EXLU WEB / Sous pression, Borne lance le chantier Ecophyto 2030

Quelques semaines après les annonces de la fin des néonicotinoïdes en betterave, et d’interdictions à venir pour le S-métalochlore, la Première ministre a lancé, en plein Salon de l’agriculture, le chantier d’Ecophyto 2030. Le gouvernement veut aboutir, d’ici l’été, à une nouvelle mouture qui inclura un «plan de développements d’alternatives», assorti de moyens renforcés pour la recherche et peut-être un changement de gouvernance des autorisations de mise sur le marché.

EXLU WEB / Sous pression, Borne lance le chantier Ecophyto 2030

À l'occasion de sa visite au Salon de l'agriculture le 27 février, la Première ministre a annoncé le lancement d'ici l'été d'«un plan de développement d'alternatives pour les produits phytosanitaires les plus importants, appelés à être retirés du marché lors des prochaines années». L'objectif est d'identifier au plus tôt les produits susceptibles d'être interdits, notamment ceux pour lesquels il n'existe pas d'alternative viable économiquement, afin d'y flécher des efforts de recherche publique supplémentaires. Ce nouveau plan sera abondé par des fonds du plan France 2030 – dont le montant n'a pas été précisé. Il inclura notamment les instituts techniques et les fabricants, appelés à prendre des «engagements sur leurs plans de travail des prochaines années».

Ce plan dédié à la «recherche et à l'innovation» doit, au passage, «renforcer nos moyens pour l'agriculture biologique». Une annonce globalement bien vue par la FNSEA qui avait poussé auprès de l’Élysée et de Matignon pour «une planification pluriannuelle des alternatives», très proche du «plan de développement des alternatives» envisagé par la Première ministre. Plus tôt dans la semaine, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau avait déjà évoqué son souhait d'une « meilleure coordination entre l'Anses, l'Inrae et les instituts techniques». De son côté, le p .-d.g. de l'Inrae Philippe Mauguin se dit prêt à y travailler, et rappelle que son institut collabore d'ores et déjà avec l'Anses.

Quant à lui, le directeur général de l’Anses Benoit Vallet a estimé, lors d'une conférence de presse le 27 février, que «les industriels connaissent les dossiers et doivent prendre leur part en matière de recherche et d’innovation». Face aux critiques du gouvernement sur le S-métolachlore, le président de l’agence sanitaire souligne au passage que «l’évaluation des produits à base de S-métolachlore avait été demandée en mai 2021 par nos tutelles» au sein des ministères de l’Agriculture, de la Transition écologique et de la Santé, comme rappelé dans l'avis sur ce sujet. Et le processus de retrait en cours, poursuit-il, vise avant tout à se conformer aux textes européens sur l'eau.

Alors que le gouvernement espère établir une liste de 200 molécules candidates au réexamen pour en évaluer les alternatives, la directrice du pôle Produits règlementés Charlotte Grastilleur s’interroge de son côté sur le chiffre retenu. Avec dix molécules étudiées par an par l'agence, «si nous connaissions à l’avance celles susceptibles d’être retirées, nous ne mènerions pas d’évaluation», observe-t-elle. Par ailleurs, «le rôle de l’Anses n’est pas de travailler sur les alternatives», sauf en cas de molécule candidate à la substitution, rappelle-t-elle. Exception récente: le travail sur le glyphosate, «a mobilisé les services pendant deux ans» sans offrir de solutions dans tous les cas.

Plus largement, Élisabeth Borne appelle son gouvernement à présenter une nouvelle mouture d'Ecophyto d'ici l'été également, intitulée Ecophyto 2030. La Première ministre a également plaidé pour «développer une offre de conseil individuel et stratégique adaptée», dans le cadre de la concertation autour du Pacte et de la future Loi d'orientation et d'avenir (LOA). Une demande portée notamment par les chambres d'agriculture, qui souhaitent un renforcement et une «adaptation territoriale» de l'offre de conseil.

«Rien que la réglementation européenne»

Enfin, la Première ministre est également revenue sur les rapports qu’entretiennent les réglementations européenne et française, après les récentes décisions concernant les néonicotinoïdes et le S-Métolachlore: «En matière de produits phytosanitaires, nous respecterons désormais le cadre européen, et rien que le cadre européen», a promis Élisabeth Borne. Et de préciser: «Nous ne créerons aucune distorsion de réglementation pour nos producteurs sauf en cas de force majeure, quand la santé publique est menacée.»

S’arrêtant plus en détail sur le cas des AMM (autorisations de mise sur le marché) des pesticides, la Première ministre a simplement annoncé que son gouvernement «travaille aux problèmes qui subsistent dans le processus d'autorisation de mise sur le marché». Et de citer «la mauvaise synchronisation entre les calendriers français et européen de réexamen des substances», et le «renforcement nécessaire des moyens de l'Efsa».

La présidente de la FNSEA Christiane Lambert – qui plaidait pour une reprise en main du sujet par les pouvoirs publics – estime avoir «été entendue sur la nécessité d'un changement de méthode dans les décisions». Selon elle, la Première ministre envisagerait «une modification par la loi» afin de redonner «au politique» du pouvoir sur les autorisations de produits. «Le ministère de l’Agriculture devrait avoir un droit de regard sur les décisions de l’Anses», prévoit Christiane Lambert, alors que l'agence sanitaire assume la compétence exclusive des AMM depuis une réforme de Stéphane Le Foll en 2014.