Les agriculteurs ont promis de ne rien lâcher tant qu’ils n’obtiendront pas des mesures concrètes. Après les annonces du 26 janvier, les agriculteurs déçus ont décidé d’intensifier la mobilisation en assiégeant Paris et en mettant en tenaille Lyon et Clermont-Ferrand. Le point sur les revendications et les annonces de Gabriel Attal du mardi 30 janvier.
Sur la M6 à l’entrée nord de Lyon, alors que les agriculteurs tiennent un barrage depuis 24 heures et que la FDSEA a décidé de tenir son congrès en plein air, Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, l’affirme « les réseaux FNSEA et Jeunes agriculteurs ne lâcheront rien », en attendant les annonces du gouvernement qui devaient être faites l’après-midi même. Selon Arnaud Rousseau, le combat s’orchestre autour de trois piliers. La dignité du métier en premier lieu. « Cette crise est une crise morale. Nous voulons vivre de notre métier et ne plus être pris pour des bandits », clame-t-il. La rémunération est en effet le moteur de cette mobilisation d’envergure qui dépasse les seules frontières hexagonales. Pour le président du syndicat majoritaire, il est clair que la loi d’orientation agricole et d’avenir (LOAA) doit être densifiée en imposant notamment des réciprocités de normes pour les produits pénétrant sur le sol français. Il est en effet hors de question pour Arnaud Rousseau de fermer la France. Enfin, il est urgent que les consommateurs aussi prennent leur part de responsabilité et soient prêts à payer. Le troisième pilier concerne la simplification de la pratique quotidienne des agriculteurs. Si les normes sont indispensables, « la surtransposition » n’est quant à elle « pas tenable ». Quant à l’écologie, Arnaud Rousseau rejette « l’écologie punitive » rappelant que les agriculteurs sont proches de l’environnement. « On ne peut pas être agriculteur sans se soucier de son milieu, de son sol et de ses animaux. Nous ne supportons plus les leçons de ceux qui ne font pas notre métier », affirme le président de la FNSEA.
Des mesurettes
Quelques heures plus tard, les annonces (voir encadré) sonnent creux aux oreilles des agriculteurs mobilisés en masse. C’est par un titre de communiqué de presse retourné, symbole de la mobilisation des agriculteurs qui s’est étendue à toute la France ces dernières semaines, que la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes interpelle le président de la République : « Monsieur le Président, notre belle France marche encore sur la tête ! La mobilisation continue plus forte que jamais ! » Le premier discours de Gabriel Attal en tant que Premier ministre n’a pas convaincu les agriculteurs aurhalpins. « Ses annonces sont trop éloignées des attentes des agriculteurs. La mobilisation continue avec une extrême détermination », affirme la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes. De son côté, la FNSEA appelle à poursuivre la mobilisation. « Ce sont des mesurettes, répète Christophe Chambon, secrétaire général adjoint de la FNSEA, qui reconnaît l’avancée du GNR. Ce sont des effets d’annonce, nous avons besoin d’explications claires. » Il déplore que l’élevage soit le grand oublié. En effet, selon lui, les promesses faites lors du Sommet de l’élevage ne sont pas tenues. Sur le plan de la prédation, le compte n’y est pas non plus. Alors, lundi 29 janvier, Christophe Chambon est formel : « Nous devons rester unis et porter nos revendications d’une seule voix. Ils manquent encore beaucoup de choses. Nous sommes sur un mouvement historique et n’avons jamais eu autant de soutiens de la population qu’aujourd’hui ».
« Il doit y avoir une exception agricole française »
Alors que la grogne du monde agricole se poursuivait ce mardi 30 janvier partout en France, le Premier ministre donnait devant l’Assemblée nationale son discours de politique générale en milieu d’après-midi. Concernant l’agriculture, il a réaffirmé que « l’agriculture est une force, un fondement de notre identité par notamment les valeurs qu’elle porte. […] Il faut une exception agricole française. L’agriculture doute et attend des réponses et des solutions. Nous serons au rendez-vous sans ambiguïté ». Il a affiché la volonté du « réarmement agricole ». Il s’est également dit conscient de l’ampleur de la tâche à accomplir. La débureaucratisation de la France est par ailleurs une volonté affichée du Premier ministre qui a rappelé les dix premières normes supprimées annoncées lors de son intervention du 26 janvier avant d’indiquer que d’autres normes pourront être supprimées après un dialogue en local avec les préfectures. Au-delà de réaffirmer les annonces faites le 26 janvier et de les préciser parfois, le Premier ministre a indiqué que la reconduction de la jachère était sur le point d’être obtenue. Des annonces devraient être faites dans les prochains jours. Un discours qui ne séduit pas les agriculteurs sur les blocages. « C’est encore de belles paroles qui affirment que l’on nous aime. Nous avons le sentiment de tourner un peu en rond », déplore Jocelyn Dubost, président de Jeunes agriculteurs Auvergne-Rhône-Alpes sur le barrage de Villefranche-sur-Saône. À Pierre Bénite, Michel Joux, président de la FRSEA reconnaît qu’il peut être séduisant pour le grand public mais ne convainc pas les agriculteurs. « Nous voulons un pacte de confiance pour l’agriculture et des annonces précises et concrètes. » Alors la détermination, en ce mardi soir, reste intacte. « Nous resterons en blocage tant que nous n’aurons pas obtenu de réponses. Nous espérons que nous les obtiendrons très rapidement car l’agacement grandit », affirme Christophe Chambon sur l’un des blocages parisiens. À Jocelyn Dubost de conclure : « Nous devons continuer à tenir nos positions ! »
Marie-Cécile Seigle-Buyat
Annonces du Premier ministre le 26 janvier et le 30 janvier
- GNR : fin de la hausse de la taxe et remise sur la TICPE directement sur la facture.
- Dix mesures de simplification « immédiates ». D’autres mesures pourront être simplifiées à l’échelon local.
- Réduction de neuf à deux mois pour une demande de curage.
- Un contrôle administratif annuel « unique », sous la responsabilité des préfets.
- Haies agricoles : le passage de 14 à une seule et unique réglementation.
- Application de la loi Égalim : annonce de trois sanctions « très lourdes » contre des entreprises « importantes » et reversement des sommes à l’agriculture.
- L'accélération du versement des aides d'urgence pour les agriculteurs. Les aides Pac devraient être versées d’ici la mi-mars. L’État travaillera avec les Régions pour un versement des aides aux jeunes agriculteurs plus rapides.
- Aide d'urgence à la bio : nouvelle enveloppe de 50 millions d'euros
- Création d'un plan de soutien à la viticulture : le ministre de l'Agriculture apportera des précisions la semaine prochaine.
- Opposition à la signature de l'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur.
- Renouvellement des générations : pas d'annonce mais des mesures dans le projet de loi d'orientation.
- Ouverture du guichet unique pour les aides MHE le 5 février.