EGALIM
Que dit le rapport des sénateurs sur l'inflation ?

Le comité de suivi de la loi Egalim, chargé d'évaluer les causes de l'inflation, a rendu son rapport, le 19 juillet, auprès de la commission des Affaires économiques du Sénat. Ce qu’il faut en retenir.

Contrairement à ce qu'a affirmé Michel-Édouard Leclerc, les sénateurs ne constatent pas de phénomène massif de « hausses suspectes » dans les demandes de renégociations adressées par les industriels à la grande distribution, révèle le rapport adopté le 19 juillet à la commission des Affaires économiques. Le comité de suivi de la loi Egalim au Sénat avait été missionné pour étudier les causes de l'inflation après les multiples interpellations du patron des magasins Leclerc. Le distributeur réclamait une mission d'information pour objectiver les hausses, arguant que des industriels tentaient de « profiter » de la situation inflationniste et que « la moitié » des hausses demandées étaient suspectes. Les sénateurs estiment que « l'essentiel des augmentations demandées était bien en lien avec la hausse des coûts de production » et réfutent le discours selon lequel les industriels tenteraient, de façon généralisée, de profiter d'un « effet d'aubaine ». Les co-rapporteurs Daniel Gremillet (LR) et Anne-Catherine Loisier (UDI) précisent qu'« aucun acteur entendu, pas même les distributeurs ayant fait part de leurs doutes, n'a été finalement en mesure de prouver le contraire ».

Des « pratiques contestables »

Le rapport conclut cependant à des « pratiques contestables » des deux côtés. Cela se traduit, par exemple, par du chantage à la rupture de stock de la part des industriels ou des augmentations de prix dans les rayons de la grande distribution, alors que le tarif d'achat reste inchangé. Les sénateurs alertent sur des risques « plausibles » de ruptures d'approvisionnement compte tenu du « niveau de tension » actuel. Certaines entreprises se sont déclarées prêtes à cesser de livrer les distributeurs si ces derniers n'acceptent pas les hausses demandées, se refusant à produire à perte. Légalement, elles sont pourtant tenues de continuer à livrer, même si la relation commerciale est rompue. Une période de préavis sur laquelle joueraient certains distributeurs prêts à casser les contrats pour continuer de se faire livrer à l'ancien tarif jusqu'aux prochaines négociations commerciales.

Les distributeurs rechignent à passer les hausses

De même, l'engagement pris par la grande distribution, dans le cadre de la charte signée fin mars, à faire passer les hausses liées aux matières premières agricoles n'est pas toujours respecté. Quant aux augmentations tarifaires liées aux matières premières industrielles, elles ne sont « pas du tout acceptées » par la grande distribution, qui apparaît pourtant comme l'acteur de la chaîne alimentaire le plus apte à rogner sur ces marges. Seules 40 % des renégociations engagées sur les marques nationales auraient abouti, selon les données issues du comité de suivi hebdomadaire organisé par le gouvernement. Les enseignes sont plus enclines à faire passer des hausses sur les produits de marque de distributeur (MDD), pour lesquels 90 % des renégociations sont achevées, relèvent les sénateurs. Les négociations en cours devraient aboutir sur une hausse des tarifs fournisseurs d'environ 4 à 5 %.

Des adaptations nécessaires sur Egalim

Dans la deuxième partie de son rapport, le comité chargé du suivi de la loi Egalim propose plusieurs adaptations du texte visant à protéger le revenu des agriculteurs. Il propose notamment un assouplissement du relèvement à 10 % du seuil de revente à perte (SRP), soulignant l'absence apparente de retombées pour les agriculteurs et, dans certains cas, des « effets pervers » sur les prix. Les rapporteurs préconisent de donner à « de nouvelles filières » la possibilité de demander au gouvernement d'en être exclues, à l'instar des fruits et légumes. Ils recommandent également de pouvoir passer outre l'accord interprofessionnel pour demander une exonération, soulignant que les distributeurs s'y opposent au sein d'Interfel. Autre recommandation : faire certifier les demandes de hausses par un tiers de confiance au début des négociations et lui donner une prérogative sur les formules de la clause de révision automatique, « parent pauvre » des contrats conclus en 2022. Dès l'examen de la loi Egalim 2, les sénateurs avaient exprimé leurs réserves quant à son efficacité, ils estiment désormais qu'elle doit « être adaptée à la période actuelle ». Ils arrivent à la conclusion que les mécanismes de la loi « créent une boucle d'inflation » qui contraint les acteurs à se remettre régulièrement autour de la table, avec le risque d'encourager les hausses des coûts agricoles et industriels en donnant l'assurance aux fournisseurs des agriculteurs et des industriels qu'ils seront répercutés en aval.

J.G