Union des maires des communes rurales (UMCR 71)
Une ruralité productrice d’énergies

Cédric Michelin
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Le 8 octobre à Simard, l’Union des maires des communes rurales de Saône-et-Loire (UCMR71) débattait des énergies renouvelables en milieu rural. Forcément, l’agriculture est concernée. Entre méthaniseurs, éoliennes, photovoltaïque, voire demain agrivoltaïque, de nombreuses énergies sont mobilisables. À condition de bien s’entendre en amont, donc de consulter les agriculteurs, et de mettre des « garde-fous ».

Une ruralité productrice d’énergies

Avec 312 mairies rurales adhérentes en Saône-et-Loire, le président de l’association UCMR71 Jean-François Farenc sait que la ruralité sera « un acteur » de la transition énergétique, en termes d’économies, mais aussi de productions renouvelables. Éoliennes, méthanisation, photovoltaïque… sont largement possibles, à condition toutefois que les énergéticiens consentent à revoir leurs réseaux de collecte et de distribution avec les « acteurs » du monde rural. D’ailleurs, Céline Sevestre la directrice du Sydesl, le Syndicat départemental d’Énergie de Saône-et-Loire qui organise et coordonne la distribution d’électricité publique en Saône-et-Loire, rassurait la centaine de maires présents à Simard sur l’accompagnement du Sydesl. Avec Enedis, les réseaux de gaz, l’éclairage public, la mobilité durable (77 parcs de bornes), la rénovation des bâtiments, le syndicat va de la pré-étude des points énergivores d’une commune et des travaux à réaliser jusqu’à trouver des financements après chiffrage et même regarder les certificats d’énergie et aides possibles.
Intervenant à la deuxième table ronde de la matinée, cette fois sur le thème "la commune rurale, territoire producteur d’énergie", Thierry Gay, directeur de GRDF Bourgogne, réagissait à une vidéo de présentation du méthaniseur « exemplaire » installé justement à Simard. « D’ici quelques années, près de 60 % des consommations de gaz en Bresse bourguignonne seront couverts par le gaz vert. Je regrette que cette dynamique n’ait pas eu lieu plus tôt ». Les agriculteurs dans la salle lui auraient bien répondu que ce n’est pas faute d’avoir demandé aux précédents gouvernements… voyant les Allemands et l’Europe de l’Est les concurrencer avec.

Patate chaude des maires

Le maire de Simard (1.200 habitants), Jean-Marc Aberlenc, se souvient néanmoins qu’il a fallu gérer « cette patate chaude » au conseil municipal face « aux inquiétudes des riverains » qui craignaient les nuisances et la dévalorisation de leurs habitations à proximité. Dès lors, avec les services de l’État et ceux de la chambre d’Agriculture, des aménagements au projet ont été réalisés : stockage des déchets en bâtiment fermé pour éviter les odeurs, odeurs qui sont traitées côté méthaniseur… et cela a permis même d’épandre du digestat moins odorant que les lisiers. Du positif en est donc ressorti plus largement.
Le président de la chambre d’agriculture, Bernard Lacour, en veut à ces « minorités actives » qui, ces dernières décennies, ont laissé sous-entendre que « produire était un gros mot ». Le Covid et la guerre en Ukraine se sont transformés en crises alimentaires et énergétiques mondiales, même en France, où l’inflation galope. Et les importations avec…
En Saône-et-Loire, des projets de porcherie ou en volailles n’ont pu se faire, rappelait-il, sachant très bien que les consommateurs se contredisent souvent, répétant vouloir du local quand en parallèle « beaucoup cherchent des prix », faute de pouvoir d’achat ou de sens des priorités.

Énergies ou alimentation ?

Est-ce que pour les énergies renouvelables locales, il en sera de même en rural ? De petits méthaniseurs « à l’échelle d’une exploitation » arrivent et pourraient être plus facilement acceptés, espère-t-il. De l’autre côté de la Saône, dans le bassin allaitant, l’élevage n’a pas forcément non plus des fumiers « à pouvoir méthanogène », précisait-il avant de mettre le doigt sur la vraie question « de la priorité entre destination alimentaire ou énergies renouvelables », faisant clairement comprendre qu’il n’est pas pour voir des « monstres industriels ». L’assemblée applaudissait ses propos et se montrait favorable à plutôt changer la législation pour que les méthaniseurs agricoles puissent incorporer les déchets verts des villes. Le président national des maires ruraux de France, Michel Fournier, partageait cette volonté de garder les « terres faites pour l’alimentation humaine ». La région Bourgogne Franche-Comté réfléchit déjà à imposer des « limites aux Cive » (Cultures intermédiaires à vocation énergétique) en cas d’aides publiques de la région.

