Le cabinet Heiderich et l’Observatoire international des crises (OIC) ont présenté fin avril un état des lieux des industries agroalimentaires françaises et leurs résilience et adaptation face aux crises majeures qu’elles ont traversé ces dernières années. Leur étude s’intéresse aussi aux nouveaux phénomènes tels que la prise en compte du bien-être animal ou le nutriscore.

Anticiper les futures crises

Établir un rapport entre d’une part la puissance des controverses sur les crises alimentaires et de l’autre l’ampleur des changements effectués en réaction à ces crises d’importance : telle est la mission qui a été confiée au cabinet Heiderich et à l’Observatoire international des crises (OIC).

De la crise de la vache folle dans les années 1990-2000 à la chlordécone, les deux organisations se sont penchées sur onze événements qui ont secoué le Landernau médiatique et par voie de conséquence remis en cause les industries agroalimentaires (IAA). L’étude montre qu’ « en moyenne, l’ampleur des changements dépasse rarement la puissance de leurs controverses ». Autrement dit, la réponse des IAA leur semble toujours adaptée. Les deux organismes citent ainsi l’exemple de la fraude à la viande de cheval survenue en février 2013. Certes, les pouvoirs publics et l’entreprise fautive ont rapidement réagi : un directeur général débarqué, une entreprise mise en liquidation, une campagne de communication sur un ton humoristique et bien accueillie. Cependant, rappelle l’étude, aucun changement réglementaire n’est intervenu a posteriori sur la traçabilité de la viande dans les IAA. Cette situation a « probablement participé des évolutions des modes de consommation avec une tendance croissante vers le végétarisme et le localisme au cours de la dernière décennie », avance le rapport. D’une manière globale, le cabinet Heiderich et l’OIC jugent que « l’industrie agroalimentaire a tendance à limiter de son côté les changements à réaliser qui sont souvent coûteux ».

Précéder les changements

Les deux entités vont plus loin en analysant « les enjeux sensibles d’aujourd’hui et les crises de demain ». Dans leur viseur, quatre grandes familles : l’éthique, le sanitaire, l’environnemental et le nutritionnel. Ainsi, bien que le bio a eu le vent en poupe, l’étude s’inquiète des « règles de contrôle et de commerce avec les pays tiers (qui laissent) planer des incertitudes sur les évolutions législatives à venir ». De même, le rapport rappelle-t-il que « l’importation des produits alimentaires issus d’OGM et légale, posant la question de la concurrence déloyale pour l’agriculture française » et que le boycott citoyen, à l’image du footballeur Ronaldo repoussant, devant les caméras une bouteille de Cola au profit d’une bouteille d’eau et en prononçant « buvez de l’eau pas du soda », s’inscrivait sans doute dans une tendance durable. « Contrairement à la légende, le boycott n’est pas interdit en France », insiste l’étude.

Les industriels, les pouvoirs publics et les consommateurs tirent-ils des enseignements de ces dérèglements qui « sont parfois de vrais scandales, comme la fraude à la viande de cheval », selon la formule de Didier Heiderich ? Pas vraiment selon lui. C’est pourquoi « nous préconisons aux acteurs économiques de l’industrie agroalimentaire de précéder les changements (notamment le boycott citoyen et l’abattage rituel, N.D.L.R.) afin d’éviter d’être surpris brutalement par une normalisation externe initiée par le consommateur, un industriel ou la réglementation ». Les agriculteurs ont compris dans leur immense majorité les attentes des consommateurs : plus de transparence, de principe de précaution ; plus de naturalité et de proximité… Aux industriels de prendre le train en marche pour rassurer des consommateurs dont la confiance est affectée par les crises : « 79 % des Français se disent attentifs aux effets de ce qu’ils mangent sur leur santé », a rappelé Didier Heiderich.