Interview
« Il y a un intérêt à végétaliser un peu notre alimentation »

Pour Nicole Darmon, chercheuse à l'Inrae, les protéines végétales présentent des qualités nutritionnelles mais également des intérêts environnementaux et économiques non négligeables.

« Il y a un intérêt à végétaliser un peu notre alimentation »
Nicole Darmon, chercheuse à l'Inrae.

D’un point de vue nutritionnel, le développement des protéines végétales dans notre alimentation a-t-il un intérêt ?

Nicole Darmon : Il y a un intérêt certain à végétaliser un peu notre alimentation, sans pour autant passer à un régime végétarien ou végétalien. Aujourd’hui en France, nous consommons plus de protéines que ce dont nous aurions besoin. Et c’est assez déséquilibré car 70 % de ces protéines proviennent de produits animaux, alors que nous aurions besoin de 50 à 60 %, selon les catégories de la population.

Quels bénéfices un rééquilibrage représenterait-il pour la santé ?

N. D. : Il y a aujourd’hui beaucoup d’études qui montrent que les régimes flexitariens ont des effets bénéfiques pour la santé. L’accroissement de la part de protéines végétales protège contre les maladies cardiovasculaires, et le cancer notamment, car ils permettent de réduire la consommation de viande rouge et de charcuterie.

Vous travaillez notamment sur la notion d’alimentation durable et sur l’adéquation entre qualité nutritionnelle, durabilité et coût financier. L’accroissement des protéines végétales peut-il y participer ?

N. D. : Oui. Notamment parce que les produits végétaux ont un impact environnemental moins élevé que la viande. Cela dépend bien sûr du mode de production mais même la viande produite en pâturage, qui est la moins polluante, a un impact environnemental plus important que les productions végétales. Pour le coup, santé et environnement vont dans le même sens, ce qui n’est pas toujours le cas. D’un point de vue économique, il faut différencier produits transformés et produits bruts. Les premiers coûtent anormalement cher. En revanche, les produits bruts tels que les légumes secs et céréales complètes présentent un avantage économique, si cela s’accompagne d’une diminution de la consommation de viande. Si on regarde le coût des calories, c’est-à-dire le prix pour 100 kilocalories de chaque type d’aliment, les plus chers sont clairement les fruits et légumes ainsi que la viande et le poisson.

Leur bilan est donc bénéfique sur tous les aspects ?

N. D. : Oui. Je pense notamment au travail de recherche de Romane Poinsot que j’ai dirigé et qui s’est intéressée à la façon dont nous pourrions tendre vers une restauration scolaire plus durable. Nous sommes arrivées à la conclusion que nous pouvions proposer jusqu’à douze repas végétariens sur vingt, en maintenant une qualité nutritionnelle équivalente et en réduisant notablement l’impact environnemental, avec par exemple une diminution de 25 à 50 % des émissions de gaz à effet de serre.

Peut-on pour autant imaginer qu’un jour les protéines végétales remplacent les protéines animales ?

N. D. : Sur le plan nutritionnel, ce serait un peu acrobatique. Si l’on souhaitait avoir une alimentation végétalienne, nous serions obligés d’avoir recours à des suppléments vitaminiques et minéraux parce qu’il y a des vitamines qu’on ne peut pas trouver dans les végétaux comme la vitamine B12, les acides gras oméga 3 à longue chaîne et puis d’autres nutriments comme le fer et le zinc qui sont moins faciles à utiliser par l’organisme que ceux issus de sources animales. Si on accepte d’avoir recours à ces suppléments, ce n’est pas impossible. Mais on s’éloigne d’une alimentation naturelle.

Propos recueillis par Leïla Piazza