EXCLU WEB / Présidence Française De L’Union Européenne : des convergences et des divergences au Conseil agricole Européen

Christophe Soulard
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L’ordre du jour du deuxième Conseil des ministres de l’Agriculture de la présidence française qui s’est tenu le 21 février à Bruxelles (Belgique), était particulièrement chargé. Si les ministres se sont accordés sur certains dossiers, d’autres en revanche ont cristallisé quelques tensions.

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Réciprocité des normes, lutte contre la déforestation importée et accompagnement des secteurs crise comme le secteur porcin, ont constitué les plats de résistance du Conseil des ministres de l’Agriculture des 27. Pour son président, Julien Denormandie, l’objectif était de mettre sur la table « de la cohérence entre les politiques agricoles, environnementale, climatique et commerciale », a-t-il déclaré. Sur le sujet de la réciprocité des normes le ministre français veut qu’elle s’applique dans les domaines suivants ; tout d’abord les limites maximales de résidus (LMR). Il a avancé l’idée de les réexaminer et surtout « de les mettre en conformité avec les dernières données scientifiques disponibles ». Cette réciprocité doit aussi concerner l’interdiction de l’utilisation des antibiotiques de croissance conformément à l’article 118 du règlement de l’Union européenne sur les médicaments vétérinaires de décembre 2018.

Autre domaine : l’étiquetage des modes de production et d’origine des produits. Julien Denormandie milite aussi pour que l’Europe renforce son action au sein des instances de normalisation comme le Codex Alimentarius. D’une manière générale, les ministres se sont déclarés d’accord sur ces options sur la nécessité de renforcer la cohérence entre le Pacte vert de l’UE, la PAC, et la politique commerciale. Cependant, la question du renforcement de l’étiquetage d’origine a donné lieu à des réactions mitigées de la part des délégations du Danemark, de la Belgique, ou du Luxembourg. Elles ont mis en avant « le risque d’entraver le marché intérieur ».

« Ne pas conclure »

Julien Denormandie a par ailleurs trouvé un écho mitigé sur le dossier de la déforestation importée, la plupart des ministres émettant des réserves sur la mise en œuvre concrète du projet de règlement consacré à ce sujet. Beaucoup de ministres restent sceptiques jugeant le dispositif « trop complexe » pour les petites entreprises, leur infligeant une « charge administrative supplémentaire ». De même, de nombreux pays ne s’accordent pas sur une définition européenne de la gestion durable des forêts, car elle remet en cause certaines définitions nationales. Enfin, certains collègues de Julien Denormandie ont pointé un risque non négligeable : le risque de rupture d’approvisionnement et de hausse des coûts pour l’alimentation animale. Plusieurs délégations lui ont demandé de ne pas conclure un accord d’ici juin pour laisser plus de temps aux discussions techniques.

 


« One Health »

Surtout, les ministres européens de l’Agriculture se sont vivement opposés sur l’adaptation de la politique de promotion agroalimentaire de l’UE aux objectifs de la stratégie « Farm to Fork ». Pour onze pays (Autriche, Belgique, Bulgarie, Espagne, Hongrie, Irlande, Italie, Lituanie, Lettonie, Portugal) menés par la Pologne, cette politique, telle qu’elle est rédigée aujourd’hui, pourrait exclure des pans entiers de l’économie agroalimentaire comme le vin ou la viande. « C’est une opposition » ferme ont-ils fait savoir. « Mais les ONG et la société civile sont favorables à l’exclusion de certains secteurs » a rappelé le Commissaire européen à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski. Il semble d’ailleurs sur la même longueur d’onde que sa collègue à la Santé, Stella Kyriakides, qui veut une alimentation saine et équilibrée pour améliorer la santé globale (« One Health) des Européens. Un One Health auquel le Farm to Fork et donc les agriculteurs et la chaîne agroalimentaire doivent, selon elle, être parties prenantes.

L’avenir du secteur porcin sur la table

À l’issue du Conseil des ministres, le Commissaire européen, Janusz Wojciechowski, a annoncé la mise en place d’un groupe de réflexion européen « afin d’examiner l’avenir du secteur porcin ». Il note d’ailleurs des signes d’amélioration avec l’augmentation des prix des porcelets, même si cette dernière reste lente. À travers ce groupe de réflexion, il souhaite développer une stratégie à long terme pour » relancer ce secteur ». L’idée est notamment d’examiner la dépendance du secteur à l’égard des exportations vers les marchés instables des pays tiers mais aussi à l’égard des importations massives de soja et de maïs pour l’alimentation animale.