Fourragères
Une plateforme d’essais pour adapter l’offre fourragère

Marc Labille
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Le 14 mai dernier dans le Chalonnais, la coopérative Bourgogne du Sud organisait des rencontres fourragères. Au programme, la visite de sa plateforme d’essai avec un aperçu des mélanges et conduites fourragères de demain.

Une plateforme d’essais pour adapter l’offre fourragère
Installée sur une parcelle de Jean-Pierre Diconne à Sevrey, la plateforme fourragère de Bourgogne du Sud comporte 80 modalités.

Le 14 mai dernier à Sevrey, la coopérative Bourgogne du Sud donnait rendez-vous sur une parcelle de l’un de ses adhérents (Jean-Pierre Diconne) où une plateforme d’essais fourragers a été implantée. Ces essais sont conduits dans le cadre d’Alliance BFC qui réunit Bourgogne du Sud, Terres Comtoises et Dijon Céréales. « Cela nous permet de compiler les résultats en testant et en adaptant les modalités aux différents territoires », présentait Lilian Rochette, responsable du service élevage à Bourgogne du Sud. Les trois coopératives testent ainsi simultanément sur leurs terrains respectifs les produits de leurs fournisseurs semenciers. Et au sein d’un collectif - l’Alliance Régionale Est Appro (AREA), les coopératives parviennent à mettre au point leurs propres mélanges fourragers.

« Technique et pas cher »

Adaptés aux besoins de leurs adhérents, ces mélanges semenciers distribués sous la marque « Proherb » doivent répondre au cahier des charges « technique et pas cher ». Ce qui signifie que « le mélange tout prêt ne doit pas coûter plus cher que s’il était élaboré par l’agriculteur lui-même », explique Lilian Rochette. C’est dans cette optique de prix que des appels d’offres sont réalisés auprès de semenciers. Ces essais alimentent aussi une banque de données qui sert à un outil d’aide à la décision dédié aux fourrages que possède Alliance BFC au profit des adhérents des trois coopératives.

Courte, moyenne et même longue durée…

À Sevrey comme sur les autres plateformes implantées dans le 25 et le 21, les essais se subdivisent en plusieurs pôles. L’un concerne des « variétés courte durée » avec des ray-gras italiens (RGI) dont sont évalués la productivité et les valeurs alimentaires pour chaque zone géographique. Un autre pôle teste, de la même manière, des associations de graminées et de légumineuses « moyenne durée ». Sont notamment comparés de nouveaux mélanges de ray-gras hybrides et de trèfles violets destinés à une exploitation de deux à trois ans. Ces essais servent à construire la future gamme « Proherb » d’Alliance BFC. La démarche est complétée cette année d’un troisième pôle avec, pour la première fois, des implantations laissées deux ans en place qui permettront d’expérimenter des espèces « longue durée » de type dactyles et fétuques élevées ou des prés.

Dactyles et fétuques face au changement climatique

Tout comme l’allongement de la durée de vie des cultures fourragères, les deux graminées suscitent un nouvel intérêt face au réchauffement climatique. Alors que les ray-gras ne « produisent plus à partir de 25°C », fétuques et dactyles se montrent plus résistantes à la chaleur et à la sécheresse, explique-t-on. Chez les semenciers, les recherches variétales se sont intensifiées sur ces deux espèces avec un renouvellement génétique prometteur. Grâce à ces essais, les trois coopératives entendent tester et adapter des mélanges qu’elles pourront proposer à leurs adhérents pour se prémunir face aux aléas climatiques.

Diversifier les espèces, les stocks, les rations…

Les mélanges fourragers testés doivent en outre être de plus en plus riches en protéines pour aider les exploitations à s’approcher de l’autonomie alimentaire. D’autant « qu’avec des fourrages de qualité, les animaux se portent mieux derrière », fait valoir Lilian Rochette qui ajoute qu’il faut « aller chercher le bon compromis entre la production et la qualité alimentaire ». En cela, « le stade de récolte est hyper important, mais la composition de la prairie aussi ». Il s’agit de « raisonner entre le coût d’implantation et la nécessité de produire toute l’année, de diversifier les rations et de diversifier les stocks », conclut le technicien.

