Road trip scientifique
"De la terre à l'assiette" : un projet mêlant voyage et vulgarisation scientifique

Florence Bouville
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À tout juste 23 ans et son diplôme d’ingénieur agronome en poche, Mathys Hallet s’apprête à partir en voyage, pendant dix mois, pour découvrir et vulgariser certaines pratiques agricoles économes en eau, mises en place par des exploitations agricoles du Nord du bassin méditerranéen. Ce projet, nommé "De la terre à l’assiette", mêlera donc échanges humains, scientifiques, empiriques… Tout cela à bord d'un van, fraîchement aménagé. Départ prévu le 8 août !

"De la terre à l'assiette" : un projet mêlant voyage et vulgarisation scientifique
Le 4 juillet, à l'école primaire de Cheilly-lès-Maranges, Mathys Hallet, 23 ans, est intervenu pour présenter son projet "De la terre à l'assiette".

Il se sera presque écoulé un an, entre l’idée première du voyage et sa concrétisation. Ces derniers mois, Mathys a réglé tous les aspects techniques de son périple, recherché des subventions, fait connaître sa démarche sur les réseaux sociaux etc.

Dans la manière dont a été pensé "De la terre à l’assiette", on comprend rapidement qu’il s’agit d’un projet à deux volets. Avec d’une part, une dimension purement agricole et agronomique via la vulgarisation scientifique de pratiques. Et d’autre part, tout un travail de sensibilisation mené auprès d’élèves du Grand Chalon.

Du fait des conditions géopolitiques actuelles et de la situation aux frontières, Mathys a récemment dû revoir son parcours autour du bassin méditerranéen. Il ne traversera pas le Maghreb. Il remplacera ces haltes par le Portugal et rallongera la durée de son séjour en Sicile ainsi qu’en Espagne. Au programme donc, huit pays, neuf contrées : Italie, Slovénie, Croatie Monténégro, Albanie, Grèce, Sicile, Espagne et Portugal.

Échanges sur des pratiques économes en eau

L’objectif majeur de son voyage est d’aller à la découverte de régions touchées de longue date par les problématiques du dérèglement climatique et la crise de l’eau. Régions qui, face à cet enjeu crucial, ont développé, et développent divers moyens d’adaptation. Mathys se penchera sur toutes les productions végétales, aussi bien le maraîchage que les grandes cultures, en passant par l’arboriculture. Pour l’instant, il est davantage entré en contact avec des chercheurs, travaillant au sein de fermes pilotes. Les projets ciblés, axés sur la gestion durable de l’eau, porteront notamment sur les pratiques d’irrigation, l’utilisation d’OAD (Outils d’aide à la décision), les essais variétaux, les apports de matière organique dans le sol, le traitement des eaux et la Reut (Réutilisation des eaux usées traitées) etc. Le jeune homme a d’ailleurs déjà échangé avec des techniciens d’Alliance BFC. Ces derniers étudiant et modélisant, depuis des années, l’impact du changement climatique sur les surfaces en grandes cultures (voir notre article du 28 avril 2023).

Chez une partie des agriculteurs qu’il rencontrera, il a prévu de faire du woofing, afin de mettre la main à la pâte et de goûter les produits des exploitations. Occasion parfaite, également, de bien discuter des pratiques qu’il aura précédemment étudiées, tout en absorbant les savoirs empiriques de certains paysans. Cela donnera sûrement lieu à des débats plus larges, autour de la confrontation des systèmes agricoles.

Tout au long de son voyage, il filmera son environnement et ses rencontres. Il réalisera des vidéos témoignage et documentaires. Ces contenus seront quotidiennement publiés sur les réseaux sociaux et se destineront à toutes les générations. Grâce au suivi d’une formation de vidéaste à Paris il y a quelques mois, il a pu apprendre les bases du montage et acheter le matériel adéquat. Le nombre d’arrêts par pays (et donc de supports vidéo) variera, en fonction des fermes visitées et des opportunités obtenues une fois sur place.

En interaction avec des élèves du Grand Chalon

Le projet de Mathys a, depuis sa genèse, beaucoup évolué. Il y a néanmoins une chose qui n’a pas bougé : la volonté d’impliquer des scolaires, pour y intégrer une dimension pédagogique et sociale supplémentaire. Au total, grâce au soutien du pôle Éducation de l’agglomération et des professeurs, Mathys travaillera, en présentiel et à distance, avec cinq classes de primaire.

