Drone en viticulture
« Une véritable machine à épandre »

Sébastien Closa
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Lorsque les terrains sont inaccessibles, car les sols sont trop détrempés, ou qu’ils soient trop escarpés pour un tracteur, le drone est une solution pour traiter les vignes. Ce 10 novembre, le Legta de Montmorot (Jura) organisait une journée consacrée à leur utilisation en viticulture. Une solution pratique, mais limitée, car l’épandage de phyto est interdit hors dérogations préfectorales ou ministérielles. Une situation qui pourrait prochainement évoluer.

« Une véritable machine à épandre »
Lors de l’épandage, le drone vole à 1,5 mètres au-dessus des vignes

Dans une parcelle du lycée agricole à l’Étoile (Jura), ils étaient une trentaine ce vendredi, apprentis en viticulture et leurs maîtres de stage, à assister à la démonstration de traitement des vignes par drone. L’intervenant Jean-Pierre Sediki, fondateur et dirigeant de la société Drone Plus, basée dans le Var et spécialisée dans les drones agricoles, a d’abord présenté son engin : « Nous utilisons un drone T30, une véritable machine à pulvériser. Ce drone équipé de 6 paires d’hélices pèse 66 kg et peut soulever jusqu’à 100 kg. Avec lui, nous traitons un hectare en une demi-heure ». Avec son réservoir de 30 litres, il faut en moyenne trois pleins à l’hectare. Son autonomie est de 15 minutes et le temps de recharge d’une batterie de 8 minutes. La cuve peut être retirée et remplacée par un semoir à la volée.

Le modèle présenté est équipé d’un capteur Lidar et d’un GPS. Il est donc possible de le piloter en manuel, ou de cartographier les points de passage au préalable, en faisant le tour de la parcelle pour placer les coordonnées GPS ou directement sur l’écran, pour passer en mode auto. Grâce à deux caméras, une à l’avant, l’autre à l’arrière, la pulvérisation des produits se fait avec un maximum de précision.

« Lorsque nous intervenons, nous travaillons en général avec deux drones, parfois trois », précise le pilote. Pour chacun des engins, un opérateur et deux assistants sont nécessaires. « Une des personnes s’occupe uniquement de la batterie. Elle la change et s’occupe du rechargement. Elle doit garder à proximité d’elle un extincteur, car les batteries lithium-polymère peuvent chauffer ».

Avantage agronomique, écologique et sanitaire

La pulvérisation par drone peut présenter plusieurs avantages. « Le premier est agronomique », précise Jean-Pierre Sediki. « Comme il n’y a pas de roues, il n’y a pas de tassement de terrain. Lors de fortes pluies comme actuellement, et que le vignoble devient impraticable pour les tracteurs, ou sur certaines parcelles trop escarpées, le drone est le seul moyen d’intervenir et de traiter les vignes. Le drone est aussi écologique car, ne fonctionnant pas au pétrole, il ne rejette pas de carbone. Dernier point non négligeable, les opérateurs ne sont au contact du produit que lors du remplissage du réservoir ».

Après ses explications, place à la démonstration. Une fois le réservoir rempli, le drone prend son envol. L’épandage se fait à 1,5 mètre au-dessus des vignes, à une vitesse de 6 km/h. Le produit est pulvérisé en nuage et, grâce au souffle des hélices, ce brouillard pénètre bien toute la plante. « Ce souffle est tellement fort qu’un vortex se crée et brasse l’air », explique Jean-Pierre Sediki. « Le feuillage est agité, ce qui permet au produit de recouvrir les deux faces des feuilles. L’entièreté des zones à traiter est atteinte ».

Bien sûr, un tel appareil à un coût non négligeable. Le prix du T30 est de 30.000 euros auxquels s’ajoutent 1.500 euros par batterie, dont la durée de vie est de 1.500 cycles. Au prix du matériel s’ajoute celui des autorisations spécifiques de vol. Ce drone pesant plus de 25 kg, une autorisation SORA (Specific Operations Risk Assessment), qui coûte 15.000 €, est nécessaire.

Vers une évolution de la réglementation ?

L’utilisation de tels drones d’épandage est très réglementée. Il est interdit de voler près des zones habitées, des rivières, des autoroutes, des chemins de fer et des centrales nucléaires. Les parcelles traitées doivent comporter un point d’atterrissage d’urgence.

Point le plus gênant pour les pilotes de drones agricoles, l’interdiction d’épandre des produits phytosanitaires. Il est néanmoins parfois possible d’obtenir des dérogations préfectorales ou ministérielles pour des pulvérisations contre le mildiou ou l’oïdium en cas d’orages rendant les parcelles inaccessibles. « Pour le moment, seuls les produits de biocontrôle et les PNPP (Préparations naturelles peu préoccupantes) sont autorisés », précise Jean-Pierre Sediki. « Nous intervenons par exemple pour épandre du cicatrisant sur des vignes qui ont pris la grêle ».

Une réglementation qui évoluera peut-être ce jeudi 23 novembre, car le Parlement européen doit se prononcer sur l’interdiction ou non de la pulvérisation phytosanitaire par voie aérienne dans l’ensemble des pays de l’UE. « Mais même si ce vote est positif », ce qu’espère le dirigeant de Drone Plus, « le changement ne sera pas pour tout de suite. Il faudra ensuite attendre le décret d’application ».