Coûts de production en hausse
« Les indicateurs de coûts de production explosent, les prix doivent suivre… mécaniquement »

Propos recueillis par Sophie Chatenet
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Si les cours des bovins progressent, ils ne couvrent pas du tout la forte hausse des coûts de production. Cette flambée des charges doit être répercutée tout au long de la filière comme le prévoit la loi ÉGAlim, selon Christian Bajard, coordinateur du Berceau des races à viande du Grand Massif central.

« Les indicateurs de coûts de production explosent, les prix doivent suivre… mécaniquement »
Christian Bajard, éleveur en Saône-et-Loire, coordonne le Berceau des races à viande qui rassemble l’ensemble des départements d’élevage du grand Massif central.

Comment se porte le marché de la viande bovine ?
Christian Bajard : Depuis le début de l’année 2022, la filière viande bovine est entrée dans un contexte inédit. Il est à la fois la conséquence de problèmes structurels sur lesquels nous alertons depuis des années et d’une conjoncture inflationniste exceptionnelle. La décapitalisation du cheptel bovin constatée depuis 2017 s’est accélérée depuis le début de l’année, avec au 1er avril un nouveau recul de 110.000 têtes par rapport à 2021 (-2,9 %), malgré une bonne année de récolte et des perspectives de prix meilleurs. En conséquence, les abattages sont en baisse, de l’ordre de -5,3 % en semaine 17 par rapport à la même semaine en 2021. Cette offre limitée oriente les cotations à la hausse pour toutes les catégories animales, preuve qu’il n’y a pas de fatalité et que les prix peuvent bel et bien augmenter. Le marché est certes dynamique et cela redonne du baume au cœur, pour autant, pour les éleveurs, le compte n’y est toujours pas. 

La hausse des cours n’est donc pas proportionnelle à la hausse des charges que subissent les éleveurs. L’écart demeure-t-il important ?
C.B. : Sur le premier trimestre 2022, les indicateurs coûts de production, calculés selon l’accord interprofessionnel en date du 22 mai 2019, poursuivent la hausse enclenchée fin 2021… et augmentent de + 6,6 %. Cette hausse des coûts de production s’explique par la flambée des prix des matières premières sur les 12 derniers mois. Aliments achetés : + 12,6 % ; engrais et amendements : + 54,8 % ; énergie et lubrifiants : +40,2 % ; matériel et petits outillages : +15,9 %. Les cotations sur le premier trimestre 2022 ont augmenté de +16,5 %, toutes catégories animales confondues : la hausse est de 0,68 €/kg sur le prix moyen pondéré sur les 12 premières semaines de l’année. Cette augmentation des cotations est à comparer à l’évolution des coûts de production depuis le début de l’année… et le constat est alors sans appel : cette embellie des cotations, bien que réelle, ne permet même pas de couvrir la hausse des charges subie par les éleveurs depuis le début de l’année 2022. Les signes d’une amélioration de la rémunération des éleveurs bovins ne sont donc pas encore au rendez-vous. Chez nos voisins, les cours progressent plus vite et plus fort, preuve que des choses sont possibles.

En quoi le contrat demeure la solution pour les éleveurs, qui plus est dans un contexte de marché porteur et de charges qui flambent ?
C.B. : Face à l’envolée des chiffres, dans le cadre de la loi ÉGAlim, l’éleveur doit établir une proposition de contrat à son premier acheteur. Et le coût de production est, dans cette proposition, le socle de toute négociation. La mécanique de prix résultant de cette négociation et présente dans le contrat ne sera alors plus négociable par l’aval de la filière. Par la signature du contrat et par la prise en compte du coût de production interprofessionnel, l’éleveur a l’assurance que la flambée des prix des matières premières sera supportée par son exploitation, de manière viable et durable. Cela permet de donner de la lisibilité aux éleveurs, à la filière, de la visibilité aux banquiers pour accompagner les jeunes… et avec la moitié des éleveurs qui partiront à la retraite d’ici 2026, le renouvellement des générations est urgent. 

Broutards : dès le 1er juillet, vendez aux coûts de production

Pour le moment, la contractualisation ne concerne que les vaches allaitantes, les jeunes bovins (de 12 à 24 mois) et les génisses de plus de 12 mois. D’ici au 1er juillet, ce sera au tour des veaux maigres et des broutards d’être concernés. Là encore, les éleveurs du berceau des races à viande estiment être en position de force, « les Italiens vont être amenés à contractualiser pour assurer leur approvisionnement ».