Économie
Les startups, acteurs presque incontournables du secteur agricole

Les startups agricoles et agroalimentaires françaises ont connu une forte dynamique en 2022. C’est ce qu’affirme un rapport des sociétés Digital Food Lab et KPMG (spécialisées dans le conseil) et de l’association la Ferme digitale.

Les startups, acteurs presque incontournables du secteur agricole
La startup lilloise Sencrop commercialise un pluviomètre capable de collecter, directement depuis la parcelle les informations concernant le cumul de pluie, la température, le taux d’humidité et le point de rosée.

Au total, 46 startups françaises du secteur ont levé 668 millions d’euros sur l’année 2022, soit une progression de 242 % par rapport à 2021. Ces résultats placent ainsi l’Agritech et la Foodtech « au-dessus du niveau de performance des principaux secteurs de la Tech en France », assure le rapport. L’AgriTech domine largement les opérations conclues, avec une tendance forte pour la nutrition alternative, la digitalisation des opérations, l’approvisionnement et la marketplace, le financement et l’assurance, et les intrants alternatifs.

Apporter plus de précisions aux irriguants

Dans les autres catégories d’investissement, l’écosystème se caractérise plutôt par un foisonnement de petits acteurs ou par le décollage d’un seul leader. En matière d’irrigation, la startup Seabex, basée à Orléans (Loiret), a notamment travaillé avec la chambre d’agriculture départementale, afin de développer un outil d’aide à la décision (OAD) baptisé Netirrig.

En 2003, le conseiller à la chambre d’agriculture du Loiret, Thierry Bordin avait déjà à cœur la question de l’eau. « Lors de la canicule, nous avons remarqué que le bulletin de préconisation d’irrigation arrivait toujours trop tard ou trop tôt sur le terrain… Nous avons décidé de faire appel à un prestataire informatique en 2005 pour concevoir un OAD d’irrigation web, basé sur le bilan hydrique. » L’outil étant devenu obsolète en 2022, la chambre a établi un partenariat avec la jeune pousse. « Seabex héberge le moteur du calcul, tandis que je suis la caution agronomique et technique », ajoute le conseiller.

De l’arboriculture à la vigne en passant par les grandes cultures et les légumes de conserve, Netirrig suit désormais l’évolution de 35 espèces végétales sur 300 exploitations. Parmi ces dernières, figurent notamment la culture de noyers dans la Drôme et de salades au sein de la station d’expérimentation de Brindas (Rhône). Au premier semestre 2023, 22 départements avaient ainsi fait le choix de se doter de cet outil. à la suite de ce franc succès, la startup Seabex s’est vu attribuer le trophée de l’innovation au concours Green startup 2023, décerné en marge du Salon international de l’agriculture.

« Réaliser en moyenne 20 % d’économies d’eau »

L’objectif de Netirrig est de dresser un bilan hydrique au jour le jour en fonction de la culture, du sol et du climat. Afin d’être le plus précis possible, l’outil se base sur des estimations données par un ensemble de calculs (pluie actuelle, prévision ETP et pluie à 7 jours grâce à un partenariat avec l’expert en météorologie Weather Measures), ainsi que sur les connaissances de la chambre d’agriculture (sols, stades phénologiques, coefficients culturaux et sensibilité au stress hydrique). Il n’impose donc pas l’installation d’une station météorologique sur la parcelle et sa plateforme numérique est accessible depuis une application mobile. Chaque irriguant a ensuite accès à un suivi personnalisé du bilan hydrique et à des préconisations d’irrigation pour chacune des parcelles cultivées. « Son utilisation permet de réaliser en moyenne 20 % d’économies d’eau », assure Thierry Bordin. 

Dans le Loiret, 200 exploitants utilisent dorénavant quotidiennement Netirrig. Ils n’étaient pourtant qu’une vingtaine il y a 20 ans. Une évolution qui colle à l’augmentation du nombre d’abonnés depuis 2017 (+10 % par an) et qui peut s’expliquer par un prix attractif. L’abonnement coûte 250 euros par an et mesure jusqu’à sept parcelles. Selon le conseiller, cette somme serait remboursée dès le premier hectare de maïs mesuré.

L’âge d’or des stations météo connectées

L’augmentation des aléas climatiques oblige les producteurs à anticiper la météorologie. Une niche dans laquelle plusieurs startups se sont glissées depuis une dizaine d’années. Dès 2014, la startup Weenat, fondée à Nantes, a lancé la commercialisation d’une station météo et de capteurs agro-météo connectés à une application mobile. En 2016, c’était au tour de la startup lilloise, Sencrop, de proposer des microstations capables de mesurer la pluviométrie, la température de l’air, l’hygrométrie, la vitesse du vent et de détecter toute une batterie de maladies.

Depuis leur création, ces deux startups ne cessent d’annoncer le rachat de certaines structures et d’importantes levées de fonds. En 2021, Weenat a ainsi fait l’acquisition de Weather Measures, spécialiste de la météorologie spatialisée dans le secteur agricole et propriétaire de ses propres algorithmes de traitement de données multi-sources. En 2022, Sencrop a annoncé une levée de 18 millions de dollars pour « démocratiser l’agriculture de précision ».

Adepte d’OAD, le syndicat des fruits de Savoie a expérimenté les outils des deux startups. « Nous y trouvons une utilité puisque cela nous permet de suivre la population de ravageurs, tels que le carpocapse ou encore l’hoplocampe, qui n’existe que sur les pommiers et les poiriers », déclare Alice Delattre, conseillère arboriculture à la Chambre d’agriculture Savoie Mont-Blanc. Bien que tous les membres du syndicat n’aient pas fait le choix d’investir dans ces outils, la professionnelle ressent un réel engouement pour ces stations connectées. Avec le nouveau système assurantiel, les producteurs doivent fournir la preuve que le gel a touché leur parcelle. Dans ce contexte, détenir un historique précis du suivi de la pluviométrie et des températures devient un réel gain de temps et d’énergie.

Léa Rochon