EXCLU WEB / Gestion des eaux : peut vraiment mieux faire !

« Objectif de bon état des masses d’eau à 2027 : où en est-on ? ». Tel était le thème de la conférence-débat que le Cercle français de l’eau a organisé mi-septembre. L’état des eaux en France pourrait être meilleur.

EXCLU  WEB / Gestion des eaux : peut vraiment mieux faire !

La Directive-cadre européenne sur l’eau (DCE) du 23 octobre 2000 avait fixé un cadre pour la gestion et la protection des eaux et en particulier fixé un objectif de bon état à l’horizon 2015, « avec une possibilité de report à 2027 en dernière échéance ». Aux dires de Béatrice Doeser, responsable de la Gestion durable de l’eau douce à la direction de l’environnement de la Commission européenne, la France se situe plutôt en milieu de tableau concernant la qualité de ses eaux souterraines et de surface. Surtout, après l’épisode de sécheresse vécu par le pays à l’été 2022, les experts se rendent compte que la qualité des eaux dépend aussi de leur quantité. Autrement dit, plus il pleut, plus les substances novices sont diluées. A l’inverse, moins il pleut, plus elles se concentrent. Si l’on ajoute à cela que l’Office français de la biodiversité (OFB) qui instruit l’agrément des laboratoires d’analyse d’eau trouve le dispositif de cette DCE « complexe » à appliquer, il est légitime de s’interroger sur ce que sera l’état des eaux en 2027, s’inquiète-t-on dans la salle. D’autant qu’en 2023, les laboratoires devront obligatoirement analyser les perturbateurs endocriniens, en plus des résidus de nitrates et de pesticides qui « posent toujours problème », remarque René Lalement, directeur adjoint de l’appui aux stratégiques à l’OFB. Il souligne presque à regret, que les eaux ne sont pas déclassées consécutivement au climat « car le dispositif ne le prévoit pas, alors même que le changement climatique exacerbe les pressions qui existent déjà ».

Trajectoire de la ressource

Cependant, les efforts réalisés par les agriculteurs et les collectivités locales se mesurent concrètement, constate en substance Christophe Poupard, directeur de la connaissance et de la planification de l’Agence de l’eau Seine-Normandie. « Pour preuve, nous avions trois espèces de poissons dans la Seine en 1995. Nous en avons 30 maintenant (…) toutes les analyses passent pratiquement au vert depuis les années 2007-2008 ». Pour Philippe Lendevic, président de l’Autorité environnementale (AE), il faut poursuivre les efforts, « notamment sur les pesticides et les nitrates ». D’après lui, aucun des Schémas départementaux d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) ne sera conforme aux attendus de la DCE en 2027, à l’exception de la Corse. Poursuivre les efforts suppose la mise en place d’une « obligation de résultats », glisse le président de l’AE. Mais celle-ci, qui vise sans le dire les agriculteurs, pourrait bien concerner les autres politiques comme celles de l’aménagement du territoire, de l’industrie et des transports, tempère René Lalement. « A condition aussi de créer une synergie avec le changement climatique pour éviter les “non-adaptation”, et pour trouver un modèle qui s’adapte à la raréfaction de la ressource ». Il faudrait aussi « prioriser les usages et se poser la question des usages désirables », soutient l’expert de l’OFB. Dans ce domaine, il existe bien évidemment les retenues d’eau. Mais la seule évocation de Sivens et de Caussade crispe les débats. Pour éviter le sujet et les tirs de barrages (si l’on peut dire), les orateurs préfèrent évoquer et envisager une « trajectoire de la ressource ». Il serait peut-être important de commencer par ce domaine : évaluer la disponibilité de la ressource en eau sur le territoire français car « les chiffres sont quasi inexistants » concède Philippe Lendevic. Une donnée primordiale à l’heure où la sobriété devient le mot d’ordre. 

Pourquoi pas des Water-tests ? 

Évoquant le plan local d’urbanisme intercommunal de Rennes, le président du Cercle français de l’eau, Thierry Burlot, s’est étonné que l’agglomération rennaise envisage la construction de nouveaux logements pouvant accueillir environ 65 000 personnes supplémentaires. Mais la question de l’accès à l’eau ne s’est « jamais posée », s’est-il inquiété. Aussi entend-il que la France s’inspire du modèle des Pays-Bas et d’autres pays nordiques qui mettent en place des Water-tests. Il s’agit de mesurer la cohérence d’un projet d’urbanisme à l’aune du critère de l’accès à l’eau, de sa disponibilité etc. Si les résultats sont négatifs, le projet d’urbanisme n’est au pire pas retenu ou au mieux réévalué à la baisse…