Parasitisme
Parasitisme : pour traiter moins, surveiller plus !

Publié par Cédric Michelin
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Pour poursuivre notre série d’articles sur la gestion du parasitisme en élevage de petits ruminants, le GDS de Saône-et-Loire est parti à la rencontre de Pierre Pardon, du Gaec éponyme à Tramayes. L’éleveur présente sa méthode de gestion du parasitisme sur le troupeau caprin : pour traiter moins, il vaut mieux surveiller plus son troupeau. Interview.

Parasitisme : pour traiter moins, surveiller plus !

Depuis quand êtes-vous installé sur l’exploitation et avez-vous vu des évolutions dans la gestion du parasitisme ?
Pierre Pardon : Je me suis installé sur la ferme familiale en 2005. Au niveau du parasitisme, nous avons développé l’utilisation des coprologies. Nous en faisons trois à quatre par an alors qu’avant nous n’en faisions pas. Dans les années 1990, les traitements étaient beaucoup plus systématiques et fréquents. Aujourd’hui, nous nous basons sur les coprologies et réservons les traitements aux chèvres qui ne sont pas en état ou qui présentent des signes cliniques : poil piqué, tête basse, muqueuses claires...

Concrètement, comment procédez-vous ?
P.P. : La méthode est surtout basée sur une surveillance rapprochée et l’alternance des différentes familles d’antiparasitaires.
En général, les chèvres sortent à l’herbe fin mars. Nous distribuons un produit à base de plantes un mois après, puis faisons une coprologie sept à dix jours après, voir un traitement antiparasitaire si besoin. Au printemps et en été, je fais une analyse coprologique par lot : les primipares d’un côté et les multipares de l’autre. À l’automne, cela dépend de l’état des chèvres : soit une analyse par lot, soit une pour les deux. Et bien sûr, on peut refaire une coprologie à tout moment de l’année si l’on a un doute : état des animaux, baisse de production, signes cliniques...
Pour le choix des produits, nous utilisons des préparations à base de plantes et des produits conventionnels. Puisque nous faisons les coprologies à la clinique vétérinaire, le choix de traiter ou non et avec quel antiparasitaire se fait avec le vétérinaire en fonction des résultats. Et nous alternons entre trois familles d’antiparasitaires.
Avant, nous pesions les animaux pour le calcul des doses, mais après plusieurs années de pesée, je considère que « je me suis fait l’œil » et je ne pèse plus.


Pourquoi et comment avez-vous mis en place ce protocole ?
P.P. : Nous avons fait le choix de diminuer les traitements progressivement, avec la volonté de développer des pratiques raisonnées, pour nos clients et pour nous. J’ai participé à des formations, je me suis documenté et j’ai modifié mes pratiques en fonction. Quand on traite moins, il faut surveiller davantage pour suivre le statut des animaux. Et il faut mettre en place et s’habituer à ses indicateurs de pilotage avant de diminuer la fréquence des traitements.
Le protocole que nous appliquons aujourd’hui est en place depuis environ quatre ans, donc c’est une mise en place très progressive, et je reste en veille permanente pour améliorer mes pratiques. Par exemple, cette année, j’ai été débordé par le ténia assez tôt au printemps par rapport à d’habitude alors que l’on ne voyait pas de segments de ténia dans les crottes (ni d'œufs à la coprologie). Donc j’ai adapté la surveillance : en début d’été, même s’il n’y avait pas d’œufs, j’ai traité quelques chèvres (5 ou 6) et je les ai gardées en bâtiment. J’ai vu qu’il y avait des anneaux de ténia dans les crottes, donc j’ai traité le lot.
En plus de la surveillance et des traitements, il y a également des mesures concernant le pâturage : je ne sors pas les chèvres quand il fait humide dehors, le matin j’attends qu’il n’y ait quasiment plus de rosée, et les chevrettes ne sortent pas la première année.
Enfin, nous veillons à l’état de santé général du troupeau en faisant plusieurs cures de magnésium dans l’année et une cure d’oligo-éléments tous les mois. C’est une pratique qui est en place dans notre élevage depuis 3-4 ans et que nous conservons, quelle que soit la stratégie de lutte antiparasitaire.

Avez-vous vu des bénéfices à ces changements de pratiques ?
P.P. : Chez nous les bénéfices sont là, car nous avons réduit nos traitements, et globalement nous n’avons pas remarqué de baisses de production, ni d’augmentation du parasitisme ou de dégradation de l’état de santé général du troupeau. Je pense même que cela préserve le troupeau des périodes de « moins bien » que l’on observe souvent après les traitements antiparasitaires. Et financièrement, même en tenant compte du coût des analyses coprologiques, nous faisons des économies.

Comment imaginez-vous la gestion du parasitisme à l’avenir ?
P.P. : Pour l’instant, cette méthode de travail me convient, donc je n’envisage pas de modification. Il peut y avoir des pistes à explorer avec la gestion du pâturage, soit du pâturage tournant mais qui serait difficile à mettre en place chez nous, soit du pâturage croisé avec nos bovins. Nous commençons déjà en quelque sorte, car les bovins pâturent les prés des chèvres en hiver.
Enfin, si vraiment nous n’arrivons plus à gérer et notamment s’il n’y a plus de possibilités de traitements, il faudra garder les chèvres à l’intérieur, mais ce n’est vraiment pas notre souhait et ne correspond pas du tout au mode d’élevage que nous voulons.

GDS de Saône-et-Loire

Note : les excrétions d’œufs de ténia sont intermittentes, et par conséquent les analyses coprologiques sont moins fiables que pour d’autres parasites. En l’occurrence, l’absence d’œufs à l’analyse ne permet pas de conclure à l’absence de ténia. En cas de signes cliniques sur des chèvres (baisse de lait, diarrhée...) avec une suspicion de ténia, il est conseillé de consulter votre vétérinaire pour décider de la marche à suivre.