Chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire
Le renouvelable, c’est vous ! dit Jean Viard aux agriculteurs, lors de la session Chambre

Publié par Cédric Michelin
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Lors de sa session du 20 février à Jalogny, la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire avait invité le sociologue, Jean Viard. Son dernier livre « le sacre de la terre » est un plébiscite au « travail de la terre redevenu l’avenir de l’Homme ! ». Mais à 71 ans, cet « ancien baba-cool », comme il s’est décrit lui même, n’a pas mâché ses mots pour faire réagir les agriculteurs.

Le renouvelable, c’est vous ! dit Jean Viard aux agriculteurs, lors de la session Chambre

L’objectif pour le président de la chambre d’Agriculture, Bernard Lacour était de réfléchir en session sur les nouvelles relations entre agriculture et société. « C’est un sujet qui nous pose questions. Dans une société ne manquant pas de nourriture, quelle cohabitation entre nos actes de production, nos obligations, nos impératifs… et les attentes sociétales, voir l’Agribashing », introduisait-il.
D’emblée, Jean Viard mettait les pieds dans le plat. « Vous êtes passés de dominants à une classe minoritaire ». Il nuançait immédiatement : « mais vous détenez 55 % du sol de la patrie et votre chance est d’être vieillissant. Vous allez donc avoir un renouvellement à faire avec des jeunes et surtout des jeunes femmes », soulignait-il bien. Le sociologue s’appliquait alors à décrire la « vitesse des mutations de nos sociétés. Prenez en conscience. Nous n’avons jamais vécu une telle transformation économique aussi vite ». Il passait rapidement sur la technologie et les 4 milliards d’individus sur les réseaux sociaux (Internet). « C’est une révolution des liens de société et du respect » ou plutôt de l'irrespect généralisé.
Non, le sociologue s’intéresse plus aux mouvements de fonds de la société : un mariage sur deux finit en divorce, 63% des bébés naissent hors mariage… « les liens privés se construisent en discontinus. Ce n’est pas négatif », précisait-il pour objectiver ces faits et ces données. Et de continuer : depuis 1945, 16 millions de maisons ont été construites contre 13 millions d’appartements, les gens parcourent 50 km en moyenne par jour contre 6 km en 1960… « Vous êtes le dernier groupe social à vivre là ou vous travaillez », constate-t-il. Ce qui change beaucoup de chose en terme de compréhension des "autres". Les villes et villages se sont transformés en « dortoirs où on ne veut pas de bruits, pas d’immigrés… », disait-il tout haut, ce que beaucoup pensent tout bas. Et donc pas de pesticides, pas de boues sur les routes… « C’est souvent d’ailleurs votre famille qui a vendu des terrains » et fabriqué cet « archipel de tensions ».

Plusieurs vies

Mais pour ce spécialiste des « temps sociaux », il ne faut pas regarder uniquement ces changements. « Aujourd’hui, on perd ses parents vers 65 ans, soit l’âge de la retraite. C’est une rupture de civilisation », expliquant notamment de nombreuses peurs. A l’inverse, en un siècle, les progrès en médecine, en agriculture, technologique… ont permis de gagner 200.000 heures (700.000 h au total) de plus d’espérance de vie en seulement un siècle. « La vie s’est allongée de 21 années et en plus, nous dormons 3h de moins par jour que nos grands parents ». Un gain de temps énorme passé dorénavant en études (30.000 h contre 70.000 h au travail en moyenne) et devant la télévision (100.000 h) ou autres écrans. « La TV sert à garder les petits enfants et les anciens », plaisantait-il à moitié.
Mais la grande conséquence de cet allongement de la durée de vie est de voir les gens « changer souvent » de vie justement. « Seul, 50 % des gens vivent dans le département où ils sont nés. Tous les dix ans en moyenne, ils changent de métier même si ce n’est pas vrai pour tout le monde », disait-il en direction des agriculteurs pour leur en faire prendre conscience.
Et ça change tout : « les convictions, les pratiques sociales, les techniques… On peut tenter notre chance plus souvent… », plus qu’avant en tout cas « surtout pour les femmes ». « La discontinuité est devenue la règle ». Et ce n’est pas fini puisque « vos enfants devraient vivre 800.000 h ».

Tous ces bouleversements mis bout à bout expliquent pourquoi certains « vivent à côté de la ville, en périphéries, ou en milieu rural sans savoir où ils vont » dans leurs vies. Une explication aux Gilets jaunes et autres ressentiments de déclassement ? Qui n’épargne pas les agriculteurs et agricultrices. « Dans ce monde, comment se faire aimer de ses enfants ? Sur les questions d’écologie, les tensions sont douloureuses à gérer ».


