Comité ressource en eau
Réunion du comité ressource en eau : "La situation appelle à la vigilance"

Florence Bouville
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Le 23 mars, seulement trois jours après l’arrivée du printemps, le comité départemental de la ressource en eau s’est réuni à la préfecture. C’est la première fois que cette réunion a lieu aussi tôt dans l’année, ce qui n’est pas signe de bonnes nouvelles. Les experts territoriaux de l’eau et les élus souhaitent, d’ores et déjà, accentuer les mesures de prévention pour anticiper au maximum une nouvelle sécheresse estivale.

Réunion du comité ressource en eau : "La situation appelle à la vigilance"
C'est la première fois que le comité départemental de la ressource en eau se réunit aussi tôt dans l'année.

Le bilan météorologique des cinq dernières années ne donne pas très confiance en l’avenir. Jean-Pierre Goron, directeur de la DDT de Saône-et-Loire, rappelle qu’entre 2018 et 2022, le territoire a enduré « quatre sécheresses intenses ». L’année 2021, année riche en précipitations, avait causé des inondations dans le val de Saône. Cela illustre parfaitement, sur une très courte période, l’aspect aléatoire et extrême du dérèglement du climat. Ces épisodes de sécheresse avaient conduit à des mesures de restriction. L’état des terres agricoles était déplorable.

La Saône-et-Loire est partagée en deux bassins hydrographiques : le bassin Rhône-Méditerranée-Corse (RMC) à l’est, et Loire-Bretagne à l’ouest. Chacun comprenant des cours d’eau plus ou moins réactifs. Le territoire se découpe également en huit sous-bassins. Ceux de l’Ouest sont un peu plus fragiles. Il s’agit donc bien de « deux réalités hydrologiques différenciées », souligne le préfet, Yves Séguy. La situation est, actuellement, plus alarmante sur le bassin RMC. Des départements sont déjà en situation d’alerte, comme les Pyrénées-Orientales et le Var.

La matinée du 23 mars a servi à commenter les cartographies récentes des masses d’eau du territoire (eaux de surface et souterraines), pour voir quelles seraient les mesures les plus adéquates. Ainsi, dans quelques jours, le département entrera en état de "vigilance". Pour l’instant, nous ne sommes pas encore en situation "d’alerte". Les deux derniers degrés de l’arrêté étant "l’alerte renforcée", avec restriction des usages (contraintes horaires et de volume), et "la crise", entraînant des interdictions (irrigation seulement des cultures sensibles). « La volonté première est de répondre aux besoins de la population », affirme Yves Séguy. Certains besoins seront a priori considérés comme secondaires (lavages des voitures, remplissage des piscines…). Des restrictions pourraient concerner uniquement une partie du territoire, mais cela compliquerait leur lecture.

« Une forte inquiétude »

La Saône-et-Loire a connu, en juillet 2022, son mois le plus sec depuis 1959, entraînant une situation de crise sur la moitié des stations de suivi des cours d’eau. Sur la période automnale, les précipitations ont été proches de la normale. Mais la période hivernale a révélé un déficit historique. En février, le déficit de pluie s’est élevé à 95 %, encore plus marqué dans le Mâconnais et le Brionnais. Le faciès des cours d’eau est aujourd’hui celui normalement observable juste avant l’été. Les débits enregistrés par la Dreal ont battu des records de faiblesse. Au niveau des nappes, le constat est tout aussi alarmant. Le Bureau de Recherches géologiques et minières (BRGM) a publié son dernier bulletin de situation hydrogéologique. D’après ce dernier, « les pluies infiltrées durant l’automne sont très insuffisantes pour compenser les déficits accumulés durant l’année 2022 et améliorer durablement l’état des nappes. En conséquence, plus des trois-quarts des nappes restent sous les normales mensuelles avec de nombreux secteurs affichant des niveaux bas à très bas ». Or, « la période de recharge des nappes, c’est l’hiver », explique Emmanuel Durand, chef de service départemental de l’OFB (Office Français de la Biodiversité). Cela a aussi des conséquences politiques, puisque « des conflits d’usage apparaissent », ajoute-t-il.

