Présence du loup en Saône-et-Loire
Ils ne criaient pas au loup sans raison

Cédric MICHELIN
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Le 23 juillet dernier au Pôle ovins à Charolles, la section ovine de la FDSEA et la commission ovine de la Chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire se sont réunies pour faire un point de conjoncture et notamment faire un premier bilan de la crise sanitaire liée au Covid-19 qui a été particulièrement difficile économiquement pour les éleveurs ovins. Après avoir alerté pendant des mois, voire des années, sur la présence du loup dans notre département, le 29 juillet, les services de l’Etat ont confirmé sa présence… dans le Charolais !

Ils ne criaient pas au loup sans raison
Source OFB 71 nuit du 26 au 27 juillet 2020.

Lors de ce conseil d’administration conjoint en quelque sorte, la coopérative Terre d’ovin était présente pour présenter sa gestion de la crise sanitaire liée au Covid-19. Suite à l’annonce du confinement, l’effet s’est tout de suite fait ressentir : seulement deux jours après, le marché s’est arrêté et la diminution des prix a commencé. A quelques jours de la plus importante fête pour la viande d’agneau, les cours avaient ainsi perdu près de 90 centimes avant Pâques. Il fallait donc agir vite et prendre des décisions difficiles. Terre d’ovin a alors encouragé ses adhérents qui le pouvaient, à rationner leurs animaux. Une décision qui malheureusement a entrainé des pertes pour les éleveurs qui ont eu du mal à faire reprendre leurs agneaux part la suite. Il en a été ainsi pour de nombreux agneaux qui étaient en pleine croissance et destinés aux familles célébrant Pâques. Autre effet pervers, après la fin de la période de rationnement, d’autres agneaux ont alors produit des poids de carcasse, cette fois, supérieur à ceux recherchés sur les marchés.
Le syndicalisme et les élus de toute la France se sont alors mobilisés pour sonner l’alerte et chercher des solutions d’urgences. Après Pâques, grâce à la campagne de communication de la profession sur le « manger français », et la diminution des importations en GMS (-29 % en avril), le marché a pu repartir. Terre d’ovin a essayé au maximum, de rechercher de nouveaux marchés plus locaux avec des agneaux dont le poids de carcasse était légèrement supérieur au marché classique (moins de 21 kg). Reste que ces marchés fragiles ne sont encore pas consolidés, et la coopérative met en garde les éleveurs qui souhaiteraient développer les agneaux lourds.


Présence du loup confirmée !

Depuis près d’un mois, les attaques s’étaient multipliées : au 23 juillet, 7 attaques étaient recensées par les éleveurs eux-même pour 25 animaux tués (dont 2 béliers) et 12 animaux blessés. Chien ou loup, l’incertitude persistait. L’Office Français de la Biodiversité (OFB) était venu réaliser des constats, et n’avait (n’a) pas encore publié les résultats.
Mercredi 29 juillet cependant, la Préfecture de Saône-et-Loire a confirmé la présence - non pas les attaques – d’un loup en Saône-et-Loire. Via un communiqué de presse, les services de l’Etat font le constat que « depuis le 25 juin, neuf troupeaux auraient été (sic) attaqués par un grand prédateur dans six communes du Charolais (Viry, Vendenesses-les-Charolles, Mornay, Marizy, Martigny-le-comte, Beaubery) ; 33 ovins auraient été tués et 13 blessés ».
« Ces différentes attaques ont fait l’objet d’un constat sur place par les agents de l’Office Français de la Biodiversité (OFB). Les caractéristiques de la prédation constatée n’ont pas permis de conclure de suite à la responsabilité du loup ni d’exclure celle de chiens errants. En effet, dans de nombreux cas, l’absence de consommation ou la nature des blessures n’étaient pas clairement caractéristiques de la prédation par un loup », expliquent les services de l’Etat dans un premier temps. C’est pourquoi « afin de lever ce doute, les agents de l’OFB ont installé plusieurs pièges photographiques, sur les lieux des attaques ». L’invention de Nicéphore Niepce semble plus utile et fiable puisque « les images recueillies dans la nuit de dimanche à lundi (26 au 27 juillet, NDLR) dernier sur l’un de ces pièges, conduisent après expertise, à confirmer de façon certaine la présence du loup ». Si c’est le même animal, ce dernier serait donc descendu presque de 180 km au sud-ouest dans le Charolais !