Le sud du nord ou l’inverse

Autre projet présenté, la centrale photovoltaïque de Bissey-sous-Cruchaud développée par la société CVE. Recouvrant 7 ha, 18.000 modules ont un potentiel de 6.730 MWh/an, « soit la consommation de 3.000 habitants ». L’énergie produite est vendue par Enercoop « de gré à gré », une première en France sans l’État en intermédiaire. Sous les panneaux, l’entretien se fait par « écopâturage » réalisé par l’entreprise Écomouton. Le maire de Bissey Gilles Venot avait étudié ce projet « balbutiant » en 2009, abandonné alors car « pas suffisamment ensoleillé ». Mais désormais en 2022, le soleil brille plus, surtout avec les politiques publiques encourageant le photovoltaïque même en Saône-et-Loire. Le « sud du nord » intéressant désormais les investisseurs.
Pour le directeur territorial d’Enedis, Francis Cahon, le département est donc « peu avancé sur son autonomie énergétique » avec à peine 5,8 % de sa consommation électrique produite localement. « Mais les chiffres augmentent très rapidement », avec 555 producteurs photovoltaïques de plus, juste sur le premier semestre 2022 (6.500 au total). Ce qui n’est pas sans poser un autre défi de taille : adapter le réseau. Enedis tente de simuler et cartographier pour raccorder au mieux « des tensions et matériels » différents. Venant témoigner, Jean-Daniel Maire, président d’un syndicat mixte dans le Jura, ne se privait pas pour lui faire remarquer « qu’on met maintenant la cabane sur le chien », critiquant les coûts (100.000 €/km) et problèmes de raccordement qui auraient dû être anticipés, normés et simplifiés.

Des « garde-fous » sur l’agrivoltaïsme

De quoi « plomber » bien des projets sur les toitures des bâtiments agricoles éloignés des points de connexion. Une frustration qui pourrait se transformer demain en un appétit pour l’agrivoltaïsme, mariant agriculture et photovoltaïque sur une même parcelle à vocation agricole. « Oui sur les toitures, non au sol », rappelait donc Bernard Lacour mais là encore, « vigilance » sur l’entre-deux, l’agrivoltaïsme sur des terres agricoles. À la chambre d’agriculture, « on travaille sur le sujet sur deux volets : avec les collectivités pour mutualiser les raccordements et pour que les projets bénéficient aux territoires ». Histoire également de ne pas mettre en concurrence les agriculteurs indirectement entre eux, ou entre installation de jeunes et propriétaires préférant une rente énergétique à un loyer agricole. « Car neuf fois sur dix, c’est pour améliorer des retraites », sauf qu’une fois le bail emphytéotique signé, « la vocation agricole appartient alors à l’opérateur », pour l’heure, faute de réponse des législateurs sur la question ou sur la question des « régularisations » à venir.
Au final, même si les financiers « mettent la pression », il y a urgence à « une réflexion commune pour ne pas laisser faire tout et n’importe quoi », concluait le président de la chambre d’agriculture. Message très bien reçu par les maires ruraux et par les parlementaires présents. Sénateur et conseiller régional, Jérôme Durain indiquait les difficultés à légiférer « un système passé de centraliser à décentraliser, où tout le monde produit et injecte ». À l’image d’Internet en somme. Son collègue au sénat, Fabien Genet, tenait, en attendant, à rassurer les maires inquiets de ne pouvoir boucler leur budget, sans totalement les rassurer. Et ce n’est pas la loi Zan (zéro artificialisation nette) qui était de nature à consolider les futurs budgets communaux, si les futurs projets ruraux sont interdits demain. La sénatrice, Marie Mercier plaide donc aussi pour « moduler » la loi en faveur de la ruralité.