Les récents orages et averses de début mars ont apporté 50 mm d’eau sur le territoire en moyenne. Ces précipitations ont été bénéfiques aux cours d’eau, qui réagissent vite. Néanmoins, ce phénomène est très insuffisant et surtout, éphémère. Le niveau des cours d’eau est ainsi rapidement redescendu, les débits étant fragiles. Triste constat pour la nappe alluviale de la Loire, qui n’est pas aussi haute que les années précédentes. Le barrage de Villerest est actuellement rempli à 40 %. C’était 67 % il y a un an. Le soutien à l’étiage s’annonce pour le moins compliqué. Mais pas de panique, les besoins de la population seront couverts. Quant à la végétation en croissance, elle capte l’eau à même le sol. Les nappes bénéficient peu de l’eau qui tombe. La capacité de reconstitution des réserves se dégrade donc complètement. La recharge de ces prochains mois conditionnera les niveaux de l’été 2023. « Dans le meilleur des cas, le niveau stagnera », déclare Jean-Pierre Goron. Le scenario idéal : des pluies régulières, en évitant les phénomènes violents tels que la grêle, qui détruisent les cultures et accentuent le lessivage des sols. Attention, « situation convenable ne signifie pas durable », alerte le préfet.

« Une nécessité d’anticiper »

« Il faut que la population s’y prépare », déclare le préfet. C’est justement pour avoir le temps de se préparer à une éventuelle sécheresse que des arrêtés sont pris. « La situation est loin d’être circonscrite à la Saône-et-Loire et interpelle tout le monde : le particulier, l’agriculteur, l’industriel… », poursuit-il. Des efforts d’anticipation seront, par exemple, fournis par les Voies Navigables de France (VNF). La saison de navigation sera retardée de quinze jours et les bateaux regroupés aux écluses. L’objectif est d’économiser l’eau des réservoirs et de préserver la biodiversité des milieux aquatiques.

Pour la première fois sur le département, une commission feux de forêt sera également mise en place 29 mars. Les forêts connaissent, elles aussi, une période de stress hydrique. Les risques d’incendie sont augmentés et avec cela, la potentielle perte de toutes les externalités positives.

Autre annonce, des Assises de l’eau départementales auront lieu le 14 avril. Elles réuniront tous les acteurs de la ressource en eau (grands utilisateurs, gestionnaires, 19 intercommunalités, syndicats de rivière…). Au programme, sobriété et résilience. Par ailleurs, les Plans Territoriaux de la Gestion de l’eau (PTGE) seront actualisés, dès maintenant, pour se poser les bonnes questions. « Plus on sera efficace dans les préventions, mieux ce sera […] c’est du bon sens, soyons réactifs ! », s’exclame Yves Séguy. Des travaux hydrauliques seront, en parallèle, menés pour améliorer la qualité des réseaux de distribution. Mais la prévention sera-t-elle suffisante ?

Une gestion interdépartementale

Depuis le 20 mai 2022, sur l’axe de la Saône, un arrêté cadre interdépartemental a été mis en œuvre, pour lutter contre la sécheresse. Il regroupe six départements : la Côte-d’Or, les Vosges, la Haute-Saône, la Saône-et-Loire, le Rhône et l’Ain. Les mesures de restriction sont donc désormais harmonisées. Au départ, ce processus a soulevé moult difficultés, mais maintenant, il fonctionne.

Finalement, les besoins agricoles ont été peu évoqués, à proprement parler. Seulement un point d’attention apporté par le préfet, sur la quantité journalière de litres d’eau nécessaires à l’abreuvement d’un bovin. « On prend ça en compte », déclare Yves Séguy. Il ne faut pas non plus oublier que, sur le territoire, l’irrigation ne concerne que 2.000 ha de terres agricoles.

La Saône, un point de référence pertinent ?

L’étiage de la Saône sert de référence aux arrêtés sécheresse depuis 2003. Seulement, la rivière présente des caractéristiques et des paramètres particuliers. En effet, elle est quasiment toujours pleine, du fait de la navigation. Les volumes d’eau tirés des réservoirs, notamment lors des passages d’écluse en amont, y sont directement déversés. Cette rivière est également très large et sa vitesse d’écoulement faible. La pertinence d’un tel point de référence peut donc être remise en cause. Certains agriculteurs s’en sont d’ailleurs plaints. Dans d’autres départements, tels que le Jura, les niveaux piézométriques sont pris en compte, pour les producteurs qui puisent dans les nappes. Le piézomètre de Replonges a récemment été ajouté dans l’arrêté interdépartemental, mais cela ne règle pas entièrement le problème.