Réforme de la Pac
Le Parlement européen valide les grandes lignes de sa position

Cédric MICHELIN
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Le 23 octobre, le Parlement européen a fini d'examiner en plénière sa position sur la future Pac. Les grands compromis trouvés entre les principaux groupes politiques – qui prévoient notamment une part de 30 % du premier pilier pour les éco-régimes – ont été validés.

Le Parlement européen valide les grandes lignes de sa position

Peu après le Conseil des ministres de l'Agriculture, les eurodéputés ont également tracé les grandes lignes de leur mandat de négociation des trois règlements (plans stratégiques, OCM et règlement horizontal) de la future Pac. Pour rappel, les négociations entre institutions européennes sur les propositions législatives prennent en général la forme de réunions tripartites («trilogues») entre le Parlement, le Conseil et la Commission. Le chemin est donc encore long avant l'application de la future Pac, pas annoncée avant 2022-2023...

30 % pour les éco-régimes, 60 % minimum pour les revenus

Au Parlement, une motion de rejet de l’ensemble des propositions de la Commission européenne sur la Pac, déposée par le groupe des Verts, a d’emblée été écartée (par 166 voix pour le rejet, 503 contre et 22 abstentions). Les premiers scrutins ont ensuite permis de valider certains des points les plus compliqués de la discussion. Ainsi, une part de 30 % du budget des paiements directs devra être, selon le Parlement, consacrée aux éco-régimes. Et 60 % des fonds du premier pilier devront être affectés aux aides au revenu de base, aux aides redistributives (avec un minimum de 6 %), aux aides couplées et programmes opérationnels. Les aides couplées devront, pour le Parlement, être limitées à 10 % du 1er pilier, plus 2 % supplémentaires pour la production de protéines végétales (comme le propose la Commission européenne). Et 3 % pourront être mobilisés pour des mesures de programmes opérationnels hors secteurs traditionnels (vin, fruits et légumes, olives…). Au moins 35 % des fonds du second pilier devront être réservés à des mesures environnementales et climatiques (et 40 % des aides ICHN aux régions à handicap naturel pourront être comptabilisés dans ce cadre). 30 % de l’enveloppe de ce même pilier serviront à des mesures finançant les investissements et les outils de gestion des risques.

Plafonnement et redistribution

Les eurodéputés veulent également, pour donner de la flexibilité aux États membres sur ces éco-régimes, rendre les transferts de fonds possibles du 1er pilier vers le 2nd dans la limite de 12 % du 1er pilier s’ils sont affectés à des actions environnementales. Un transfert du 2nd vers le 1er serait possible pour 5 % maximum (limite portée à 15 % pour les pays ayant des aides directes moyennes nationales en deçà de 90 % de la moyenne européenne). Le plafonnement des aides directes est, lui, défini obligatoirement à 100.000 € par exploitation (hors éco-régimes, jeunes agriculteurs et charges salariales). Mais moyennant une affectation de 12 % du 1er pilier aux aides redistributives, un État membre pourrait ne pas appliquer ce plafonnement. Les chefs d’État et de gouvernement de l’UE se sont pourtant prononcés dans le Cadre financier pluriannuel 2021-2027 de l’UE pour un plafonnement sur une base volontaire.

Dacian Ciolos : « nous progressons »

Dacian Ciolos, ancien commissaire européen à l’Agriculture à l’origine de la Pac actuelle, a jugé qu’avec le compromis trouvé au Parlement sur l’architecture verte « nous progressons par rapport à la situation actuelle ». Selon lui, en 2013, « le verdissement que j’avais proposé avait été fortement dilué par les discussions entre le Parlement européen et le Conseil ». Pourquoi alors ne pas aller plus loin et intégrer d’ores et déjà les objectifs du Green deal dans cette Pac (-50 % de pesticides, 25 % de surfaces bio…) ? Il fallait, estime-t-il, éviter d’avoir trois ou quatre ans sans nouvelles règles. C’est pour cela que « nous demandons une clause de révision en 2025 afin de pouvoir revenir sur cette législation au regard de ce qui sera proposé concrètement dans les stratégies “ de la ferme à la table ” et “ Biodiversité 2030 ” ». Dacian Ciolos met en garde contre « la course aux chiffres sur les engagements environnementaux ». « Sans étude d’impact, prévient-il, il sera difficile d’avoir de la clarté sur les mesures à prendre et nous ne pouvons pas être crédibles sans ça. En mettant trop de contraintes d’un coup, le risque est que nous n’atteignons pas nos objectifs ».

Qu'est-ce que ces éco-régimes ?

Dans une note explicative diffusée auprès des États membre, mais qu’elle n’a pas rendu publique, la Commission européenne apporte quelques précisions sur quatre types de mesures qui pourraient être reconnues comme des éco-régimes dans le cadre de la future Pac : l’agroforesterie, l’agro-écologie, l’agriculture de précision et l’agriculture « carbonée ». Une liste que Bruxelles avait promis de publier depuis de nombreux mois.

Pour l’agroforesterie, les services bruxellois précisent que les actions concrètes à mettre en place seraient un nombre d’arbres par hectares ou des méthodes de gestion de ces arbres pour maximiser leurs effets bénéfiques. Concernant l’agroécologie – définie comme une manière holistique de penser l’agronomie, l’écologie et la biologie –, les mesures reconnues pourraient être : l’agriculture biologique, l’augmentation de la rotation des cultures, les jachères, un niveau plus élevé de surfaces d’intérêt écologique, un soutien à un niveau de pâturage faible ou modéré ou encore la mise en place de bandes fleuries destinées à la biodiversité. Quant à l’agriculture de précision, elle doit permettre, selon la Commission, d’optimiser l’utilisation des intrants, de réduire les résidus et la pollution, et donc améliorer la qualité des sols et de l’eau. Des plans de gestion des nutriments pourraient être soutenus dans le cadre des éco-régimes. Sur l’agriculture « carbonée », enfin, Bruxelles serait prête à valider un soutien à des systèmes basés sur les résultats montrant l’absorption de carbone dans les sols (avec des pratiques comme l’agriculture de conservation, la couverture des sols, la conversion de terres arables en prairies…).

Mais le document rappelle aux États membres qu’ils doivent établir une liste de pratiques agricoles bénéfiques pour le changement climatique et l’environnement, sur la base de leurs besoins et de leurs priorités locales avec « l’autonomie nécessaire pour définir » les actions qu’ils veulent soutenir.

Le « oui mais » des chambres d’agriculture

« Les chambres d’agriculture expriment leur satisfaction quant aux conclusions du Conseil sur l’importance capitale de l’accompagnement du processus de transition des systèmes agricoles dans le cadre de la stratégie "De la ferme à la table" (Farm to Fork), tout en garantissant un revenu équitable aux producteurs », a indiqué l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) le 22 octobre. « Cependant, les ambitions du Conseil sur les transitions agricoles ne semblent pas être concrétisées pour l’instant dans la règlementation de la future Pac », ajoute l’APCA. Cette dernière regrette que l’Europe n’évoque pas la manière dont elle va « accompagner les producteurs vers la mise en place de ces nouvelles pratiques » qui impliqueront des investissements à la fois matériels et non matériels. Elle appelle également les instances communautaires à plus de simplification, notamment dans le cadre du Feader et à mieux accompagner « la transition des systèmes agricoles et agroalimentaires ».