Oenologie
ʺL’Aveinementʺ de l’aérateur connecté ?

Ariane Tilve
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Il en existe plusieurs modèles à des tarifs plus ou moins abordables et à l’utilisation plus ou moins simple. Nous avons choisi d’en tester un de la marque Aveine qui se veut être le haut de gamme d’un outil encore méconnu, qui ne fait pas l’unanimité.

ʺL’Aveinementʺ de l’aérateur connecté ?

Des vignerons au Vinipôle de Davayé en passant par quelques cavistes du cru, peu sont ceux qui ont déjà utilisé ces outils dont le fonctionnement se base sur la micro-oxygénation. En positionnant l’aérateur sur la bouteille, l’outil vous promet une aération précise et reproductible, « pour une expérience de dégustation inoubliable ». Le principe est simple : une petite quantité d’oxygène est injectée dans le vin. Cette technologie est inspirée des procédés médicaux utilisés pour oxygéner le sang lors de chirurgies cardiaques. Appliquée au vin, elle est censée faire des miracles, le communiqué de presse estime que « votre vin peut être servi aéré à la perfection, en vous passant d’une carafe ». Qu’en pense la presse professionnelle ? Le Guide Hachette des vins y voit « une réelle démocratisation de la dégustation. Tous les amateurs de vin peuvent à présent s’affranchir des connaissances techniques et gagner du temps à la préparation du vin, pour profiter d’une dégustation optimale ». En effet, après avoir scanné l’étiquette, l’aérateur adapte la durée d’aération idéale à chaque vin, qu’il aère directement à la sortie de la bouteille. Connecté à une application gratuite, l’aérateur peut calibrer instantanément l’aération par simple scan de l’étiquette de la bouteille. Si l’outil paraît utile aux novices, il se veut un outil de haute précision pour les connaisseurs. L’écran tactile intégré à l’aérateur permet un réglage depuis l’objet lui-même. Il est possible de personnaliser la durée d’aération selon vos préférences, et ce pour chaque verre, puisque le vin n’est aéré qu’à la sortie de la bouteille. Récompensé par un CES Innovation Award et un A’Design Award, cet outil fonctionne avec une application disponible sur App store et Play store dans une quarantaine de pays. La technologie brevetée d’Aveine permet de reproduire instantanément une aération allant d’une heure à 24 heures, avec précision.

Des aérateurs qui ne font pas l’unanimité

Produit de niche, vendu à un public averti, mais surtout urbain, pour la modique somme de 399 € en moyenne, l’aérateur connecté ne suscite pas l’intérêt de la plupart des cavistes et des acteurs du secteur viticole de Saône-et-Loire. La plupart des personnes que nous avons interrogées n’ont ni l’envie ni la curiosité de le tester, Jérôme Limonet, de l’agence d’œnotourisme Activinum à Givry, nous explique pourquoi. « Je n’ai jamais testé ce type d’outil, apparemment ʺprometteurʺ. Pour être sincère, je reste sceptique, non pas sur la réelle efficacité d’un tel système mais plutôt sur sa réelle nécessité. Il est d’accélérer l’aération d’un vin d’autres façons. Et pourquoi attendre vingt ans le vieillissement d’un vin pour ensuite n’avoir plus le temps de l’attendre à l’ouverture ? Son évolution en bouteille ne serait pas intéressante à suivre ». Par ailleurs le côté connecté a plutôt des relents de gadget pour certains qui estiment qu’une poignée de consommateurs estime devoir investir, non plus dans des bouteilles mais dans un jouet. Pour conclure, aucun critique ne semble mettre en doute l’efficacité.

Des vins de garde bus (trop) jeunes

C'est une phrase qui n'est pas passée inaperçue lors du dernier Vinosphère du BIVB en février. Les vins dits de "garde" bourguignons, qui ont donc la capacité à vieillir et exprimer leur optimum dans un certain temps, sont régulièrement bus avant cet "optimum". Il suffit d'aller à Beaune dans un bar ou un restaurant et voir les grands crus et domaines renommés pour être convaincu que des millésimes récents (2020, 2021) sont proposés et ne passeront pas la soirée. Et le phénomène s'accélère, y compris à l'étranger avec des clients asiatiques et américains très friands de technologies. Si l'aérateur de vin, connecté ou non, ne fait rien de moins que se que propose une carafe, à décanter ou non, l'objet technologique offre la "sensation" d'avoir le pouvoir de changer l'âge de son vin, instantanément, c'est sa promesse. En réalité, impossible de comparer ce que le même vin aurait donné à 3, 5 ou 10 ans, mais la variation organoleptique est bien là et les dégustateurs se prennent vite au jeu de déguster plusieurs fois le même vin à des "âges" différents, telle une dégustation horizontale... mais avec une seule bouteille. Une technologie à suivre donc pour voir si elle percera avec le temps, notamment dans des lieux d'influence, tels que les restaurants ou les cavistes. Les machines à conserver les vins sous atmosphère contrôlée étant déjà parvenues à s'imposer malgré des prix élevés.