AG de la FDSEA
La Pac et les autres politiques

Cédric MICHELIN
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C’est un sujet complexe, voire de plus en plus complexe, « même pour les initiés » dédramatisait l’animateur de la table ronde, Etienne Rougeot, directeur de la FDSEA du Jura, lors de l’AG de la FDSEA de Saône-et-Loire à Blanot le 22 juillet dernier qui avait pour thème « Y a Pac ça à dire ». Enfin, en l’occurrence, avec deux eurodéputés, Jérémy Decerle et Arnaud Danjean, il y avait beaucoup à apprendre.

La Pac et les autres politiques
De g. à d., Jérémy Decerle, Henri Biès-Perré, Christian Bajard, Christophe Chambon et Arnaud Danjean.

La Politique agricole commune, née en 1962, sert-elle encore à nourrir les populations Européennes 70 ans après ? À cette première question, la réponse n’est pas claire et Jérémy Decerle, eurodéputé et éleveur en Saône-et-Loire, rappelle vite que l’Europe a plus « une ambition pour répondre au défi climatique » avec son Green Deal, son pacte vert. Un Green Deal qui a pesé sur les réflexions et les négociations de la Pac 2023-2030. Qu’est-ce que cela change alors ? Des éco-régimes ont été mis en place dans le premier pilier, celui dédié à la production alors que c’était le seul deuxième qui était dédié au développement rural et aux mesures environnementales avant. « Ces eco-schemes sont une manière pragmatique de voir la dimension environnementale, vers des pratiques plus vertueuses et pour accompagner ceux qui ont fait des efforts », comme pour capter du gaz carbonique, défend-il.
Les agriculteurs français ont justement l’impression – à juste titre – d’en faire des efforts et pourtant, l’Europe, l’État, la société… ne semblent jamais satisfaits, ni reconnaissants.

Débrouillez-vous les Français

La voix de la France en Europe porte-t-elle encore ? Pour le Bressan, Arnaud Danjean « d’autres pays nous passent devant et on a du mal à trouver des alliés car l’agriculture française a décroché en terme de compétitivité ». Eurodéputé depuis trois mandats, il impute ce décrochage à « beaucoup de critères nationaux : de la fiscalité aux normes et autres règlements » propre à la France. Et les autres pays de rétorquer dès lors à la ferme France : « débrouillez-vous avec votre modèle les Français. Notre agriculture fonctionne chez nous ». Des critiques qui venaient de pays comme l’Allemagne ou d’Europe du Nord avant mais aussi maintenant de nouvelles puissances agricoles comme les Pays-Bas dont les exportations dépassent celles de la France. « On n’est pas isolé sur la scène Européenne mais c’est plus compliqué de faire valoir notre point de vue ». Les alliances évoluent donc. La France se rapproche de pays de l’Est qui « veulent encore des dispositifs redistributifs tandis que nos alliés historiques de l’Ouest veulent s’en affranchir ».
Derrière, cette leçon de géopolitique, le message à retenir pourrait bien être celui de l’urgence de pouvoir vivre de la vente de ses produits et d’être « moins dépendant de la Pac ». Car 2023-2030 pourrait bien être une transition vers une Pac qui ne soutient plus la production agricole du tout.

D’autres politiques EU à venir

Cas d’école : la négociation sur les primes à la vache allaitante, reprenait Jérémy Decerle. « Les Allemands ont une vision complètement différente de la nôtre sur les aides couplées. Eux disent que nos élevages français doivent se débrouiller sans. On doit donc prouver que ces aides sont structurantes aussi ». La présidente de la FNSEA, Christiane Lambert a justement accepté de prendre la présidence du Copa-Cogeca pour représenter les intérêts de la soixante d’organisations agricoles européennes mais aussi passer quelques messages franco-français. « C’est la seule organisation à être reçue la veille de chaque Conseil des Ministres Européens ». Mais elle manque d’appui depuis 2019 car le Commissaire Européen est polonais (Janusz Wojciechowski) et la Pologne est mis au banc de l’Europe pour sa gestion des droits de l’Homme. Dans la mécanique de l’Europe, la Commission propose et le Parlement dispose. Mais si rien n’est proposé… « La commission devait amener des solutions mais n’a pas fait ce boulot en raison du commissaire Polonais », s’énerve Jérémy Decerle qui mise maintenant sur d’autres politiques Européennes « transversales » pour avancer, principalement avec le Farm to Fork, de la « Ferme à l’assiette », démontrant que la traduction n’est pas claire déjà.

La région à l’unisson

Le président de la FRSEA, Christophe Chambon rappelait que la Bourgogne Franche-Comté a su « se différencier du national, trouver un consensus régional pour porter une même vision de la Pac ». Attendant encore les derniers arbitrages pour les zones intermédiaires notamment, il acte malheureusement la baisse du couplage, touchant au cœur nos élevages allaitants. Il mise donc tout maintenant sur les programmes opérationnels Européens pour structurer les filières. Pour le président de la FDSEA de Saône-et-Loire, Christian Bajard, cette perte annoncée au départ de « 8.000 à 10.000 € de prime à la vache allaitante représentaient nos revenus annuels et on ne sait pas faire sans ». La baisse du couplage aura lieu, dans une moindre proportion, et face à cela, plus le choix, « l’histoire le dit, il faudra enclencher un rapport de force. Le prix se construit ainsi. Au syndicalisme de montrer les muscles ». La loi EGAlim2 ne suffira pas à elle seule, il faudra développer la vente directe et surtout structurer les filières, comme le Charolais de Bourgogne avec l’appui des collectivités, tel que le Conseil Départemental. Et surtout obtenir des prix de la GMS !

Fin des aides couplées dans 6 ans

« À vous de mettre la pression encore et toujours sur la filière pour qu’elle prenne en compte vos coûts de production. Après, à l’État de sanctionner ceux ne les respectant pas », reprenait Jérémy Decerle, dans un registre rappelant son passage aux JA. Arnaud Danjean est formel : « ne comptez pas sur les autres pays. Seul l’Irlande a un cheptel allaitant et il est ouvert sur l’international. On se retrouve seul ». Enfin pas tout à fait : taxe carbone aux frontières, clauses miroirs dans les accords internationaux… « Saisissons les opportunités données », invitait Jérémy Decerle, autour des plans protéines, « car dans 6 ans, l’Europe coupera les aides couplées », prévenait-il en conclusion.