Section bovine de la FDSEA
La section bovine de la FDSEA inquiète face à la décapitalisation

Marc Labille
-

Dépassant 10 % sur les six dernières années, la décapitalisation des vaches allaitantes va se poursuivre en 2023. La production ne couvre plus la consommation en France et pour enrayer ce phénomène, l’élevage a besoin d’une juste rémunération.

La section bovine de la FDSEA inquiète face à la décapitalisation
Un nouvel article dans les EGALIM devrait renforcer le pouvoir de négociation des opérateurs face à la grande distribution.

La section bovine de la FDSEA de Saône-et-Loire tenait son assemblée générale le 19 janvier dernier à Écuisses. En dressant le bilan d’activité de l’année écoulée, les responsables ont fait part de leur grande inquiétude face à la décapitalisation. « On a perdu plus de 10 % des vaches allaitantes depuis 6 ans, ce qui est énorme », soulignait le président de la FDSEA Christian Bajard. Une décapitalisation qui frappe de plein fouet la Saône-et-Loire, menace le potentiel de production de la zone et qui va se poursuivre en 2023, annonçait Hélène Fuchey de la FNB.

Le phénomène est tel que les bêtes fournies ont fini par manquer provoquant une baisse des abattages de – 4 %. Le bon point, c’est que les cotations ont progressé de + 25 à + 27 % (sauf pour les animaux de qualité). Des hausses que les distributeurs n’ont pas manqué de répercuter sur leurs clients et qui n’ont pas empêché la consommation de progresser de + 0,6 % en 2022, révélait Hélène Fuchey. « Le consommateur ne se détourne pas tant que cela de la viande bovine », commentait Christian Bajard. La production est inférieure à la consommation et le risque, c’est que de la viande étrangère ne prenne le relais. En effet, alors qu’une baisse des exportations est observée sur le maigre, la part des importations progresse pour atteindre près de 30 %. La tendance va se poursuivre en 2023 avec le retour en force de l’Argentine et du Brésil…, indiquait l’analyste de la FNB.

Revenus toujours insuffisants

Dans ce contexte de pénurie, « certains opérateurs commencent à se poser des questions. Il y a des négociants qui vendent des parts à des abatteurs lesquels cherchent à assurer leur approvisionnement », révélait le président de la section bovine Guillaume Gauthier. Parmi les autres motifs d’inquiétude, seulement un actif sur deux est remplacé en viande bovine et la moitié du cheptel est détenue par des plus de 55 ans. Et le plus démoralisant, c’est qu’en dépit de l’embellie des cotations, les éleveurs conservent des revenus trop bas. Les charges ont doublé mais le prix des animaux n’a pas suivi dans la même proportion. Le prix de revient de la vache dépasse aujourd’hui les 6 euros le kilo de viande…

De la technique…

C’est pour tenter de trouver des solutions à la décapitalisation que la section bovine a participé, l’automne dernier, à un voyage d’étude organisé par la Chambre régionale d’agriculture. En prenant pour terrain d’exploration des exploitations du Roannais, ce périple apportait un éclairage sur « les facteurs de réussite » et « sources de difficulté » en élevage. L’un des enseignements de ce déplacement, c’est qu’il y a toujours « des exploitations qui parviennent à tirer leur épingle du jeu » quel que soit le système. Le foncier, l’endettement, les charges jouent pour beaucoup. Indiscutablement - et les experts ne cessent de le répéter - la réussite passe par de la maîtrise technico-économique (valorisation de l’herbe, nombre de veaux sevrés, kilos de viande, mécanisation maîtrisée…). Si l’avantage va aux exploitations bien structurées, la taille n’est pas forcément synonyme de revenu. Ce qui est plutôt rassurant pour attirer de nouveaux éleveurs, se félicitait Christian Bajard. « Il y a un travail à faire sur les charges », reconnaissait Michel Joly, secrétaire de la section bovine. Sur cet aspect technique, Denis Chapuis de la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire avançait des leviers pour une meilleure autonomie alimentaire face au changement climatique (lire encadré).

Et des prix justes !

