EXCLU WEB : Luc Guyau : « Redonner espoir aux ruraux »

Le 29 septembre 1991, Luc Guyau était secrétaire général de la FNSEA. Il revient sur ce dimanche des Terres de France auquel il a participé comme de nombreux acteurs syndicaux et ruraux.

EXCLU WEB : Luc Guyau : « Redonner espoir aux ruraux »

Quels souvenirs avez-vous du Dimanche des Terres de France ?

Luc Guyau : Je souhaite tout d’abord rendre hommage à Raymond Lacombe qui a été à l’origine de cette grande manifestation. C’est un tour de force qu’il a réalisé. J’en garde le souvenir d’un rassemblement immense avec un accueil parisien très positif et chaleureux. Les premiers étaient arrivés à destination que les derniers n’avaient toujours pas pu partir. La foule était immense et il n’y a pas eu de débordement. Un conseiller du Premier ministre, Édith Cresson, a bien essayé de nous faire croire qu’il y avait quelques échauffourées et que nous en étions responsables. Mais ces soubresauts n’étaient que fictifs.

Dans son discours Raymond Lacombe disait : « La France a besoin de ses paysans, elle a besoin de ses terroirs, elle a besoin d’une agriculture forte dans un monde rural vivant ». Trente ans plus tard, ces paroles sont-elles toujours d’actualité ? 

LG : Bien entendu. Le 75e congrès de la FNSEA et son manifeste pour des ruralités vivantes le rappellent. Même si la ruralité et les personnes qui la composent ont changé au cours des trente dernières années, le fond du sujet reste le monde. La France rurale, ce sont des hommes, des produits, des territoires. Quant aux paysans, j’estime que ce sont des personnes qui vivent sur un territoire donné, le pays, et que cette population ne se limite pas aux seuls agriculteurs. Cela étant, s’il faut que les ruraux fassent preuve d’ouverture, il existe toujours un pourcentage minime de néoruraux qui n’ont pas les « codes », qui ne comprennent pas la ruralité et l’agriculture. Quand je vais en ville, je ne conteste pas la mise en place d’un feu rouge ici ou là. 

L’Union européenne et l’Etat français ont-ils vraiment compris les attentes du monde rural au cours de ces trois dernières décennies ? 

LG : Le souci majeur est que les territoires ruraux ne sont pas homogènes d’un pays à l’autre et au sein d’un même pays. Les aspects de la ruralité sont vécus différemment selon un Luxembourgeois, un Autrichien, un Finlandais ou un Français. De même, les problématiques sont différentes selon qu’on est en zone de plaine ou de montagne. C’est pourquoi, pour mieux tenir de ces différences, j’ai plaidé pour une Politique agricole territoriale et alimentaire communautaire, afin d’obliger tous les pays de l’Union à être concernés. Cette dimension territoriale reste modeste même au sein du 2e pilier de la PAC. 

Une charte du monde rural avait été signée à l’époque. Qu’est-elle devenue ? 

LG : Elle a permis d’alimenter le groupe monde rural et toutes ses actions depuis lors. C’est un groupe reconnu qui fédère les principaux acteurs et partenaires du monde rural (organisations professionnelles, réseaux associatifs, association d’élus locaux) autour de nombreux thèmes allant de l’économie à l’environnement et à la mobilité en passant par la fiscalité, le patrimoine ou encore le numérique. Depuis 2018, le GMR poursuit sa mission de défense de la ruralité en lien étroit avec l’Association nationale nouvelles ruralités (ANNR) qu’il a rejoint dès sa création. C’est aussi une manière concrète de faire vivre cette Charte de 1991. 

Quel serait, 30 ans après ce Dimanche des Terres de France, la priorité pour revitaliser les zones rurales ?

LG : Il faut, je pense, redonner espoir aux ruraux pour leur permettre d’améliorer leurs conditions de vie et pour donner aux agriculteurs des revenus satisfaisants. Il importe aussi que la société de demain s’adapte juridiquement aux réalités du terrain. Oui, le coq chante et les cloches sonnent. Les vrais ruraux ne s’en plaignent pas. Je précise que beaucoup de maires ruraux veillent à ce que les cloches des églises ne sonnent pas la nuit