Bleu Blanc Cœur
À la conquête de l’est

Françoise Thomas
-

La démarche Bleu Blanc Cœur fête cette année ses 20 ans. Apparue dans l’ouest de la France, elle tente progressivement de s’implanter plus à l’est et notamment en Bourgogne Franche-Comté. Démarche transversale car développée dans plusieurs filières, elle est aussi et surtout pour chacune d’entre elles une démarche intégrant une traçabilité complète de l’amont à l’aval et tout un ensemble d’acteurs. Elle prône une gestion spécifique de l’élevage, gage de vertus nutritionnelles et environnementales.

À la conquête de l’est
L’alimentation est au cœur de la démarche : très riche en oméga-3, la graine de lin apporte des bénéfices à la ration hivernale des animaux.

Si vous faites un jour vos courses en Bretagne, vous vous apercevrez vite qu’il n’y a rien de plus simple que de se procurer des produits estampillés Bleu Blanc Cœur.
La démarche qui a vu le jour à l’ouest du pays en 2000 s’y est rapidement développée et ce dans de multiples filières. À commencer par le porc et la volaille, mais aussi dans les œufs, le miel, quelques autres viandes, les produits laitiers, etc. « Aujourd’hui, ce sont 7.000 produits, 900 adhérents et 1.800 professionnels de la santé qui sont engagés dans la démarche », relate Vanessa Allain.
De notre côté du pays, c’est beaucoup moins flagrant ; d’où la volonté de la marque de développer sa notoriété, via notamment un grand plan média lancé cet automne sur les télés, radios et autres.
« Via les réseaux sociaux, nous donnons aussi la possibilité aux éleveurs de communiquer directement, complète la coordinatrice développement filière. Cela passe également par des prescripteurs de la démarche, comme des professionnels de la santé ou des métiers de bouche ». Et parmi ces influenceurs, selon le terme actuel, se trouvent des personnalités comme le cuisinier Thierry Marx…

Question d’équilibre

Ce que promeuvent tous ces ambassadeurs c’est la qualité nutritionnelle garantie, depuis l’auge des animaux jusqu’à l’assiette des consommateurs. C’est là que réside toute la philosophie Bleu Blanc Cœur.
« Il y a 20 ans, une étude clinique a vraiment démontré les bénéfices de la chaine alimentaire », détaille Vanessa Allain. En comparant deux groupes de consommateurs, l’un nourri de façon classique, le second consommant des animaux dont l’équilibre des rations en oméga-3 était établi, « les études ont montré que l’on retrouvait bien les acides gras dans le sang des consommateurs ». Un rééquilibre obtenu par ailleurs en trois mois…
L’origine de ces bénéfices est le bon ratio oméga-3/oméga-6. « Les oméga-3 sont naturellement contenus dans l’herbe de printemps, détaille Vanessa Allain. Mais on les trouve aussi en bonne quantité dans les graines de lin, puis dans la luzerne, le colza. Ces acides gras sont à mettre en corrélation avec les oméga-6 plutôt présents dans le maïs, le soja, le tournesol ».
Et si les éleveurs ont des obligations de moyens via une alimentation spécifique et adaptée aux besoins de leurs animaux, ils ont surtout des obligations de résultats : « la production de chaque éleveur habilité est analysée chaque année, relate Vanessa Allain, et ces analyses concernent l’ensemble de la filière ». Une traçabilité certifiée qui garantit au consommateur un aliment aux vertus nutritionnelles au top.

Prouvée et plébiscitée

« Ma vente directe s’est énormément développée grâce à Bleu Blanc Cœur, explique Jean-François Gautheron. Et cette clientèle était à la base beaucoup constituée de gens rencontrant des problèmes de santé, type problème cardiovasculaire, cancer, etc. Ce sont leurs médecins qui les orientaient vers les produits Bleu Blanc Cœur ». Désormais, l’éleveur bovin de Saint-Julien-de-Civry, qui vend aussi beaucoup dans le sud de la France, constate que les "coaches" (entraineurs) sportifs sont également de très bons prescripteurs. Si on n’en est pas encore à la notion d’aliment médicament, l’idée est quand même que l’équilibre oméga-3/oméga-6 garanti dans ces produits-là est une aide précieuse pour une amélioration générale de la santé, prouvée scientifiquement.
Le tout avec une saveur encore meilleure, une viande plus rouge et moins grasse pour ce qui est des bovins de Jean-François Gautheron.
À noter que par ailleurs, si l’aliment Bleu Blanc Cœur peut également contenir du lupin, de la féverole, etc., la démarche s’engage à supprimer tout soja d’importation dans l’ensemble de ses filières d’ici fin 2022. Un engagement écrit noir sur blanc, non pas sur le cahier des charges, mais sur le cahier de ressources et des engagements, comme il est dénommé dans cette association.

Témoignage : Une gestion super raisonnée
La démarche Bleu Blanc Cœur était très proche de la conduite de troupeau de l'éleveur de Saint-Julien-de-Civry.

