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La reconversion en agriculture attire de nouveaux profils

La diversité des métiers agricoles attire de nombreux salariés en quête d’une reconversion professionnelle. Une tendance qui s’est accentuée depuis la crise de la Covid-19, mais qui ne doit pas faire oublier qu’être agriculteur, cela ne s’improvise pas.

La reconversion en agriculture attire de nouveaux profils
Après avoir cogéré la ferme d’Agro Paris Tech, Pierre-Henri Pomport a décidé de quitter ses fonctions pour revenir à la ferme familiale, dans la Loire.

« Tout plaquer et partir élever des brebis à la campagne. » Prononcer cette phrase en face d’agriculteurs peut parfois provoquer des rictus. Pourtant, nombreux sont ceux qui, après une longue réflexion ou une étape clé de leur vie, décident de se lancer dans l’élevage ou le maraîchage et ne regrettent en rien leur choix. Ce fut notamment le cas Vincent Galliot, ancien chef de projet dans l’informatique, installé depuis 2017 en maraîchage à Collonges-au-Mont-d’Or, aux portes de Lyon, dans le Rhône.

De l’informatique au maraîchage

« Mon licenciement m’a fait me remettre en question, je voulais travailler en extérieur, relate-t-il. Le suivi animal me paraissait compliqué, donc je me suis tourné vers le végétal, d’autant plus que je trouvais qu’il y avait un manque de production de légumes bio. » En 2015, l’ancien informaticien a entamé un brevet professionnel responsable d’entreprise agricole. Son diplôme en poche, s’est posé la question du terrain à exploiter. Au fur et à mesure de ses recherches, le quinquagénaire a réussi à louer 2,3 ha. Dorénavant, ses légumes se vendent à la ferme, en magasins bio et en ligne et se retrouvent aussi à la table du chef Christian Têtedoie. « Le fait que je cultive des variétés anciennes l’a particulièrement intéressé », détaille celui qui fait également partie du centre de ressources de botanique appliquée, dans le Rhône. Une mécanique bien rodée, mais qui n’empêche pas le maraîcher d’admettre que la paie ne suit pas encore tout à fait. « Deux mille euros sur l’année, ce n’est pas un salaire, mais c’est un choix : je préfère garder de la trésorerie. Et puis je n’ai pratiquement plus de gros investissements prévus, hormis un véhicule à changer. Il y a aussi le fait que je suis propriétaire de mon lieu de vie et que mes enfants sont déjà grands. »

Ingrid Ruillat, véritable couteau suisse

À quelques kilomètres de là, Ingrid Ruillat a aussi fait le choix de changer radicalement de vie professionnelle. Véritable couteau suisse, cette dernière a accompagné des repreneurs d’entreprises, a travaillé dans l’événementiel, à la chambre de commerce et a géré pendant quelques années l’agenda du cardinal-archevêque de Lyon. Un CV long comme le bras qui lui a permis de développer une compétence indispensable à son nouveau métier de maraîchère : l’organisation. « Quand on est au champ, il faut s’occuper de la partie commerciale, mais aussi gérer tel ou tel légume qui n’a pas mûri assez vite et lui trouver un débouché, on pense à la fois au présent, et au futur, détaille-t-elle, en plein travail extérieur. Dans mes autres métiers, il fallait vite comprendre les demandes et être rapidement dans l’action » Originaire de Sainte-Consorce (Rhône), Ingrid Ruillat a pu récupérer des terrains familiaux pour installer son exploitation. « Un levier de facilitation », admet-elle. Son bac professionnel conduite et gestion de l’entreprise agricole (CGEA) obtenu, elle s’est lancée en 2018. « Tous les voyants étaient au vert, il n’y avait aucun frein pour que je m’installe ! »

Revenir dans la Loire 

Pierre-Henri Pomport n’a pas vraiment suivi le parcours d’installation traditionnel. À 33 ans, ce Ligérien diplômé d’Agro Paris Tech se prédestinait plutôt à une longue carrière en tant que technicien laitier. Après cinq ans passés à la ferme de l’école, en tant que cogérant de la structure, l’envie de revenir sur ses terres natales se fait de plus en plus forte. « J’ai toujours voulu revenir dans la Loire, mon père avait une ferme et il fallait préparer la suite pour être à deux », déclare-t-il, avec dynamisme. En mai 2021, le trentenaire s’est installé sur l’exploitation paternelle, composée de 250 à 300 allaitantes. Le jeune homme en est persuadé : ses sept années d’expérience dans le secteur laitier lui ont permis de ramener une certaine ouverture d’esprit sur le troupeau. Ses principaux projets ? Développer le pâturage tournant, rénover ses prairies et passer de 36 à 30 mois de vêlage pour ses génisses d’ici un an. « Le plus compliqué à présent, c’est de voir moins de monde, confie-t-il. À la ferme de l’école, nous étions trente personnes avec beaucoup de choses différentes à faire : de la transformation, de la culture, de l’expérimentation… Nous passions toujours d’un sujet à l’autre ! » Un manque que Pierre-Henri Pomport a rapidement décidé de combler en s’impliquant activement dans le réseau Jeunes agriculteurs de la Loire.

Léa Rochon

 

Véritable couteau suisse, Ingrid Ruillat a exercé de nombreux métiers différents, comme la gestion de l’agenda du cardinal-archevêque de Lyon, avant de s’installer en maraîchage, dans le Rhône. ©Charlotte Favarel
Ancien chef de projet informatique, Vincent Galliot produit dorénavant des légumes qui se retrouvent à la carte du chef Christian Têtedoie. ©Félix Ledru