Arnault Kubiaczyk à Vérosvres
Se démarquer grâce à la hereford

Marc Labille
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Installé depuis 2017 à Vérosvres, Arnault Kubiaczyk a fait le choix d’élever des herefords. Rustique, cette race d’origine anglo-saxonne est bien adaptée à une conduite économe et extensive. Et sa viande persillée plaît beaucoup aux consommateurs, s’enthousiasme le jeune éleveur.

Se démarquer grâce à la hereford
Arnault Kubiaczyk élève aujourd’hui 44 mères hereford près de Vérosvres.

Installé depuis trois ans à Vérosvres, Arnault Kubiaczyk est un jeune agriculteur plein de tempérament ! Petit-fils d’éleveurs de bovins charolais dans le haut Morvan, il s’est refusé à reprendre l’exploitation familiale, préférant voler de ses propres ailes et fuir la rudesse du climat et la pauvreté des sols morvandiaux. Après des études agricoles, il a été salarié pendant trois ans chez un sélectionneur de charolais au cœur du berceau. « Le graal pour un éleveur morvandiau ! », commente Arnault. Auprès de son patron Jacques Devillard, le jeune homme dit avoir tout appris en matière d’élevage et de sélection. Avant de s’installer, il a encore travaillé deux ans et demi dans une exploitation de la plaine jurassienne puis, tout juste marié, Arnault est revenu en Saône-et-Loire pour reprendre une ferme charolaise d’une centaine d’hectares et 65 vêlages à Vérosvres. « J’étais bien parti pour faire du charolais », reconnaît le jeune éleveur dont l’expérience dans le milieu de la sélection charolaise l’avait indiscutablement marqué. Mais avec un cheptel de niveau génétique moyen, les deux premiers hivers se sont soldés avec des césariennes en surnombre. Toujours animé par le goût d’entreprendre et de ne pas suivre les sentiers battus, Arnault s’est intéressé à la race hereford exposée depuis plusieurs années au Sommet de l’élevage. Renseignements pris auprès du président de l’OS (Pascal Bastien, éleveur dans la Meuse), et de Jean-François Protheau, pionnier de la hereford en Saône-et-Loire, le jeune homme a tout de suite été séduit par « cette petite vache rustique et docile ».

Pour constituer son cheptel, Arnault a échangé des charolaises contre des herefords qu’un agriculteur de Côte-d’Or avait récupéré à la suite de l’achat d’une ferme pour s’agrandir. L’échange s’est déroulé « en toute confiance » et concernait 22 vaches, quatre génisses et cinq laitonnes, avec toutes les garanties sanitaires, détaille le jeune éleveur. Un taureau de souche écossaise a été acquis dans l’élevage de Jean-François Protheau (lire encadré).

44 herefords et 28 charolaises

Aujourd’hui, le cheptel comprend 44 herefords et 28 charolaises, « parce que je les aime bien quand-même ! », sourit Arnault qui reste attaché à la célèbre race blanche. Mais l’éleveur s’est pris de passion aussi pour la hereford, une vache qui convient particulièrement bien à sa conduite extensive et économe, explique-t-il. « La hereford est une vache à petit gabarit qui vêle bien, remplit bien. Elle valorise bien les fourrages grossiers et elle a très bon caractère ». Cette race anglo-saxonne a aussi l’avantage de pouvoir être « valorisée autrement qu’en broutards », fait valoir Arnault. De fait, les mâles nés dans l’élevage sont castrés à la naissance. Ils sont destinés à être vendus en bœufs de 2 ans et demi – 3 ans pour un poids de carcasse de 350 kg environ, indique l’éleveur. Les bœufs hereford font l’objet d’une finition « lente, à l’herbe ou bien avec du foin de luzerne, de la paille, un peu de céréales, de la pulpe et du lin. Cela n’a rien à voir avec une finition intensive de trois mois. Avec les herefords, il faut aller doucement pour favoriser le gras intramusculaire ; on vise le haut de gamme », fait valoir Arnault qui cherche à obtenir des animaux « bien finis, pour ne pas décevoir ».