Témoignage : Une gestion super raisonnée

Jean-François Gautheron est un engraisseur de Saint-Julien-de Civry. Il élève actuellement entre 100 et 200 bovins en fonction des périodes, « exclusivement des femelles ». S’il est adhérent Feder, il pratique également la vente directe. « J’abats et fais découper à Paray-le-monial. Ensuite je vends essentiellement hors Saône-et-Loire, en région parisienne, Alsace, Savoie, et toute la vallée du Rhône jusqu’à Nice ». Des livraisons qu’il effectue lui-même. Autonome en terme d’équipement depuis le matériel de fauche jusqu’au camion frigo, il commence à penser à la relève « d’ici cinq ans ». Il souhaiterait trouver un jeune qui puisse continuer son système. « Pour la vente directe, je suis prêt à le suivre pour faire la transition pendant deux-trois ans, car si elle ne représente que 10 % des animaux c’est 25 % de mon chiffre d’affaires ! ». Un poste important donc qu’il poursuit aussi « car le contact avec le client est primordial et très valorisant. C’est presque une raison d’être ! ». 
Depuis dix ans dans la démarche Bleu Blanc Cœur, mis à part l’aliment qui est spécifique, cela n’a pas bouleversé sa conduite de troupeau : « c’était déjà très proche de ma façon de travailler ».
Ses animaux pâturent « sur des prairies naturellement riches en trèfle ! » et simplement amendées avec le fumier de l’exploitation.

Pause-café !

Les nouveaux arrivants passent environ deux mois en pâturage tournant, avant d’être rapprochés des bâtiments pour accéder plus facilement à l’aliment distribué deux fois par jour en stabulation. « Je teste ceci depuis un an. Auparavant, je le donnais en une fois à l’auge au pré. Je constate des animaux qui assimilent mieux et donc se finissent mieux ».
Cet aliment, il le distribue aussi en toute petite quantité aux veaux sevrés « ça fait tout de suite la différence ! ». Le passage à l’aliment Bleu Blanc Cœur s’est aussi fait ressentir du point de vue sanitaire : « le vétérinaire vient chez moi pour boire le café ! », lance-t-il amusé. Aussi, puisque les frais vétérinaires « classiques » ont très largement diminué, il n’hésite pas à faire appel à lui dès que c’est nécessaire.

À côté de la vente directe, Jean-François Gautheron travaille avec Feder, par lequel l’éleveur valorise aussi des animaux en label Rouge Tendre charolais. Mais nouveauté, « depuis 2019, Feder promeut aussi Bleu Blanc Cœur. C’est une niche en train de monter, et si l’an passé ils m’avaient valorisé six animaux, cette année ils m’en ont pris 60 ! ». Avec une rémunération légèrement supérieure aux viandes label Rouge.

Zéro gaspillage

Pour la gestion de ses prairies, Jean-François Gautheron a toujours essayé de fonctionner avec un stock d’avance, grâce notamment à une première coupe enrubannée autour du 15 mai, et un foin réalisé lui aussi le plus tôt possible. Mais depuis trois ans, comme ses collègues, il doit faire face aux sécheresses. Alors certes, « en tant qu’engraisseur je décharge naturellement en été », mais si, jusqu’à présent, il vendait toujours une partie de son foin, cette année il a préféré tout conserver pour ses animaux. Et pour profiter au maximum de la production d’herbe : il nettoie et distribue systématique tous les refus, « pas de gaspillage ».
Alors certes l’aliment Bleu Blanc Cœur est plus cher à l’achat (environ 10 €/t de plus), mais les bénéfices sanitaires et sur la qualité de la viande sont indéniables et Jean-François Gautheron espère bien convaincre son futur successeur de rester dans cette dynamique.

Une démarche à promouvoir

Du côté de Feder, des produits Bleu Blanc Cœur sont vendus depuis 2018 « uniquement des femelles R+ minimum et 450 kg minimum », précise Charles Dechaume. Ce responsable commercial sur la zone Bourgogne Sud travaille actuellement avec 28 élevages qualifiés Bleu Blanc Cœur. Et ce sont environ six animaux qualifiés Bleu Blanc Cœur qui sont abattus chaque semaine. Une quantité modeste jusqu’à présent mais qui s’explique. « Les volumes amont nous les avons, relate ainsi Charles Dechaume, ce qu’il faut surtout désormais c’est développer la filière avale. La communication est très positive autour de cette démarche, mais pas encore assez auprès des magasins. Nous sommes poussifs auprès de nos partenaires abatteurs pour insister sur la qualité de ses produits et les volumes que l’on a à disposition et on croise les qualifications entre label Rouge et Bleu Blanc Cœur, les deux étant qualifiés dans la même filière ».

Le développement est forcément mis en suspens en ce moment surtout avec la fermeture des restaurants particulièrement à même de valoriser les pièces nobles. Une fois cette crise sanitaire passée, Feder aura aussi besoin de plus lisser les approvisionnements en viande qualifiée Bleu Blanc Cœur sur toute l’année : « la régularité sur les sorties reste aussi une difficulté ». Si les perspectives 2021 sont encore dans le flou, il est intéressant de noter que le volume de viande qualifiée avait tout simplement doubler entre 2019 et 2020.