Bovins bio
L’art de bien finir ses bovins bio

Marc Labille
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Engraisser convenablement des bovins en bio est tout à fait possible. Incontournable, l’autonomie alimentaire incite à soigner la qualité de l’herbe pâturée et des fourrages.

L’art de bien finir ses bovins bio
En bio, au moins 70 % des unités fourragères (UF) et de la matière azotée (MAT) doivent être couverts par les fourrages. Ce qui implique que la qualité de ces fourrages soit élevée.

L’engraissement des bovins allaitant en agriculture biologique était au menu du Bio’Ti Full Day de Saint-Eugène en novembre dernier (lire notre édition du 3 décembre 2021). Conseillère à la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, Amélie Poulleau a commencé par un rappel du cadre réglementaire imposé par le cahier des charges Bio : « au moins 60 % de la ration annuelle est constituée d’aliments produits sur l’exploitation. Et au moins 60 % de la matière sèche composant la ration journalière provient de fourrages grossiers ». Si le premier impératif ne pose pas de problème a priori, la seconde condition implique « qu’au moins 70 % des unités fourragères (UF) et de la matière azotée (MAT) soient couvertes par les fourrages… Ce qui veut dire que la qualité de ces fourrages doit être élevée », pointait Amélie Poulleau. L’objectif d’autonomie est renforcé par le prix des tourteaux bio.

Produire des bœufs

Une alternative à la vente peu valorisante de broutards est l’engraissement des mâles en bœufs. La filière est intéressée par des poids de carcasse compris entre 400 et 450 kg pour un âge de 28 à 36 mois, informait la technicienne.

À Saint-Eugène, au Gaec Limousin-Bourgogne, les mâles de février-mars pâturent une première saison avec leurs mères. Puis ils passent leur premier hiver nourris avec du foin, de l’enrubannage et 1 kg de luzerne déshydratée. Au terme de leur deuxième saison de pâturage, ils sont hivernés avec le même régime puis entament un troisième pâturage. La saison se termine par une finition d’automne d’environ trois mois avec 3 kg d’aliment. La vente intervient vers l’âge de 30 mois. En 2020, le Gaec avait commercialisé des bœufs d’un peu plus de 400 kg de carcasse, avec une conformation « R + » et une note d’état d’engraissement de 3, rapporte Amélie Poulleau qui faisait remarquer que ces bœufs « n’ont consommé presque pas de concentrés ».

À la ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou, les animaux reçoivent pour leur premier hiver de l’ensilage de céréales et de protéagineux ainsi que du foin et de la féverole. Pour le second hiver, les bœufs sont nourris avec du foin et de la féverole. La finition débute fin juin pour une durée de 130 jours en bâtiment. Les animaux reçoivent de l’enrubannage (7,8 kg) ainsi qu’un mélange de triticale et de pois (6 kg). Avec ce régime, les bœufs limousins de la ferme de Thorigné-d’Anjou sont abattus à 31 mois à un poids de carcasse de 497 kg et une conformation « U- ». Un format supérieur aux attentes de la filière et qui amène les protagonistes à envisager le croisement avec des taureaux angus…

Pâturage tournant

Pour la finition des femelles, le Gaec Limousin Bourgogne engraisse 90 % de ses vaches de réforme à l’herbe avec zéro complément. En 2020, les femelles limousines produites ont donné des carcasses de 345 kg conformée « R = » avec une note d’engraissement de 3. Pour réussir un engraissement à l’herbe, Amélie Poulleau préconise le pâturage tournant qui a pour intérêt de « valoriser au maximum l’herbe », en bénéficiant d’une « herbe jeune et riche ». Le meilleur moyen de « limiter la complémentation voire, de s’en affranchir totalement », faisait valoir la conseillère. Le principe est de faire tourner les animaux sur au moins quatre ou cinq paddocks avec un chargement de 45 à 50 ares par UGB. La durée de pâturage idéale est de sept jours par paddock avec une herbe broutée entre 12 et 15 cm. Le retour des animaux dans un même paddock doit attendre 21 jours.

Finir des vaches sans aliment, c’est possible

Depuis trois ans, la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire et Alsoni suivent plusieurs exploitations qui pratiquent l’engraissement de femelles à l’herbe en système conventionnel. Ce suivi a mis en évidence que des performances « honorables » étaient possibles sans aucune complémentation. Les valeurs d’herbe mesurées atteignent jusqu’à 22,6 de matière azotée et 1,7 unité fourragère et les GMQ sont allés jusqu’à 1,4 kg par jour, sans aliment, illustrait Amélie Poulleau.

Les travaux menés à la ferme expérimentale de Jalogny donnent en outre une voie pour finir des vaches de réforme à l’auge avec de l’enrubannage de fauche précoce. On parle alors de fourrages coupés au stade début épiaison (800 °C). La phase d’engraissement proprement dite dure 90 jours avec de l’enrubannage à volonté complété de 6 kg d’orge aplatie. Une conduite tout à fait transposable en agriculture biologique, concluait Amélie Poulleau.

 

 

Broutards bio mal valorisés

L’un des écueils de la production bio est que les broutards ne bénéficient pas d’une valorisation en filière bio. Or plus des deux tiers des exploitations allaitantes bio vendent leurs mâles maigres en broutards. Ainsi, 59 % des mâles issus du cheptel allaitant bio ne sont pas valorisés en bio d’où une perte économique pour les exploitations. Les 41 % de mâles qui bénéficient du label AB se répartissent entre 19 % de veaux, 11 % de bœufs, 5 % de jeunes bovins et 2 % de reproducteurs.

Des carcasses bio moins lourdes et moins bien classées…

En bio, les poids de carcasse des vaches bouchères sont globalement inférieurs à ceux de la filière conventionnelle. Le constat vaut pour toutes les races mais l’écart est plus grand pour les races lourdes que sont la blonde d’Aquitaine (- 54 kg par carcasse), la limousine (- 36 kg par carcasse) et la charolaise (- 32 kg par carcasse). Cette différence est un peu moins prononcée pour les races rustiques qui sont plus précoces. Le constat est le même concernant les notes de conformation et d’engraissement. Cela se traduit par des pénalités sur la valorisation des animaux. D’où cet « impératif de bien finir les animaux bio », recommandait Amélie Poulleau.