Nappes phréatiques
La sécheresse gagnerait-elle du terrain ?

Les premières restrictions des usages de l’eau commencent à être prises dans quelques départements français. Nos voisins européens ne sont pas épargnés de même que d’autres pays étrangers. Tour d’horizon de zones de sécheresse en France et dans le monde (lire sur Agri71.fr).

La sécheresse gagnerait-elle du terrain ?

La préfecture de la Drôme a appliqué, depuis le 14 avril, les premières restrictions des usages de l’eau tant pour les eaux de surface que pour les eaux souterraines. Il est ainsi interdit d’arroser les pelouses, espaces verts et sportifs de toute nature de 9 à 20 heures. Des tours d’eau sont mis en place pour l’irrigation des cultures agricoles. Il est interdit de remplir les piscines, etc. La Drôme suit de quelques jours les départements de Maine-et-Loire et de la Mayenne qui avaient été alertés, début avril de « la baisse précoce des cours d’eau et de la faible recharge des nappes d’eau souterraine ». Dans ces deux départements, les usages de l’eau ont également été limités dans des proportions plus ou moins équivalentes. Seule l’alerte en Mayenne a été levée pour les eaux souterraines mais maintenue pour le Maine-et-Loire. Le 14 avril, ce sont une partie des Deux-Sèvres, de la Vienne, de la Charente et de la Charente-Maritime qui ont été placés en alerte et même alerte renforcée dans certaines zones pour les eaux superficielles, rapporte le site Propluvia qui dépend du ministère de la Transition écologique. Au 19 avril, neuf départements - dont une partie du département de l’Ain voisin - étaient en restriction, c’est-à-dire au-delà de la vigilance et 25 arrêtés étaient en cours sur l’ensemble du territoire national.

« Nappes à surveiller »

Certes, les pluies assez fournies qui sont tombées vers le 12 avril - et les quelques millimètres cette semaine passée - ont permis d’atténuer le phénomène mais la crainte d’une sécheresse printanière pèse toujours sur l’ensemble du territoire français. L’inquiétude est réelle dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur qui n’a connu qu’un cumul de seulement 64 mm d’eau entre le 1er janvier et le 10 avril 2022. « Ce sont les 100 premiers jours de l’année les plus secs depuis 1959 », remarque la Chaine Météo qui ajoute que « le précédent record datait de 2005 avec 74 mm ». Dans certaines villes comme Marseille ou Toulon, le déficit hydrique atteint 85 % de la normale qui sur la période 1981-2010 était de 203 mm. Les Alpes-Maritimes sont en arrêté restriction depuis… début mars.

Le Bureau de recherche géologique et minière (BRGM) s’inquiète lui aussi de l’état des nappes phréatiques qui sont « à surveiller ». Selon le bulletin « situation de nappes » publié mi-avril « en février et mars 2022, la situation s’est rapidement dégradée et les pluies insuffisantes ont fortement impacté l’état des nappes. En avril, les tendances des nappes devraient être orientées à la baisse » indique-t-il.

Un peu partout ailleurs, les stocks jugés encore insuffisants pour garantir, à ce stade, un été sans « arrêté d’alerte renforcée » - limitant de 50 % les captages agricoles - voire sans « arrêté de crise » où les prélèvements d’eau se limitent à des usages prioritaires (santé, sécurité civile, etc.). Les récentes pluies pourraient-elles recharger les nappes et remettre en cause les arrêtés préfectoraux ? « Il faut attendre mi-mai », pronostique-t-on au BRGM.

Situation inquiétante

Chez nos voisins européens, l’Espagne et le Portugal n’ont pas été épargnés même si les précipitations des dernières semaines ont quelque peu atténué le phénomène dans certaines parties de la péninsule (Valence, Murcie…) avec des accumulations d’eau très importantes. Cependant, dans les bassins du tiers sud de l’Espagne (Guadalquivir, Guadiana) la sécheresse hydrologique et météorologique persiste, selon Javier M. Vide, professeur de géographie physique à l’université de Barcelone. Dans le pourtour méditerranéen, la Tunisie sort juste de cinq années de sévère sécheresse et le Maroc connaît sa plus grave sécheresse depuis 1981. La sécheresse qui frappe la Corne de l’Afrique serait la pire en près de 40 ans, selon l’ONU. Elle menace 13 millions d’individus en Éthiopie, au Kenya et en Somalie. En Éthiopie, plus de 200.000 têtes de bétail sont déjà mortes à cause de saisons des pluies inexistantes. Plus d’un million dans toute la Corne de l’Afrique. Outre-Atlantique, plus de la moitié du territoire des États-Unis (61 %) est actuellement en état de sécheresse. Les précipitations tombées sur la période janvier-mars sont si faibles dans l’ouest américain qu’elles approchent des niveaux records. Au Chili, la situation devient à ce point inquiétante que Claudio Orrego, le gouverneur de la capitale Santiago, a annoncé le 11 avril un plan de rationnement de l’eau.