Viande haut de gamme

Cette aptitude à développer une viande très persillée est l’un des atouts majeurs de la race. Elle contribue à son succès auprès des consommateurs. « Une viande tendre, juteuse, bien rouge et qui a du goût ». C’est en tout cas ce qu’en disent les clients qu’Arnault fournit en vente directe. L’éleveur valorise ainsi des vaches de réforme de 350 kg de carcasse environ sous forme de viande fraîche, steaks hachés, burgers, saucisses, etc. La demande est au rendez-vous et l’élevage fournit même une importante boucherie en Auvergne-Rhône-Alpes.

« C’est une filière à créer », confie l’éleveur qui reconnait être encore en phase de démarrage et d’apprentissage avec cette race nouvelle. En dehors de ses collègues de l’OS, les connaissances sur la hereford sont rares en France, observe-t-il. Mais le fait de figurer parmi les pionniers de cette race dans la région est une grande source de motivation pour Arnault. Le temps de consolider son cheptel, le jeune éleveur pourra commercialiser des animaux reproducteurs. Les bovins sont inscrits à l’OS et suivis au contrôle de performances. Depuis peu, les génisses commencent à être génotypées. La sélection génomique est utilisée en hereford pour maintenir le caractère sans corne et bientôt pour suivre le gras intramusculaire, informe l’éleveur devenu administrateur de l’OS Hereford France.

 

La hereford séduit en Bourgogne Franche-Comté

La race hereford compte aujourd’hui 26 éleveurs en Bourgogne Franche-Comté dont neuf en Saône-et-Loire pour un total d’environ 180 mères. Agréé en 2014, l’organisme de sélection de la race, Hereford France, compte une centaine d’adhérents pour un total national de 4.800 vaches dont 600 inscrites au livre généalogique. Originaire d’Angleterre et ayant conquis le monde entier, la hereford gagne du terrain en France. Depuis 2016, un concours national est organisé dans le cadre du Sommet de l’élevage. 24 animaux y étaient exposés en 2019. La prochaine session de ce concours aura lieu le vendredi 9 octobre prochain à Cournon.

Très prisée pour sa rusticité, sa précocité et sa docilité, la hereford française profite aussi d’un engouement pour les viandes persillées des races anglo-saxonnes. Une filière est en train de se mettre en place avec des bouchers, explique Jean-François Protheau. « Jusqu’alors, les bouchers étaient obligés de se fournir à Rungis avec de la viande de hereford provenant de l’étranger. Ils payaient la demi-carcasse en provenance d’Irlande entre 12 et 16 € le kilo ! Maintenant, ils veulent de la hereford avec le tampon français ! ».

Un taureau né en Écosse, de souche canadienne
Romany 1 Redeemer est le nouveau taureau de Jean-François Protheau, sélectionneur de hereford à Mercurey.

Un taureau né en Écosse, de souche canadienne

Éleveur dans la Côte chalonnaise, Jean-François Protheau s’est lancé dans la sélection de hereford en 2009 avec cinq génisses. Aujourd’hui, celui qui est par ailleurs administrateur de l’OS Hereford France, possède 28 vaches en production pour un total de 76 bovins. L’essentiel de la production est vendu en reproducteurs dans toute la France. L’élevage utilise trois taureaux. Le plus ancien a été acquis en Angleterre en 2014. Âgé de huit ans, il est le père de la plupart des animaux du cheptel. Le deuxième taureau en service est né dans l’élevage. Un troisième reproducteur a été acheté cette année. Né en Écosse dans le prestigieux élevage Romany, il est issu d’un embryon conçu au Canada dans un autre élevage réputé, la famille Harvie. Habitués des jugements internationaux, ces deus maisons ont chacune déjà remporté le titre de la meilleure femelle hereford au niveau mondial, rapporte l’éleveur du Chalonnais. Un titre hautement prestigieux quand on connaît l’ampleur de la diffusion de la race dans le monde. Arrivé dans les prairies de Charrecey ce printemps, le nouveau taureau acquis par Jean-François Protheau est âgé de 30 mois. Il participera au concours national hereford dans le cadre du prochain Sommet de l’élevage.