EXCLU WEB / Le lait cru sort de sa posture défensive

Un colloque organisé par le Cnaol, l’Inao et l’Inrae sur les fromages au lait cru a mis en avant la nécessité d’une approche globale « du pré à l’assiette ». Si l’exigence sanitaire reste au cœur des préoccupations, la recherche démontre de plus en plus les bénéfices pour la santé de ces spécialités. 

EXCLU WEB / Le lait cru sort de sa posture défensive

Des producteurs fermiers, des transformateurs, des chercheurs et des représentants de l’administration, soit près de 500 personnes, se sont retrouvés à Aurillac (Cantal) les 16 et 17 novembre autour du lait cru. Cela sans compter le public venu assister à la retransmission des débats dans 18 autres lieux en France. Preuve s’il en est que les fromages au lait cru, emblèmes du patrimoine gastronomique français, passionnent toujours. Les Français sont bel et bien « fondus » de fromage, surtout avec la demande croissante de « naturalité » du consommateur. « Sur les 51 appellations d’origine protégées laitières, 28 sont exclusivement au lait cru et 18 acceptent un traitement thermique pour une partie de leur production », a rappelé Hubert Dubien, le président de la Fourme de Montbrison, et actuel président du CNAOL, le Conseil national des appellations d’origine laitières. « Les fromages au lait cru représentent ainsi les trois quarts des plus de 200 000 tonnes produites chaque année sous AOP. »

Pression sanitaire

La principale préoccupation des 53 000 personnes engagées dans cette filière est bien évidemment le risque sanitaire. Eric Chevalier, membre du Cnaol pour le Bleu de Gex, et président du RMT fromages de terroirs, un organisme dédié à la recherche pour accompagner les exploitations, a rappelé la vigilance nécessaire des fabricants de fromages au lait cru et le « désarroi qui s’abat sur eux en cas de problèmes sanitaires », reprochant « les admonestations de l’administration qui créent des tensions en cas de crise ». Chaque année, 6 000 contrôles sont réalisés, qui représentent 16 % du prix de revient en tenant compte de la destruction des lots contaminés. Malgré ces précautions et cette vigilance Laurent Guillier, de l’Anses, a indiqué que les maladies d’origine alimentaires sont responsables de près de 20 000 hospitalisations en France chaque année et responsables de près de 300 décès. Responsables, les salmonelles, les listera et l’escherichia coli. Mais celles-ci peuvent se trouver aussi bien dans le lait cru que dans le lait pasteurisé ou même les poudres de lait.

Le tournant microbien 

Mais contre toute attente, les choses évoluent. Les chercheurs du « RMT Fromages de terroirs » considèrent, en reprenant une thèse d’anthropologues américains, que nous entrons dans l’ère du « tournant microbien ». Les microbes sont passés « du statut d’ennemis à combattre à celui d’alliés avec lesquels il faut composer. » C’est l’un des aspects de cette « approche globale ». La flore microbienne apporte la typicité et le goût, rendant chaque fromage de terroir différent d’une AOP à l’autre, voire d’une exploitation à l’autre. Mais elle a d’autres avantages. Philippe Mauguin, le président de l’Inrae, a confirmé ce renversement de tendances. « On a trop regardé les risques sanitaires et pas assez les bénéfices pour la santé. Le microbiote intestinal joue un rôle dans la prévention des allergies et de certaines maladies, » a-t-il déclaré. Ces flux microbiens, de la prairie au lait de la vache jusqu’au tube digestif des consommateurs « constituent un sujet de recherche passionnant pour les chercheurs de l’Inrae » a-t-il poursuivi, avant d’énoncer les recherches en cours. La recherche est plus que jamais indispensable dans ce domaine des flores microbiennes et les avancées sont considérables mais une approche globale, à chaque étape de la chaîne de fabrication a son importance dans la réduction des risques. Carole Ly, directrice de l’Inao, l’institut national des appellations d’origine, a ainsi mentionné les points de vigilance, notamment en amont de la production : « l’équilibre des rations, l’humidité des fourrages, les races productives plus fragiles, la charge de travail de l’éleveur qui parfois peut influer sur les soins portés aux animaux. »