EXCLU WEB / Foncier : une réforme nécessaire
Dans un rapport rendu public le 22 février, l’association Terre de liens s’inquiète du renouvellement des générations qui risque, selon elle, de voir s’accélérer les dynamiques de disparition des terres, par le jeu des concentrations et de l’agrandissement.
Terre de liens a publié le 22 février son premier rapport sur « l’état des terres agricoles en France » et le signal d’alarme. « À l’horizon 2025, si les tendances actuelles se maintiennent, la France ne comptera plus que 340 000 fermes », s’inquiète-t-elle pointant, entre autres, une « concentration des terres » avec des exploitations « moins nombreuses mais toujours plus grandes ». Les chiffres sont d’ailleurs connus : dans les années 1945, la taille moyenne des exploitations était d’environ 8 ha. Elle est passée à 20 ha au début des années 1970 avant de grimper à 38 ha (1996) puis à 69 ha d’après le dernier recensement agricole (2020), soit 14 ha de plus qu’en 2010. Ce sont d’ailleurs des chiffres qu’il faudrait comparer avec nos principaux concurrents européens et étrangers : en Allemagne, cette taille moyenne est de 63 ha soit +13 % par rapport il y a dix ans (56 ha en 2010). « Dans certains pays comme la Hongrie ou la Roumanie se sont constituées des fermes gigantesques de plusieurs milliers d’hectares », souligne d’ailleurs le rapport. Et même si en France, une ferme sur cinq possède une taille supérieure ou égale à 136 ha, le pays est encore bien loin des scores des États-Unis : la taille moyenne des exploitations était en 2017 de 444 acres, soit 180 ha environ. Terre de Liens explique ce phénomène d’agrandissement par la perte de productivité et la nécessité de maintenir ou retrouver du revenu. Le rapport de l’association s’inquiète aussi qu’en 20 ans, 320 000 emplois agricoles (équivalent temps plein) ont été détruits. Les chefs d’exploitations ne représentent plus que 1,5 % de la population active. C’est « un plan social agricole qui ne dit pas son nom », souligne l’étude. « Chaque fois qu’une ferme moyenne de 53 ha est absorbée par une ou plusieurs autres fermes, c’est l’équivalent d’un emploi sur le territoire qui est perdu », explique-t-elle, se préoccupant également de la santé des sols.
Grande loi foncière
Comme beaucoup d’organisations syndicales et professionnelles agricoles, dont la FNSEA et JA, Terre de liens appelle de ses vœux la mise en place d’une grande loi foncière. Pour l’association, le système actuel n’est plus efficace pour lutter contre l’artificialisation des terres (lire encadré) mais aussi contre l’émergence des formes sociétaires qui ont été « identifiées comme l’instrument privilégié d’accaparement des terres » et contre l’installation de jeunes agriculteurs. Elle juge la réglementation française « complètement dépassée ».
Parmi les pistes qu’elle dégage, l’association entend que cette future loi « préserve les terres et leur usage agricole », qu’elle « facilite l’accès des terres aux personnes porteuses de projets agricoles », notamment aux Non issus du milieu agricole (Nima) qui composent les deux-tiers des visiteurs des points accueil installation (PAI), et qu’elle « favorise des pratiques agricoles vertueuses ». Bien qu’elle veuille préserver la vocation d’intérêt général des Safer, Terre de liens souhaite néanmoins « mettre en place une nouvelle instance de régulation des droits d’usage des terres » dans un souci de « développer une gouvernance démocratique et transparente des terres agricoles ». De même le rapport préconise-t-il d’« orienter le cadre européen au service d’une meilleure gouvernance foncière », notamment par le plafonnement des aides à l’actif non salarié et par le renforcement des aides à l’installation.
Artificialisation : une dynamique constante
La dynamique d’artificialisation est constante en France indique le rapport de Terre de liens. En effet, entre 2006 et 2014, les deux tiers de l’artificialisation se sont effectués aux dépens de terres agricoles, bien souvent pour la construction d’habitations (41 %) d’ouvrages publics, d’infrastructures de transport (27,8 %), de services et loisirs (16,2 %) et au foncier industriel (13,7 %). « Chaque année, c’est ainsi une surface permettant de nourrir une ville comme Le Havre qui est perdue ». Selon les méthodes de calcul (cadastre, télédétection, observations terrain), la France compte entre 5,5 % et 9 % de terres artificialisées. La France possède la surface artificialisée la plus importante par habitant de l’Union européenne : 47 km2 pour 100 000 hab., contre 41 km2 pour l’Allemagne, 31 km2 pour le Royaume Uni et 26 km2 pour l’Italie.