Rencontre le 13 août

Les attaques de loup à Barnay en 2019 et à Anost en 2020, avaient permis, après mobilisation de la profession agricole (Chambre d’Agriculture et FDSEA), de faire classer dans un premier temps le département en cercle 2 (sur les communes où la présence est avérée et leurs communes limitrophes), et en cercle 3 (front de colonisation du loup) sur les autres communes du département. Ce classement ouvre aux éleveurs des aides concernant l’acquisition de clôtures et parcs électrifiés (cercle 2), et l’acquisition et l’entretien de chiens de protection sur l’ensemble du département
La présence « épisodique », selon les services de l’Etat, du loup se confirme donc. La préfecture reconnaît toutefois que « cette nouvelle série d’attaques atteste cette fois de la présence du loup en Charolais ». Suite à ce constat, le préfet réunira, le 13 août prochain, la cellule de veille et de suivi du loup qu’il avait déjà mobilisée le 7 juin 2019 à la suite de l’attaque de Barnay.

Ils ne crient pas au loup sans raison

Le président de la section ovine, Alexandre Saunier - suivant ce dossier de longue date - a réagi « à ce coup dur pour l’élevage ovin » de Saône-et-Loire. Pour lui, la présence du loup dans notre département est encore « pire » qu’en zones de montagne : « Les mesures de protection ne sont pas adaptées à nos zones de plaines. Nos troupeaux ne sont pas regroupés comme en montagne mais répartis. On ne va pas choisir de protéger un seul lot. Ce serait donc des kilomètres de clôtures et des dizaines de chien par exploitation. Ce n’est pas réaliste, ni réalisable. Du coup, on se sent impuissant même s’il existe des financements. Nous sommes donc inquiets car le premier impact va être moral. Nous élevons des moutons et agneaux par passion. Chaque matin, on aura la crainte d’attaques. A la déprime se rajoutera la fatigue de courir après les bêtes apeurées. De plus, contrairement à un chien, on ne peut rien faire contre le loup qui est une espèce protégée. Des éleveurs risquent d’arrêter ce beau métier. Certes, les brebis tuées seront indemnisées mais quid de nos moutons charollais, voire de nos béliers à forte valeur génétique. C’est une bien maigre consolation à côté d’une vie à construire son troupeau. On va néanmoins demander à faire plus de tir d’effarouchement pour que ce jeune loup ne s’installe pas. Maintenant, la section ovine va expliquer et accompagner les éleveurs dans leurs démarches mais il faut se préparer à vivre avec le loup chez nous ».

Que faire en cas d’attaque(s) ?

En cas d’attaques, prenez tout de suite contact avec l’OFB au 03.80.29.42.50, et informez en la profession (Chambre d’Agriculture ou FDSEA). En attendant le constat, protégez, sans les déplacer, les cadavre d’animaux issus de la prédation, afin de préserver les éventuels traces ou indices laissés par le prédateur.
Une fiche réflexe en cas d’attaque de canidés/loup va être mis en place prochainement afin de vous aiguillez dans la procédure à suivre. De plus, une formation « bien accueillir un chien de protection dans son élevage» va être organisée le 13 novembre 2020. Pour plus d’informations, merci de contacter Laurent Solas au 03.85.29.55.59.
Dans son communiqué, la préfecture de Saône-et-Loire rappelle que « l’ensemble des services de l’État est particulièrement mobilisé et demeure attentif à l’évolution de la situation ainsi qu’à l’accompagnement des éleveurs concernés. Ceux-ci se verront indemnisés des pertes subies. Ils pourront également bénéficier des aides de l’État prévues pour répondre au besoin de protection en urgence des troupeaux ». Reste que le loup fait l’objet d’une protection stricte aux niveaux international, communautaire et national. « Le cadre d’intervention fixé par le plan national d’actions 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage, a pour objectif d’assurer à la fois la viabilité de l’espèce et la protection des troupeaux et des éleveurs ».
Les éleveurs dont les troupeaux subissent une attaque sont invités à également contacter la préfecture dans un délai maximal de 48 h après l’attaque (tél : 06.20.78.94.77. La procédure de constatation sur place par les agents spécialisés de l’OFB, et les dispositions à prendre par l’éleveur sont précisées sur le site internet des services de l’Etat : http://www.saone-et-loire.gouv.fr/article-en-cas-d-attaque-de-canide-a9379.html.

 

Vers une troisième année de sécheresse

Le tour de table des éleveurs présents a permis de faire le point sur les niveaux de récolte qui sont critiques dans certaines zones du département et une complémentation des animaux au pâturage qui a débuté depuis la fin juin dans le Clunisois et la Sologne Bourbonnaise. La situation est préoccupante et les prévisions météorologiques de ces prochains jours n’augurent rien de bon malheureusement...