Ensemble agréablement


Pour Jean Viard, le monde agricole doit maintenant « porter une idée commune pour que vivre ensemble soit agréable dans le futur ». Et de citer en contre-exemple à ne pas copier, « les professeurs qui ne parlent que de leurs problèmes de profs, de leur monopole, sans jamais parler des enfants ».
Il rappelait que la France est le seul pays à avoir « construit notre modernité sur l’agriculture ». Pas en Allemagne, ni en Angleterre ou ailleurs. Cela vient, selon lui, du partage des terres en 1789, de l’agriculture familiale ensuite (« au moment où les autres pays mécanisaient avec des chevaux ») pour construire la société française sur le « modèle du paysan républicain ». Toujours selon lui, le Général De Gaulle a marqué un tournant politique, « détruisant 2,5 millions de fermes » depuis. Pour n’avoir aujourd’hui plus que 500.000 exploitations agricoles « sur le modèle technique et chimique qui a permis de rallonger la vie, supprimer l’angoisse alimentaire, réduit les maladies… ». « Sauf que depuis, vous avez évolué très vite sans que les politiques ne proposent grand chose ».
Et de voir émerger un « lobby urbain », une écologie proche de la nature des parcs en ville, où la beauté domine et classe les paysages, souhaitant protéger la terre agricole « même s’ils ne savent qu’en faire ».

Le renouvelable, c’est votre métier

« Vous vous êtes laissés piquer le discours écologique par les villes », regrettait-il. Pas faux quand on voit les émissions (TV, radio…) à charge fait à Paris intra-muros. Jean Viard invitait donc les agriculteurs à se réapproprier d’urgence cet « enjeux de société : la révolution écologique ». Ce sont les métiers du futur (captage du carbone, alimentation…) surtout autour des énergies renouvelables. « Le renouvelable, c’est votre métier ». « Votre métier a été réduit à l’alimentation alors que vos métiers sont tous en lien avec le durable », insistait-il.
Pour lui, le changement climatique va provoquer des déplacements de populations, d’animaux et de végétations « d’environ 200 km donc engendrant des déplacements humains de 500 km » au nord principalement. La priorité des priorités est dès lors de protéger les sols « plus importants que les paysans ». Et de conclure, « dans cette guerre climatique, il faut que vous nous garantissiez l’arme écologique. Le monde de la terre doit parler à la société et être l’enjeu central de la société ». L’ère de la révolution « des corps » - éduquer, soigner, divertir… - doit relaisser de la place à la Terre et ses travailleurs « réunis », tout simplement.

Le renouvelable, c’est vous ! dit Jean Viard aux agriculteurs, lors de la session Chambre

L’objectif pour le président de la chambre d’Agriculture, Bernard Lacour était de réfléchir en session sur les nouvelles relations entre agriculture et société. « C’est un sujet qui nous pose questions. Dans une société ne manquant pas de nourriture, quelle cohabitation entre nos actes de production, nos obligations, nos impératifs… et les attentes sociétales, voir l’Agribashing », introduisait-il.
D’emblée, Jean Viard mettait les pieds dans le plat. « Vous êtes passés de dominants à une classe minoritaire ». Il nuançait immédiatement : « mais vous détenez 55 % du sol de la patrie et votre chance est d’être vieillissant. Vous allez donc avoir un renouvellement à faire avec des jeunes et surtout des jeunes femmes », soulignait-il bien. Le sociologue s’appliquait alors à décrire la « vitesse des mutations de nos sociétés. Prenez en conscience. Nous n’avons jamais vécu une telle transformation économique aussi vite ». Il passait rapidement sur la technologie et les 4 milliards d’individus sur les réseaux sociaux (Internet). « C’est une révolution des liens de société et du respect » ou plutôt de l'irrespect généralisé.
Non, le sociologue s’intéresse plus aux mouvements de fonds de la société : un mariage sur deux finit en divorce, 63% des bébés naissent hors mariage… « les liens privés se construisent en discontinus. Ce n’est pas négatif », précisait-il pour objectiver ces faits et ces données. Et de continuer : depuis 1945, 16 millions de maisons ont été construites contre 13 millions d’appartements, les gens parcourent 50 km en moyenne par jour contre 6 km en 1960… « Vous êtes le dernier groupe social à vivre là ou vous travaillez », constate-t-il. Ce qui change beaucoup de chose en terme de compréhension des "autres". Les villes et villages se sont transformés en « dortoirs où on ne veut pas de bruits, pas d’immigrés… », disait-il tout haut, ce que beaucoup pensent tout bas. Et donc pas de pesticides, pas de boues sur les routes… « C’est souvent d’ailleurs votre famille qui a vendu des terrains » et fabriqué cet « archipel de tensions ».