Chaque classe aura deux affiches à réaliser, mettant en valeur un aliment représentatif d’un pays (produit sous signe de qualité). Ces affiches, une fois terminées, seront placardées dans des mairies, et peut-être ailleurs. Ce travail aura ainsi pour but de couvrir l’ensemble de la chaîne de production : de la terre à l’assiette. Il permettra également d’aborder une partie des enjeux de la ressource en eau (cycle de la plante, empreinte hydrique…). Au moins une fois par mois, les élèves auront le plaisir d’échanger, en visio, avec Mathys. En plus du suivi de la confection des affiches, il leur livrera ses retours d’expérience, d’un point de vue humain.

Le 4 juillet, nous avons suivi Mathys, venu présenter son projet à des élèves de l’école de Cheilly-lès-Maranges. La maîtresse les avait en amont fait travailler sur des questions, toutes plus variées les unes que les autres. Les enfants ont très vite été captivés par son discours, illustré par quelques images. En sachant que plusieurs d’entre eux ont des parents viticulteurs. D’où une sensibilisation au monde agricole et au "maillon agriculteur" déjà acquise. Cela s’est fortement ressenti, au niveau de leur vocabulaire et de leurs connaissances agronomiques (ce qu’est une céréale, ce qu’on produit avec le lait, ce qui pousse dans tels arbres…). L’enseigne McDo n’a été citée qu’une seule fois, c’est vous dire ! Les enfants ont posé de nombreuses questions sur l’aménagement et l’équipement du fameux van (réservoir d’eau, douche portable, lit simple, frigo, toilettes sèches…), et sur la manière dont il allait subvenir à ses besoins. Et non, malheureusement, « il n’y aura pas la télé, confesse Mathys, mais je pourrai regarder dehors […] Toute la Méditerranée, ce sera mon salon », poursuit-il, déjà des étoiles dans les yeux. Autre inquiétude pour les écoliers : va-t-il croiser des animaux dangereux, tels que des serpents ou des scorpions ? « Je resterai à proximité des grandes villes » les a-t-il rassurés. En cas de pépin, il se garde la possibilité de dormir ailleurs que dans sa maison roulante. Pour ce qui est de la reconnaissance du chemin, il se servira bien sûr, à bord, d’un GPS, mais il se munira également de cartes papier. Mathys a conclu sa présentation, "mascotte chenille" dans les mains, pour le plus grand bonheur des élèves. Cette dernière fera partie du voyage et matérialisera le lien entre le groupe et lui.

Dès son retour…

Sans brûler toutes les étapes, Mathys a déjà planifié des temps forts, dès son retour en France, en mai 2024. À commencer par une visite de ferme locale, durant toute une matinée, en compagnie de chacune des classes qui l’auront suivi. Ici, l’idée est de mettre en pratique certaines notions théoriques et de leur montrer l’importance de la filière agricole saône-et-loirienne. « On a des choses sous les yeux auxquelles on ne prête pas forcément attention », soulignait simplement Mathys. Dans la continuité du lien qu’il aura construit, il aimerait également réunir tous les enfants pour une restitution commune des affiches réalisées, même s’ils sont d’âges différents. Toute autre ambiance, mais toute aussi digne d’intérêt : une soirée débat devant des élus du Grand Chalon ainsi que, si possible, le grand public. Le rendez-vous est déjà pris !

Finalement, le plus touchant est de voir que Mathys n’a pas encore la réponse à la question d’un élève de CP : « est-ce que tu es un aventurier ? ». Nous serions tentés de, d’ores et déjà, répondre oui. Cela montre aussi surtout que la jeune génération (d’agronomes, mais pas que), a soif de connaissances et ressent le besoin d’adopter une vision systémique de l’agriculture. La crise Covid aura certainement eu un impact sur toutes ces envies-là.

Suivez son voyage !

Pour accéder aux vidéos postées par Mathys, vous pouvez dès à présent le suivre sur Youtube : @AgroExplorer et sur Instagram : @agro_explorer. Et si vous souhaitez donner un coup de pouce à son voyage, une page de crowdfunding récapitulant l’ensemble du projet est disponible à l’adresse suivante : https://www.helloasso.com/associations/paroles-de-paysans/collectes/agro-explorer-projet-de-la-terre-a-l-assiette