévue pour novembre 2023, avec une réception totale des travaux en mars 2024 après l’aménagement intérieur. La fin 2022 a aussi été marquée par le fonctionnement des 500 m2 de panneaux photovoltaïques, en autoconsommation pour l’heure, en attendant le raccordement « d’ici fin mars », espère le directeur, Julien Guillaume. Avec une puissance de 102 KWc, la cave devrait atteindre 43 % d’autosuffisance à terme et revendre le surplus d’électricité produite. Avec la crise énergétique et la hausse des prix de rachat d’électricité, « le projet était rentable dès la première année et amorti sur 7 ans, donc cela ne pourra être que mieux », se félicite-t-il. De quoi aider à investir encore (gerbeur, filmeuse, cuves béton, groupe froid…). La cave réfléchit également à sa gestion des effluents pour passer à leur épandage l’an prochain. La cave compte 43 ha d’AOC blanches, 37 ha en rouge et 19 en crémant de Bourgogne, pour un total presque inchangé de 99 ha (contre 96 ha auparavant). Maintenant sans stock de réserve, les viticulteurs espèrent une campagne 2023 « normale » pour profiter de tous leurs nouveaux atouts.

Ice, trilogie parcellaire, nouvelle cuvée prestige et premium...

La cave de Bissey-sous-Cruchaud est reconnue notamment pour l’excellent rapport qualité-prix de ses crémants de Bourgogne. En 2022 a été lancée la cuvée Ice et il s’en est vendu 3.000 cols depuis le mois d’août. Une nouveauté qui ne passera certainement pas inaperçu au VinExposium et au Wine Paris, salons professionnels auxquels participe la cave de Bissey (tous les 3-5 ans pour VinExposium). Les retombées se concrétisent en achats, notamment côté exports (Europe du Nord, Asie…). « Après le Covid et les problèmes d’autres fournisseurs suite à la récolte 2021, les cartes sont rebattues », motive Julien Guillaume.
Côté vignes aussi, il y a du nouveau avec le recours à la société Viacertis dirigée par Sabine Bombrun, l’ancienne responsable qualité de la cave de Lugny maintenant à son compte, qui les a notamment accompagnés sur la certification Bio de la société idoine. Suite à l’arrivée et à la conversion débutée de deux jeunes coopérateurs, la cave de Bissey réfléchit à suivre ce même exemple. « Le but serait de proposer un ou deux produits Bio comme il y a une petite demande, en débutant sur une seule AOC », lance Jean-Philippe Prétêt qui invite les autres volontaires à se manifester. Cette gamme Bio pourrait être lancée dès 2024. Si le marché Français Bio patine actuellement, il n’en n’est pas de même dans le secteur du vin de Bourgogne et encore moins à l’étranger, même si le label « bas-carbone » monte en puissance et devient concurrent. Dans le même ordre d’idée d’accompagner des jeunes vignerons à s’installer en tant que coopérateur, la cave a mis en place un « nouveau système de rémunération », avec des prix fixes les trois premières années.
La cave a également un projet côté salariés avec une consultante chargée de la qualité de vie au travail. Qui dit salariés heureux, dit pérennisation à l’heure des tensions sur le marché de la main-d’œuvre, et qualité côté production et ventes. La cave compte poursuivre la cuvée Ice et lancer une nouvelle « trilogie parcellaire », une cuvée prestige de chardonnay « boisé » - « en gardant plus longtemps les fûts pour augmenter leurs proportions mais pas de fûts neufs »-, ainsi que des cuvées pour l’export (Domaine des Farons). Un crémant « premium » est dans les tuyaux pour 2026 après des premiers tests d’assemblages depuis cette année.
60 % des ventes de la cave sont réalisées en direct (337.000 cols/an), volume « maintenu en 2022 malgré les ruptures de stocks » mais avec une hausse en valeur de +15 % par rapport à une année comme 2019. Ainsi, le prix moyen bouteille est en hausse de +5 % et même de +13 % depuis l’année 2019 justement (+6 % sur les seules AOC régionales). Le chiffre d’affaires export est en hausse de 14 % à volumétrie identique. La part vendue au négoce fait le chemin inverse mais pèse encore pour 21 %. CHR (5 %) et grossistes (7,5 %) ferment la marche. « On a dû brider et diviser les allocations aux grossistes mais en compensant sur les crémants ».