Plusieurs vies

Mais pour ce spécialiste des « temps sociaux », il ne faut pas regarder uniquement ces changements. « Aujourd’hui, on perd ses parents vers 65 ans, soit l’âge de la retraite. C’est une rupture de civilisation », expliquant notamment de nombreuses peurs. A l’inverse, en un siècle, les progrès en médecine, en agriculture, technologique… ont permis de gagner 200.000 heures (700.000 h au total) de plus d’espérance de vie en seulement un siècle. « La vie s’est allongée de 21 années et en plus, nous dormons 3h de moins par jour que nos grands parents ». Un gain de temps énorme passé dorénavant en études (30.000 h contre 70.000 h au travail en moyenne) et devant la télévision (100.000 h) ou autres écrans. « La TV sert à garder les petits enfants et les anciens », plaisantait-il à moitié.
Mais la grande conséquence de cet allongement de la durée de vie est de voir les gens « changer souvent » de vie justement. « Seul, 50 % des gens vivent dans le département où ils sont nés. Tous les dix ans en moyenne, ils changent de métier même si ce n’est pas vrai pour tout le monde », disait-il en direction des agriculteurs pour leur en faire prendre conscience.
Et ça change tout : « les convictions, les pratiques sociales, les techniques… On peut tenter notre chance plus souvent… », plus qu’avant en tout cas « surtout pour les femmes ». « La discontinuité est devenue la règle ». Et ce n’est pas fini puisque « vos enfants devraient vivre 800.000 h ».

Tous ces bouleversements mis bout à bout expliquent pourquoi certains « vivent à côté de la ville, en périphéries, ou en milieu rural sans savoir où ils vont » dans leurs vies. Une explication aux Gilets jaunes et autres ressentiments de déclassement ? Qui n’épargne pas les agriculteurs et agricultrices. « Dans ce monde, comment se faire aimer de ses enfants ? Sur les questions d’écologie, les tensions sont douloureuses à gérer ».


Ensemble agréablement


Pour Jean Viard, le monde agricole doit maintenant « porter une idée commune pour que vivre ensemble soit agréable dans le futur ». Et de citer en contre-exemple à ne pas copier, « les professeurs qui ne parlent que de leurs problèmes de profs, de leur monopole, sans jamais parler des enfants ».
Il rappelait que la France est le seul pays à avoir « construit notre modernité sur l’agriculture ». Pas en Allemagne, ni en Angleterre ou ailleurs. Cela vient, selon lui, du partage des terres en 1789, de l’agriculture familiale ensuite (« au moment où les autres pays mécanisaient avec des chevaux ») pour construire la société française sur le « modèle du paysan républicain ». Toujours selon lui, le Général De Gaulle a marqué un tournant politique, « détruisant 2,5 millions de fermes » depuis. Pour n’avoir aujourd’hui plus que 500.000 exploitations agricoles « sur le modèle technique et chimique qui a permis de rallonger la vie, supprimer l’angoisse alimentaire, réduit les maladies… ». « Sauf que depuis, vous avez évolué très vite sans que les politiques ne proposent grand chose ».
Et de voir émerger un « lobby urbain », une écologie proche de la nature des parcs en ville, où la beauté domine et classe les paysages, souhaitant protéger la terre agricole « même s’ils ne savent qu’en faire ».

Le renouvelable, c’est votre métier

« Vous vous êtes laissés piquer le discours écologique par les villes », regrettait-il. Pas faux quand on voit les émissions (TV, radio…) à charge fait à Paris intra-muros. Jean Viard invitait donc les agriculteurs à se réapproprier d’urgence cet « enjeux de société : la révolution écologique ». Ce sont les métiers du futur (captage du carbone, alimentation…) surtout autour des énergies renouvelables. « Le renouvelable, c’est votre métier ». « Votre métier a été réduit à l’alimentation alors que vos métiers sont tous en lien avec le durable », insistait-il.
Pour lui, le changement climatique va provoquer des déplacements de populations, d’animaux et de végétations « d’environ 200 km donc engendrant des déplacements humains de 500 km » au nord principalement. La priorité des priorités est dès lors de protéger les sols « plus importants que les paysans ». Et de conclure, « dans cette guerre climatique, il faut que vous nous garantissiez l’arme écologique. Le monde de la terre doit parler à la société et être l’enjeu central de la société ». L’ère de la révolution « des corps » - éduquer, soigner, divertir… - doit relaisser de la place à la Terre et ses travailleurs « réunis », tout simplement.