Mais si la maîtrise technique est un impératif, « le prix est un élément déterminant pour faire du revenu », rappelait Michel Joly. Avec la FNB, la section bovine continue de mener ce travail de fond sur la filière. En 2022, de nombreuses réunions d’information ont eu lieu sur la mise en place des EGALIM. En fin d’année, la section bovine est allée « demander au Préfet l’application pleine et entière de la loi, ce qui implique des contrôles et des sanctions », rappelait Guillaume Gauthier. Pour l’heure, encore trop peu de contrats sont signés. C’est toujours sur la prise en compte des coûts de production que la démarche butte. Sur le terrain, la grande distribution déploie des trésors d’ingéniosité et de mauvaise foi pour se dérober à la loi. Dans leur viseur, le coût de production officiel calculé par l’Institut de l’Élevage et validé par toutes les familles de l’interprofession, rappelle Guillaume Gauthier. Ce précieux indicateur est la raison d’être de la loi EGALIM et il devait mettre un terme à la logique du moins-disant dictée depuis des années par les grandes enseignes. Le but, c’est d’instaurer « la non-négociabilité des prix », rappelait Michel Joly. « Les GMS font du lobbying pour pas que ça passe. Mais un nouvel article dans les EGALIM devrait renforcer le pouvoir de négociation des opérateurs face à la grande distribution… Un point positif », soulignait Guillaume Gauthier qui promet des avancées dans les semaines qui viennent.

 

Pression sur le grossiste Métro

La profession a remis la pression sur l’enseigne Métro. Depuis deux ans, une charte nationale engage cette chaîne sur le modèle de la démarche Éleveur et Engagé. Cela a tout de même permis que plus de 80 % de la viande bovine distribuée par ce grossiste soit d’origine française. Auparavant, deux-tiers provenaient de l’étranger. Mais depuis quelques mois, les relations se sont de nouveau tendues avec Métro. Certes l’origine est française, mais le prix n’est pas à la hauteur des attentes des éleveurs. Des négociations sont en cours. « Métro a encore un effort à faire », confie Guillaume Gauthier qui ajoute que cette revalorisation des prix doit être acceptée par les clients - principalement restaurateurs - de l’enseigne.

Denis Chapuis, Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire

Denis Chapuis, Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire : « pour sécuriser, il faudra intensifier un peu »

La répétition des sécheresses confirme qu’il faut s’adapter au changement climatique. Les experts estiment que des aléas interviendront en moyenne une année sur cinq et parfois deux années consécutives, rapportait Denis Chapuis de la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire. La pluviométrie devrait être la même sur l’année, mais elle serait répartie différemment. La pousse de l’herbe démarrera plus tôt et plus fort, mais elle chutera beaucoup plus en été, obligeant à affourager davantage. Une reprise plus tardive est attendue en automne avec une pousse de mi-novembre digne d’un moins d’avril, indiquait l’expert qui ajoutait qu’à moyen terme, la quantité d’herbe devrait être identique mais plus irrégulière. Cette nouvelle donne oblige à « se tenir prêt à aller chercher de l’herbe à chaque fois que possible ». Et il faut prévoir de « récolter 15 % de plus au printemps pour redonner en été. Pour sécuriser, il faudra intensifier un peu le système », ne cachait pas Denis Chapuis. Cela signifie optimiser les surfaces de fauche, les stocks, les dates de récolte, avancer les premières coupes… C’est aussi adapter les espèces, réaliser de nouveaux types d’implantations, revoir les chargements, recourir à l’engrais azoté pour optimiser les stocks précoces… Cette nouvelle manière de faire entraînera des coûts supplémentaires, prévenait l’intervenant. Face au changement climatique, le maïs n’a pas dit son dernier mot moyennent des semis ravancés, des variétés bien choisies… Les méteils sont une solution pour produire de la protéine. Mais les essais réalisés à Baudrières montrent que leur richesse est assez variable et leur coût élevé. Ces mêmes essais ont montré que les mélanges ray-grass italien – trèfles demeuraient des valeurs sûres. Avec des mélanges d’espèces bien choisis et un coût à l’hectare inférieur, ces RGI – trèfles sont capables de fournir des fourrages de très bonnes valeurs azotées. Pour compléter ce rapide tour d’horizon, Denis Chapuis citait aussi le sorgho, les dérobées d’été et le colza fourrager qui revient dans les assolements.