Journée technique BIVB
Les sols à la loupe… et sous d’autres outils

Françoise Thomas
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Depuis trois ans, tout un programme d’études et d’analyses autour de la qualité des sols viticoles a été mené par le BIVB et différents partenaires dont les chambres d’agriculture de Saône-et-Loire, de l’Yonne et de Côte-d’Or. Le but du projet DuraSolVi était de déterminer des indicateurs de terrain pour aider les viticulteurs dans leur gestion d’itinéraires culturaux. La restitution de ce projet a eu lieu ce 4 novembre en distanciel, en référence aux habituelles journées techniques de l’interprofession. Plusieurs enseignements peuvent d’ores et déjà être tirés.

Les sols à la loupe… et sous d’autres outils

« Mon sol fonctionne-t-il bien ? », c’est la question, postulat de départ, à laquelle les différents partenaires engagés dans le projet DuraSolVi ont tenté de répondre. Pour ce faire, différents outils ont été testés par les chambres d’agriculture de l’Yonne, de la Côte-d’Or et de Saône-et-Loire, en lien avec le pôle technique et qualité du BIVB et le laboratoire Semse. Le but était de déterminer des outils à utiliser et d’établir des indicateurs et des données de références pour aider les vignerons dans leurs itinéraires culturaux.  

Quatre indicateurs ont été retenus et suivis selon des protocoles très précis : le teabag test, le test bêche, le slack test et le test de pénétrométrie.

Thé vert et rooibos

Le teabag test consiste à enterrer des sachets de thé vert et rooibos dans le sol et permet de déterminer la capacité d’humification du sol (s) et celle de dégradation de l’humus (k).
Les indications à tirer des essais menés sont que c’est plus la nature du sol (et surtout son taux d’argile) qui aura de l’incidence sur ces deux capacités-là plus que les pratiques culturales. En effet, en Saône-et-Loire, deux parcelles bio étaient suivies, elles ont donné le taux de dégradation le plus haut… et celui le plus bas !
Les observations menées sur le département montrent par ailleurs une humification très poussée au printemps qui se dégrade beaucoup en été pour reprendre à l’automne. Si cela peut sembler logique, ce ne fut pas le cas partout.

Dans les sols de marne et de sable du chablisien par exemple, la sortie d’hiver est plus froide, il y a donc peu de minéralisation au printemps. « En revanche en été normal ou chaud, la très forte réserve utile de ces sols profonds donne des sols très actifs, détaille Guillaume Morvan de la chambre d’agriculture de l’Yonne, donc un très bon comportement ». Une perte d’activité à l’automne a à nouveau été constatée lorsque les pluies viennent facilement gorgés les sols d’eau.
Pour le responsable viticulture/œnologie, « tout ne se joue donc pas au printemps », d’où l’importance de réaliser ces suivis aux trois saisons « pour comprendre ce qui se passe ».

Autre élément aussi, il serait intéressant « de caractériser les millésimes pour mieux comprendre les résultats par la suite ». Mais ils ont bien insisté : cela reste des indicateurs testés sur quelques parcelles aux sols très différents. Pour Mathieu Oudot de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, il ne faut ainsi « pas rester figé sur les résultats ponctuels d’une année ou d’une parcelle pour commencer à piloter ses pratiques culturales et sa fertilisation ».
D’où l’incitation des deux techniciens chambre à renouveler ce test sur plusieurs millésimes.
Un réseau d’indicateur « s » et « k » est par ailleurs en train de se construire au niveau international. Balbutiant pour ce qui est de la Bourgogne et des vignes en général, son but est à terme de permettre à chacun de se positionner par rapport aux résultats des autres.

Un peu moins parlants

Parmi les autres outils testés, le test bêche. Celui-ci permet d’évaluer la structure du sol de façon assez rapide, sur place et à moindre coût. Cet outil est ainsi « intéressant pour connaître les effets de l’enherbement sur l’interrang » mais en revanche « trop grossier » pour en conclure un pilotage de pratiques. Cette analyse a aussi ses limites « si elle est très parlante en grandes cultures, elle l’est beaucoup moins en vigne », vue la nature du sol des parcelles en général.

Le slack test, quant à lui, consiste à immerger des mottes de terre dans de l’eau et à en suivre la vitesse de dégradation. Il permet de déterminer ainsi, en cas de forte pluie, la stabilité du sol, laquelle est liée au taux de matière organique et à son activité biologique. Les mottes ont été prélevées en surface sous le rang. Sur les parcelles testées, tous les résultats se sont révélés proches de la note maximale. Cela traduit soit une très bonne activité biologique en surface, soit un protocole à revoir pour être plus adapté aux sols viticoles, avec des temps de trempage plus long pour mieux représenter les fortes pluies ou les gros orages.

Enfin, dernier outil essayé : le test de pénétrométrie qui permet de connaitre la profondeur de sol utile, autrement dit si le sol est suffisamment ouvert pour permettre une bonne croissance des racines. Le protocole consiste là à établir le degré de résistance du sol à la pénétration tous les 10 cm entre deux pieds. Pour les techniciens chambre, la généralisation des données recueillies est moins évidente à établir. Ils n’avaient en effet pas toutes les données pour savoir si le sol avait été roulé ou non et tous les tests n’ont pas été réalisés dans les même conditions d’humidité. Tout ceci reste ainsi très lié à la parcelle et à la nature du sol, plus ou moins caillouteux. Ce test permet donc de bien renseigner sur la problématique de tassement pour une parcelle mais ne permet pas d’établir des extrapolations au niveau du vignoble bourguignon.

Méthodologie

Au départ, les premiers prélèvements ont été effectués sur une centaine de parcelles, réparties en nombre égal entre la Saône-et-Loire, l’Yonne et la Côte-d’Or. Il s’agissait là d’analyses physico-chimiques et de qualité biologique.
Les tests d’indicateur terrain détaillés dans cet article ont été eux réalisés sur une trentaine d’entre elles, soit 10 par département. Ces parcelles ont été choisies en fonction de la nature de leur sol et selon les différentes techniques culturales, bio et conventionnelle.
Pour le teabag test, trois modalités de trois mois chacune ont été menées : de mars à mai, de mai à juillet, et de juillet à septembre, soit 90 jours à chaque fois enterré à 8-10 cm.

De bons sols à conserver

Ce qui ressort en général des analyses menées, c’est que « les sols viticoles bourguignons sont globalement en bon état biologique », indique Rémi Chaussod. Le laboratoire Semse, partenaire du programme DuraSolVi, a procédé à des mesures biologiques sur un certain nombre de parcelles, avec un suivi en 1998, 2008 et 2018. « Il en ressort une moyenne de 30 tonnes par ha de matière vivante dans les sols bourguignons, ce qui est considérable » relate l’expert en microbiologie. Ce paramètre varie malgré tout selon le type de sol, l’antériorité viticole et les pratiques culturales mais globalement « les niveaux sont tout à fait satisfaisants ».

Idem, les valeurs en biodiversité fonctionnelle sont en moyenne de moyenne à forte sur la Bourgogne. Cependant Rémi Chaussod insiste : « en matière de sols viticoles, le plus n’est pas forcément le mieux ». Trop d’apport de matière organique peut par exemple produire un excès d’azote, pas toujours bénéfique à la vigne. Il faut donc avant tout « raisonner ses pratiques en prenant du recul », rappelle-t-il, l’enjeu étant avant tout « de conserver et d’améliorer les qualités du sol ». Les outils présentés permettent de façon fiable de « déterminer les paramètres à corriger et d’en déduire les pratiques viticoles » à appliquer pour toujours améliorer son sol.