TÉMOIGNAGE
« Je recherchais un travail en extérieur, technologique, palpable »

Issu du milieu ouvrier, Fabien Torque vient d’être embauché comme chauffeur-conducteur à la Cuma de Saint-Trivier-de-Courtes (Ain), fin février. Il doit ce changement de vie au confinement et à un heureux bilan de compétences.

« Je recherchais un travail en extérieur, technologique, palpable »
Fabien Torque a rejoint la Cuma de Saint-Trivier-de-Courtes, dans l’Ain, le 21 février dernier. ©MLM

Fabien Torque, 38 ans, est arrivé à la Cuma de Saint-Trivier-de-Courtes, dans l’Ain, le 21 février dernier en tant que chauffeur-conducteur. « Un ancien salarié m’a contacté via Facebook suite à une annonce que j’avais postée. Il m’a dit que la Cuma cherchait quelqu’un. C’était très bien, le village me plaisait bien, il y avait tout ce qu’il faut au niveau des petits commerces, et mes parents et amis ne sont pas loin. »

Un bilan de compétences qui change tout

Comme pour beaucoup, le premier confinement a marqué un tournant dans la vie de Fabien. « Je suis resté cinq semaines sans travailler et pourtant mon boulot ne me manquait pas. J’ai fini par faire un bilan de compétences », explique-t-il. Les tests révèlent des brins de son identité parfois insoupçonnés, et à sa grande surprise, placent au sommet de la liste des métiers pouvant lui correspondre celui de chauffeur-conducteur d’engins agricoles. « Je recherchais un travail en extérieur, technologique, concret. Je ne connaissais pas l’agriculture. C’était très déroutant, troublant même, parce que des choses très personnelles sont ressorties de ces tests. » Pourtant, rien ne destinait Fabien Torque à cette profession. Issu du milieu ouvrier, il n’a aucune attache avec le milieu agricole. Seul son cousin est exploitant. À l’origine, ce natif de Dunkerque (Nord) s’est installé avec ses parents à Franc, dans l’Ain, après avoir habité quelque temps en Moselle et dans le Finistère. Après son Baccalauréat, il a suivi un BTS informatique-gestion qu’il n’a pas terminé. Il a alors enchaîné les petits boulots en intérim. « J’ai fait pas mal de choses, comme du ménage et des déménagements, j’ai également travaillé dans l’impression de journaux de petites annonces, j’ai fabriqué des couvercles de lanternes de véhicules militaires », énumère-t-il. En 2006, il a finalement été embauché comme livreur de pièces automobiles chez Autodistribution Gobillot (AD). Il a gravi les échelons et après une période chez Renault, le jeune homme a décroché un poste de vendeur chez AD, à Mâcon (Saône-et-Loire). Malgré un bon salaire, c’est ce travail qu’il a finalement décidé de quitter.

« C’est une Cuma, donc c’est mieux ! »

Après le bilan de compétences, Fabien Torque a décidé de foncer. Il s’est tout d’abord orienté vers une entreprise de travaux agricoles (ETA) et a intégré une formation d’ouvrier qualifié en conduite d’engins agricoles à la MFR de Jallais, dans le Maine-et-Loire. En parallèle, il a été pris à la SARL la Plaubière, en Charente-Maritime. « J’ai eu de la chance. Je ne viens pas de l’agriculture et certains ont parfois du mal à prendre des gens qui ne viennent pas du milieu, mais Tom (Tom Rifflart, son patron, NDLR) m’a donné ma chance », explique-t-il. Âgé d’à peine 22 ans, Tom Rifflart venait de reprendre l’entreprise de son père et n’avait pas les moyens de financer sa formation. Fabien Torque a alors pu s’en sortir grâce au chômage et à une aide de la Région Pays de la Loire. Après 10 mois d’alternance et une expérience dans la vigne en Charente-Maritime, il a décidé de revenir dans la région, chez un viticulteur du Beaujolais. Il est retourné ensuite quelque temps chez AD à Mâcon, appelé par son ancien employeur. Mais l’appel de l’extérieur était trop fort. Après plusieurs entretiens d’embauche concluants, il a été reçu chez un maraîcher au sud de Lyon, une pépinière du Beaujolais et la Cuma de Saint-Trivier-de-Courtes (Ain). « C’est une Cuma donc c’est mieux ! La pépinière payait mieux, mais c’était du travail sur du tout petit matériel et ici le contact a été bon, l’accueil très agréable. Le matériel est intéressant et les activités aussi, c’est ce que je recherchais et ils ont accepté de me prendre en formation », souligne Fabien Torque, reconnaissant.

« Tous m’ont conseillé d’aller en Cuma »

Le résultat d’une volonté acharnée et d’une curiosité à toute épreuve, malgré certaines dissuasions sans fondement. S’il avait écouté son conseiller Pôle emploi lorsqu’il était au chômage, il y a en effet fort à parier que Fabien Torque ne ferait pas le même travail aujourd’hui. « Lorsque j’ai eu mon rendez-vous obligatoire, j’avais déjà trouvé ma formation. Le conseiller m’a demandé si j’étais sûr de mon choix en me disant que '' l’agriculture cétait dur, que l'on avait jamais de CDI, que l'on ne prenait que des saisonniers'' », raconte-t-il, scandalisé. Si je n’avais eu que ça comme son de cloche, peut-être que je n’y serai pas allé. » Heureusement, il avait fait ses recherches auparavant, et depuis qu’il travaille dans le milieu agricole, il n’a été embauché qu’en CDI. S’il a encore beaucoup à apprendre, Fabien Torque sait qu’il peut compter sur l’équipe de la Cuma. Aujourd’hui, il n’a qu’un mot à dire à ceux qui hésiteraient à se lancer : « Qu’ils y aillent ».

Margaux Legras-Maillet