Fermoscopie BFC - Elevages viande
Les prix rémunèrent enfin le travail !

Alexandre Coronel
-

Les élevages de bovins viande de la grande région Bourgogne Franche-Comté enregistrent un résultat économique record depuis 20 ans, qui s’explique par l’envolée des cours de la viande.

Les prix rémunèrent enfin le travail !
Dans l’élevage viande, de nombreuses pistes de rationalisation du pâturage et d’amélioration de la conduite du troupeau méritent d’être explorer pour gagner en autonomie.

Bruno Laurent, conseiller d’entreprise à Charolles pour CerFrance est remonté de 20 ans en arrière pour tenter de trouver une aussi bonne année en termes de résultats économique des élevages allaitants de la Région. En vain : « ce résultat courant 2022, que nous estimons à 25 500 €/UTAF, est un record. Alors que depuis 20 ans les cours de la viande ressemblaient à un électroencéphalogramme plat, ils se sont envolés cette année – de 4,30 à 5,30 €/kg de carcasse pour la catégorie R - ce qui fait progresser de 25% le produit viande des élevages, tandis que les aides restent à un niveau identique, et que les charges opérationnelles progressent de 15%. Avec néanmoins les effluents d’élevage qui jouent le rôle d’amortisseur vis-à-vis des engrais… ».

Réserves de fourrage et capacités d’adaptation

L’exploitation « moyenne » décrite par l’agglomération des résultats comptables de Cerfrance pour la catégorie des élevages allaitants spécialisé compte 167 ha de SAU dont 148 ha de SFP pour 158 UGB (94 vêlages/an), et 1,5 unités de main-d’œuvre. « Cette surface fourragère importante est un atout en termes d’autonomie et de résistance aux aléas climatiques… mais elle peut handicaper la reprise et l’installation », détaille le conseiller d’entreprise. La forte progression des prix de la viande tend à gommer en partie les différences de classement des carcasses, note aussi Bruno Laurent, qui s’intéresse aussi à la rémunération de la main d’œuvre. « Une part importante des coûts de production est liée au travail, qui devrait être rémunéré à hauteur de deux Smic/UTH. Or ce niveau correspond à un prix de revient de 3,52€/kg vif, tandis que le prix de vente moyen sur 2022 sera autour de 3,11 €/Kg vif… et ne permettra donc qu’1,15 Smic ». Autre source d’inquiétude, l’aléa météorologique. « Si les importants stocks de fourrage de 2021 ont permis de passer le cap de la sécheresse 2022 sans avoir trop recours aux achats extérieurs, qu’en sera-t-il en 2023, avec la forte inflation des aliments et des carburants ? Est-ce que l’augmentation très plausible de 30% des coûts de production sera accompagnée par celle des prix de vente, et qu’en sera-t-il de la consommation ? »

La recherche d’autonomie illustrée par un cas concret

Dans ce contexte d’incertitude, Cerfrance préconise de revenir aux fondamentaux : la recherche d’autonomie, pour s’affranchir le plus possible de la flambée des intrants. Le témoignage de Jérôme Beauchamp, éleveur naisseur-engraisseur charolais à Chambilly, en Saône-et-Loire, a été choisi pour illustrer cette stratégie. Installé initialement avec son père Guy, qui a depuis pris sa retraite, Jérôme Beauchamp a fait évoluer son système au fil des années. « J’ai fait le choix de revenir au labour sur une grande partie des terrains pour aller chercher de l’autonomie fourragère dans un premier temps, puis énergétique et protéique. Le système de mes parents était trop dépendant de la pousse de l’herbe, avec des stocks pas assez qualitatifs… ». Rotation longue, fauche précoce, diversification de l’assolement (betterave fourragère, prairies temporaires hautement productives), instauration du pâturage tournant… autant de choix techniques qui lui ont permis de profiter à plein de l’envolée des cours de la viande, mais aussi des céréales cette année. « Je n’utilise les concentrés qu’en phase de finition. Le système est vertueux, avec de meilleures périodes de vélage, meilleures mises en lot pour le pâturage, des lots plus homogènes à la reproduction pour les génisses, à l’engraissement pour les mâles ».
Les participants à la présentation de la Fermoscopie ont aussi remarqué la sérénité de l’agriculteur. « La productivité du travail reste aussi un facteur important de l’optimisation des systèmes viande, poursuit le conseiller : dans notre échantillon, ça va de 25 à 35 t de poids vif/an/UMO, ce qui donne une idée des marges de progrès possible. Chez les naisseurs, le coût du travail va de 0,70 €/Kg de vif pour les plus performants à 1,45 €/kg VV pour les moins performants ». L’idée n’est pas de travailler plus, mais mieux… en activant des leviers tels que la Cuma, l’entraide, l’entreprise de travaux agricoles, pour se concentrer sur la conduite d’élevage (optimisation du pâturage, surveillance des vêlages, suivi des performances…) « Chaque ferme devrait posséder une bascule ! » Sans oublier de garder un œil sur les indicateurs technico-économiques. « Le faible différentiel entre les cours du maigre et du gras impose de revoir le coût de la finition. La stratégie maïs n’est pas toujours idéale, car elle oblige à acheter un complément protéique », conclut le conseiller.