Assemblée générale de la FDSEA de Saône-et-Loire
Les prix vont exploser, craignent les responsables européens, Arnaud Danjean et Arnaud Rousseau

Cédric MICHELIN
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Le 25 mars à Charolles, près de 200 personnes ont assisté à l’assemblée générale de la FDSEA qui fera date du fait du moment "historique" présent. À l’heure du retour de la guerre en Europe et d’une sortie de crise Covid faisant déjà bondir les charges, la FDSEA de Saône-et-Loire rappelait la nécessité du collectif face à de tels chocs. Un collectif qui vaut pour nombre de sujets abordés… mais aussi pour préparer l’avenir du renouvellement des générations ou le chantier de la communication positive (dans notre prochaine édition).

Les prix vont exploser, craignent les responsables européens, Arnaud Danjean et Arnaud Rousseau

Après les rapports des présidents de sections et des secrétaires généraux (lire encadré), le président de la FDSEA de Saône-et-Loire, Christian Bajard donnait la parole au député européen, Arnaud Danjean pour analyser la situation de la guerre en Ukraine. Pour ce spécialiste de la défense et des armées, cette guerre « aux portes de l’Europe est une vraie rupture. Nous entrons en terres inconnues. Personne ne peut dire ce qui va se passer avec un conflit d’une telle ampleur, qui n’est pas seulement qu’une guerre », mais bien un bouleversement géopolitique profond qui aura des répercussions sur « les paramètres économiques, alimentaires, énergétiques, monétaires… ». Et tout cela « dépend des décisions d’un seul homme sans que personne ne sache ce qu’il pense », lâchait-il, pour souligner encore un peu plus l’incertitude dans lequel le monde est plongé avec Vladimir Poutine.
Restent des fondamentaux connus, pour lui qui a bien connu la guerre de Yougoslavie avec déjà « le drame de millions de réfugiés », la guerre remettant au centre des préoccupations prioritaires l’agriculture, qui redevient « stratégique par nature ». Si les médias et les candidats à la Présidentielle ne parlent que du prix de l’énergie et du pouvoir d’achat, Arnaud Danjean prévenait : « l’agriculture produit pour nourrir, le reste est optionnel », ramenant ainsi l’Europe 70 ans en arrière, à l’époque de la première Pac. Et le député européen de critiquer vertement le Green Deal européen, lui qui a voté contre à l’opposé de son groupe politique donc, entre autres. « La Pac 2023 s’est vue, pour la première fois de son histoire, complétée pour la chapeauter avec le Farm to Fork […] d’idéologies à bien des égards. Ce texte est déjà caduc puisque la Commission semble avoir pris la mesure de son impasse », alors qu’elle avait « caché certaines études d’impact avec des baisses de productions agricoles de l’ordre de 13 à 15 % en Europe », sous la pression des « lobbys environnementalistes à Bruxelles plus puissants que ceux agricoles, bien qu’ils fassent croire aux médias le contraire », taclait-il dans un discours plein de franchise.

« Fin de la naïveté »

La guerre en Ukraine a révélé le pot aux roses et la Commission, craignant maintenant les manques avec les sanctions russes, a effectué une « révision drastique » en urgence. Arnaud Danjean invitait donc à « revenir à l’essentiel et se battre pour l’autonomie alimentaire », en « desserrant les contraintes de production ». Et le député de conclure : « l’Europe n’avait pas anticipé le pire. Il faut s’y préparer. Poutine n’est pas fou, il n’a pas la même rationalité que nous », mais lui avait tout planifié.
Pour le premier vice-président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, pour la France et l’Europe, cela signifie la « fin de la naïveté ». Une naïveté qui se paye au prix fort pour l’agriculture française : « un milliard d’€ par an » déjà à cause des sanctions contre la Russie depuis son annexion de la Crimée en 2014. Alors que dans le même temps, la Russie a accru ses capacités avec une « vraie stratégie » agricole.
Si Arnaud Rousseau est d’accord avec Arnaud Danjean sur le fait de « ré-armer » l’agriculture européenne, il rappelait néanmoins que « la FNSEA n’est pas opposée à l’écologie mais opposée à la décroissance agricole » larvée dans le Green Deal qu’avait dénoncé la Copa-Cogeca. « Qu’on arrête de nous cataloguer comme de vilains productivistes, à la FNSEA nous avons le bon sens de la responsabilité » car conscients des atouts de la France par rapport à d’autres, notamment les pays du pourtour méditerranéen. « Nous sommes une solution pour le climat et en capacité d’exporter », y compris notre modèle démocratique, exhortait-il.
Avec son statut de président du groupe Avril, coopérative en pointe sur les protéines végétales, et alors qu’il a multiplié et recommence déjà à négocier avec les grandes chaînes de distribution françaises, Arnaud Rousseau constate un changement important de discours. « Même si les loyers sont le premier poste de dépense en France, l’alimentation va exploser au visage des 50 % de Français, et pas que, qui n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois ». Arnaud Rousseau l’assure, « les GMS ont bien compris que le vrai sujet à venir est l’enjeu de l’approvisionnement en produits. Pas uniquement les prix. On passe actuellement des niveaux de hausse de prix jamais vus si on est en capacité de garantir des volumes ».

