Étude Millennials
Trop de labels, tue le label ?

Françoise Thomas
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Le quatrième point clé à retenir de l’étude Kantar* afin de recruter nos consommateurs de demain est que ces jeunes manquent de confiance, voire d’intérêt, dans les certifications, labels et autres discours institutionnels et règlementaires. Il ressort également, une crédibilité « chahutée » du bio face à des offres pléthoriques, incompréhensibles pour eux.

Trop de labels, tue le label ?

La génération de "Millennials » est sensible à la qualité des produits qu’elle consomme. Dans son discours et sa perception, le bio est bien opposé aux produits "industriels". Toutefois, ces jeunes consommateurs amalgament à tous les produits certifiés "bio" la critique qu’ils ont pour certains produits bio : leur manque de "local" et leur faible proposition de "qualité gustative". « On fait plus confiance à ce qui est local, à l’origine du produit et à la traçabilité, car ils ont plus de crédibilités … – … l’exemple du sachet de café « BIO » qui fait plusieurs milliers de kilomètres (production de carbone) … » (extrait des focus groupes FR).

Ce constat se vérifie dans l’étude Consommateur de demain avec la notion de "vin bio" qui n’est pas la plus citée. Parmi 12 affirmations sur la relation aux vins de ces jeunes consommateurs, l’affirmation « Dès que j'en ai l'occasion, je consomme des vins bio » est :

  • en 12e position pour les Français et elle est citée par 41 % de ces jeunes consommateurs ;
  • en 11e position pour les Anglais et elle est citée par 59 % de ces jeunes ;
  • en 6e position pour les Américains et elle est citée par 72 % de ces jeunes.

Les amateurs américains de vins bios sont majoritairement des millennials, des femmes et des habitants des grandes villes telles que New York, Los Angeles, Chicago ou encore Dallas (outre-Atlantique, la notion bio fait référence au label USDA Organic).

L’importance de cette notion de "local" est bien marquée dans l’étude. Le critère d’achats "La région viticole d’origine (local)" est beaucoup plus cité que le critère "Est produit sans produit chimique" :

  • pour les Millennials français, le critère d’achats "La région viticole d’origine (local)" est en 2e position versus la 13e position pour le critère "Est produit sans produit chimique" (parmi 17 critères d’achats de vins) ;
  • pour les Millennials anglais, le critère local est en 7e position versus la 15e place pour le critère sans produit chimique ;
  • pour les Millennials américains, le critère local est en 6e position versus la 10e place pour le critère sans produit chimique.

Plus cette génération de Millennials pèse et pèsera dans la population d’acheteurs, plus ses choix et ses critères influencent et influenceront les évolutions des achats de produit bio, et en particulier dans le secteur du vin.

On constate ce type d’évolutions en France où l’on est capable de suivre en détail les vins certifiés bio. Ainsi, en grande distribution française (hypermarché, supermarché, proximarché et drive), les achats de vins d’AOC, certifiés bio, ont connu de belles croissances en volume ces trois dernières années, mais qui se sont estompées d’année en année (source IRI) :

  • + 7,9 % sur 2019 pour les AOC bio versus - 7,5 % pour l’ensemble des vins d’AOC (2019/2018) ;
  • + 6,4 % sur 2020 pour les AOC bio versus - 0,3 % pour les AOC (2020/2019) ;
  • + 1,1 % sur 2021 pour les AOC bio versus - 2,1 % pour les AOC (2021/2020).

Sur ce début d’année 2022 en grande distribution française, ce constat se confirme. Les vins d’AOC certifiés bio suivent les mêmes décroissances constatées pour l’ensemble des vins d’AOC : - 10,8 % en volume et - 9,3 % en chiffre d’affaires (cinq mois 2022 / cinq mois 2021, source IRI).

Pour les vins de Bourgogne, c’est le même constat avec des baisses significatives d’achats pour les AOC de Chablis certifié bio : - 36,2 % en volume et - 34,4 % en chiffre d’affaires (cinq mois 2022/cinq mois 2021, source IRI).

Le plus impliquant pour la filière, c’est que les millennials délèguent la responsabilité environnementale vers les marques et les professionnels et mettent en responsabilité les générations ascendantes ce qui implique une rupture transgénérationnelle. Ces jeunes attendent des filières professionnelles et des marques d’œuvrer en faveur du climat et des démarches RSE, sans quoi le vin va manquer d’intérêt pour eux ou bien, ils iront vers les vins qui s’engagent.

Nous reviendrons en détail dans les semaines à venir, dans L’Exploitant Agricole de Saône-et-Loire, sur le cinquième et dernier point clé à retenir afin de recruter les consommateurs de vin de demain !

En partenariat avec le BIVB

* Étude 2021-2022 réalisée par Kantar pour le compte de la Commission marchés et développement du BIVB, voir notre édition du 6 mai 2022 présentant cette étude.