 

 

La fertilisation des prairies étudiée de prêt

La fertilisation des prairies étudiée de prêt

La plateforme fourragère de Sevrey comporte un essai de fertilisation de prairie longue durée. Différentes formes d’engrais azotés appliquées à différentes dates sont comparées. Jusqu’alors, la norme consiste à apporter l’engrais azoté sur prairie à 200 degrés jours (sommes de températures à compter du 1er janvier), stade où la plante peut commencer à absorber l’azote, expliquait le technicien. Cela correspond habituellement à fin février, début mars. À Sevrey, différentes modalités sont testées avec apports à 200, 350 et 500 degrés jours pour différentes doses (50, 35, 65, 80 unités). Ces essais serviront à étudier la modulation de dose, voir si les 50 unités habituellement recommandées sont suffisantes, si les apports pourraient être fractionnés comme pour le blé… Ces essais évaluent également l’intérêt du soufre. Sur la même plateforme, un autre essai teste l’adjonction de produits dans la ligne de semis pour mieux sécuriser l’implantation des fourragères, à l’image de ce qui se pratique pour la culture du maïs.

Pour une bonne conservation au silo

La conservation des fourrages était le thème de l’un des ateliers de ces rencontres fourragères. Les étapes clés de la conservation des fourrages ensilés sont à la récolte, à la confection du silo et même au dessilage, expliquait un fournisseur en produits conservateurs. Il ajoutait même « qu’un conservateur du commerce ne va pas tout sauver si le tassage du silo n’est pas bien fait ». Le fourrage à l’ensilage est sujet à des pertes physiques telles que jus, refus, moisissures… Il existe aussi des pertes chimiques moins visibles qui altèrent la valeur alimentaire du fourrage. L’intervenant insistait sur les pertes gazeuses au silo, qu’on ne voit pas du tout, mais qui s’élèvent de 10 à plus de 40 % de matière sèche dans le pire des cas ! Pour limiter toutes ces pertes, il existe un certain nombre de préconisations du champ au silo. À la récolte, il faut faucher à au moins 7 ou 8 cm de hauteur. En dessous, le risque de butyriques dans le fourrage explose. Faucher à la bonne hauteur préserve aussi les plantes, favorise un meilleur séchage et « plus c’est fauché haut, plus il y a de rendement total à la fin de l’année », faisait valoir l’expert. Une herbe récoltée jeune (stade début épiaison pour les graminées) est plus qualitative, et le fourrage qui en est issu se conserve mieux aussi. Pour limiter les pertes, il faut viser 30-35 % de matière sèche, indiquait l’intervenant. La longueur des brins a son importance aussi. Mieux vaut des brins courts qui favorisent aussi un meilleur tassement, complétait-il. Au remplissage du silo, « plus on étale le fourrage sur la longueur, meilleur est le tassement". Pour limiter les pertes gazeuses, il faut viser 180 kg par mètres cubes de matière sèche. Pour le bâchage, l’ajout d’un film barrière à oxygène est vivement recommandé. Une bâche classique laisse passer l’air et l’adjonction d’un film barrière à oxygène diminue les pertes gazeuses de 14 à 7 %. Au dessilage, l’ennemi numéro 1 est l’échauffement. Il faut réaliser un front d’attaque le plus régulier possible et il est recommandé de consommer une couche d’au moins 20 cm d’épaisseur par jour. Ce n’est que si toutes les préconisations précédentes ont été respectées que l’ajout d’un conservateur peut s’avérer profitable. De deux types, les conservateurs interviennent sur la nécessaire acidification au début de l’ensilage et ils luttent contre l’échauffement, présentait le commercial de la marque Magniva. À partir d’un PH de 5, une partie des bactéries sont neutralisées et les levures inhibées et au-dessous de 4, ces micro-organismes sont tous « éteints », complétait l’intervenant.