Loin de s’en réjouir, il s’en inquiète. Ces hausses n’étant finalement que le reflet d’une partie des hausses des charges de production avec en plus demain, la crainte de voir de nombreuses filières de qualité françaises déstabilisées. Au niveau français comme européen, certains élus évoquent déjà un recours possible aux « chèques alimentaires », après les chèques énergies. Ce qui ne sera pas bon signe pour toutes les filières bourguignonnes.

Ils ont dit...

Ils ont dit...

« La peur de multiples Brexit a maintenu l’unité des 27 pays lors de la réforme de la Pac mais en rajoutant Climat et Biodiversité dedans. On sort enfin de la Pac 1992 voulant le moins cher aux consommateurs. On se tourne vers des justes prix rémunérateurs aux producteurs. À la FRSEA, de longs débats posés ont permis de converger ». Luc Jeannin, secrétaire général.

« Cela fait 20 ans que l’agriculture se fait attaquer jusqu’à entendre dire : on vous empêche de travailler, c’est pour votre bien si on vous tue ! C’est l’exemple des zones vulnérables. Pourtant, on n’a jamais dit vouloir polluer, au contraire, nous sommes force de propositions et de solutions. Mais, on ne nous écoute pas. Résultat, ça pète à la Dreal le 7 avril. On a ainsi réussi à déclasser 169 communes en Saône-et-Loire, 400 en tête de bassin. Maintenant, c’est nous qui attaquons et on ira aux contentieux ». Benoît Regnault, secrétaire général FDSEA 71.

« La loi Sempastous est un premier pas pour avoir une vision des transferts de parts sociales. Le rôle des Safer est renforcé même si on voulait une grande loi foncière. Le Schéma des structures a également été réécrit et il évolue pour bien le caler. Tout ceci nous donne une meilleure vision pour installer ». Jean-François Lacroix, secrétaire général FDSEA 71.

« La loi ÉGAlim 1 n’a pas porté ses fruits dans le secteur de la viande bovine car elle n’a pas été appliquée, à commencer par les GMS et tous après se sont défilés lorsqu’il fallait prendre en compte nos coûts de production. ÉGAlim 2 nous permet d’arrêter d’être la variable d’ajustement de la filière. La décapitalisation – laitier et allaitant - est forte et le découragement grandi à force de nous laisser des miettes. La contractualisation doit permettre une meilleure répartition de la valeur ajoutée. C’est un changement complet du mode de fixation des prix. Cela fait peur, à moi le premier, mais quand on réfléchit, c’est à nous éleveurs de proposer un contrat pour faire pression. C’est à nous éleveurs d’imposer la non négociabilité de nos coûts de production. C’est ensuite à chaque maillon de mettre ses coûts et charges ». Michel Joly, section bovine, FRB.

« Charte des bonnes pratiques en 2016, charte transposée en 2019 en rajoutant les lieux d’habitation, Charte ZNT en 2020 avec la signature du préfet, et en 2021 pourtant un avis défavorable du Conseil d’État ! Tant que des extrémistes écologistes, avec l’aide de nos impôts, dicteront les lois, alors le risque agricole restera grand de voir des interdictions sans solution. Nous, on améliore nos pratiques, on travaille avec les maires, on prévient les riverains… Et les écolos, pendant ce temps-là,  pensent ne pas polluer parce qu’ils mangent du lait de tofu et des steaks de soja ». Patrice Fortune, président UV71.

« On arrive aux limites technico-économiques de ce que savent faire les agriculteurs, surtout depuis les hausses de charges liées à l’Ukraine. Se repose vite la question de refaire passer des hausses à l’aval. On voit que c’est compliqué, même en lait bio déclassé et mal payé ». Stéphane Convert, président section laitière.