Moutarde
Retour sur le long terme ?

Françoise Thomas
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Retour en grâce d’une culture qui était ces dernières années en pleine perdition, la moutarde. Cependant, sa réussite reste plus que jamais dépendante des solutions à disposition des producteurs pour faire face aux ravageurs…

Retour sur le long terme ?

Avec les 4.000 ha implantés l’an passé et les 6.300 tonnes récoltées, la campagne 2022 de moutarde n’a pas permis aux producteurs de la région d’honorer les 7.900 tonnes attendues. « Il n’y avait pas eu assez de surfaces implantées en septembre 2021 », relate Fabrice Genin, le président de l’Association des producteurs de graines de moutarde bourguignonne (l’APGMB).

« Des difficultés dues à la pression insectes », précise Jérôme Gervais, de la chambre d’agriculture de Côte-d’Or. « Nous avions le même nombre de producteurs, mais la plupart avaient souhaité diminuer la surface implantée, car les risques étaient trop élevés ». Les pertes de potentiel dues aux grosses altises étaient régulièrement « de 40 % voire, parfois, de 100 % », précise-t-il encore.

Il n’empêche qu’avec les bons rendements enregistrés cette année, à 17 quintaux/ha en moyenne, plus d’un producteur s’est réorienté sur cette culture pour 2023. « 14.000 tonnes sont demandées et on a prévu de planter plus de 11.000 ha, relate Fabrice Genin, si nous avons à nouveau une année normale, nous les ferons ».

Des années de disette…

La culture a dû faire face ces dernières années à plusieurs problématiques dont essentiellement la pression des ravageurs (altises). Problématique à l’issue encore plus compliquée à anticiper compte tenu du retrait progressif du marché des produits efficaces, dont le dernier en date, le Phosmet. Entre des cultures au rendement mis à mal par cette pression trop importante, et le découragement des producteurs face au manque de solution, les surfaces implantées diminuaient chaque année. En 2021 surtout, le gel est venu faire tomber les rendements à 11 quintaux/ha, lorsque la moyenne quinquennale est plutôt autour de 16 qtx / ha. Soit 4.000 tonnes récoltées contre le triple cinq ans plus tôt…

Situation favorable

Cependant, plusieurs facteurs jouent désormais en faveur des producteurs régionaux. Non seulement la production canadienne (premier exportateur mondial de graines de moutarde) a accusé une chute importante en 2021 du fait de la sécheresse, mais dernièrement (voir notre édition du 23 septembre), la Bourgogne Franche-Comté a bénéficié d’une dérogation pour l’utilisation d’une alternative au Phosmet.

Si le Canada pourrait revenir dans les mois qui arrivent sur le marché, « les consommateurs sont désormais davantage à la recherche de moutarde produite localement », laissant espérer une relocalisation plus durable de cette culture… si les producteurs ont toujours accès à des solutions face aux insectes !

Forcément, dans ce marché extrêmement tendu, confirmé tous ces derniers mois par les rayons de moutarde vides dans les magasins, les tarifs proposés aux producteurs augmentent. « Les industriels ont fait de gros efforts et ont proposé 2.000 € la tonne pour 2023. Il y a trois – quatre ans, les prix pratiqués étaient de 900 € la tonne », relate Fabrice Genin.

En parallèle, les sélectionneurs ont repéré des variétés de moutarde qui « semblent mieux tolérer les insectes. Attention, on ne parle pas de résistance malgré tout ! ». Des variétés qui sont intégrées en grande proportion dans les mélanges mis en place par les producteurs, comme l’explique Jérôme Gervais : « nous implantons des mélanges de six variétés dont quatre sont tolérantes aux grosses altises. Moins appétantes pour les insectes, elles subissent moins de piqûres ».

Nouveaux producteurs

Ces conditions attirent plus de producteurs puisqu’ils sont aujourd’hui près de 550 à consacrer un minimum de 4 ha à la moutarde. Ils étaient descendus à un peu plus de 200 il y a quelques années…

« Ils sont en grande majorité en Côte-d’Or, puis dans l’Yonne. On en dénombre aussi un peu dans le Jura, en Haute-Saône et en Seine-et-Marne », détaille Fabrice Genin. Actuellement juste une poignée se trouve en Saône-et-Loire, « un département qui aurait de l’intérêt, car c’est à la fois une bonne zone de production et elle est moins soumise au gel. Mais il y a des difficultés d’organisation et de logistique au niveau de la collecte de moutarde, et puis le soja reste une culture très intéressante pour les producteurs de Saône-et-Loire » …

Pour l’heure, l’APGMB ne recherche plus de surface à implanter « mais nous verrons au printemps, si le potentiel s’annonce limité ou pas », conclut Jérôme Gervais.