Gel de printemps en viticulture
La Région prête à aider... en fonction de ce que fera l'Etat

Après le Jura, c'est dans le vignoble de Côte-d'Or que la présidente du Conseil régional de Bourgogne Franche-Comté, Marie-Guite Dufay, est venue constater les dégâts du gel de début avril. À Monthelie, l'élue a rappelé que l'aide que pourrait apporter sa collectivité doit être complémentaire de celle de l'Etat.

La Région prête à aider...  en fonction de ce que fera l'Etat
La présidente du Conseil régional de Bourgogne Franche-Comté s'est rendue sur deux parcelles du domaine Dubuet-Monthelie, dirigé par David Dubuet (à droite).

« La vigne était à un stade moins avancé qu'en 2016, mais le coup de gel a été beaucoup plus violent... ». David Dubuet décrit ainsi ce qu'il a vécu, entre le 5 et le 8 avril, lors de ces nuits blanches, dans tous les sens du terme, où la vigne a été prise par le gel, et même par la neige. Si le viticulteur de Monthelie, au sud-ouest de Beaune, fait référence à 2016, c'est parce que cette année-là fut aussi marquée par un gel en avril, mais pas dans les mêmes proportions. C'est pour mieux se rendre compte de l'ampleur des dégâts générés pendant ces nuits éprouvantes que  Marie-Guite Dufay, la présidente du Conseil régional de Bourgogne Franche-Comté (BFC), s'est rendue, le 21 avril, au domaine Dubuet-Monthelie. Elle avait fait de même quelques jours auparavant dans le Revermont, zone viticole du Jura, très durement touchée également. 

Du gel et un froid qui se prolonge...


À Monthelie, la présidente était accueillie par Thiébault Huber, président de la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne (CAVB). Le domaine Dubuet-Monthelie illustre assez bien la réalité du vignoble côte-d'orien. Sur près de 8 hectares (Monthelie, Auxey-Duresses, Beaune, Savigny-lès-Beaune, Pernand-Vergelesses), David, et son épouse, Aurélie, ont constaté des proportions de bourgeons gâtés par le gel qui vont de 50 % à 95 %. « De plus, précise David Dubuet, il y a eu les trois nuits de gel, mais on a eu du froid ensuite, pendant une bonne semaine, même si ce n'était pas aussi violent. Cela a stressé la vigne... » « Elle est crispée et la production s'en ressentira forcément » ajoute Thiébault Huber. L'urgence du moment, c'est l'aide à apporter aux producteurs dont certains se demandent si faire une récolte vaudra le coup sur un plan économique. Pour Marie-Guite Dufay, la Région ne peut évidemment pas tout : « J'attends de voir ce que l'Etat veut faire pour, ensuite, définir ce que nous pouvons apporter en complément, à notre niveau. Mais il y a une vraie prise de conscience, au niveau national, de la gravité de ce qui vous atteint ». Une prise de conscience qui satisfait le président de la CAVB mais qui ne l'empêche pas de déplorer, par ailleurs, que ce même État se désengage du Plan national dépérissement du vignoble. « C'est un gros problème, alors qu'on est au cœur de la problématique de l'adaptation de nos vignobles au changement climatique... Il faut une réflexion sur l'évolution de nos modes de travail en profondeur ».

Surcroît de travail


Marie-Guite Dufay n'a pas manqué de rappeler l'implication financière de la Région dans un travail d'étude destiné à faire progresser les vignobles de BFC, qui portera ses fruits à moyen terme. « Mais, ajoutait-elle, pour ce qui est d'un éventuel soutien financier face à l'urgence du moment, nous ne pourrons en débattre que lorsque nous aurons une vision claire de ce que veut faire l'État, afin d'intervenir en complémentarité ». En attendant, David Dubuet sait déjà que, parmi les conséquences du gel, un surcroît de travail va s'imposer : « Nous allons avoir un mois très chargé. Face au risque de manque de raisin lié au gel des bourgeons primaires, on laisse plus de branches. Mais, derrière, le travail à fournir sera énorme... On va consacrer beaucoup plus de temps au relevage des fils et à l'accolage (acte d'attacher les sarments de vignes à des piquets NDLR). Il y aura des coûts de main d'oeuvre supplémentaires ». « En temps normal, ajoute Thiébault Huber, sur mai et juin, en Bourgogne, nous employons entre 8.000 et 10.000 occasionnels pour ce travail mais là, je ne suis pas sûr que les viticulteurs prennent le risque d'embaucher, face à l'inconnue qui pèse sur les prochaines vendanges. Pourtant, les besoins seront là... Et il y aura aussi des effets l'an prochain, parce que la taille après une année de gel prend beaucoup plus de temps. Il y a aussi le risque de devoir arracher des parcelles qui auraient trop souffert du gel et qui ne s'en remettront pas. La démarche de calamité agricole sera importante à mettre en œuvre ». Dans de telles circonstances, la question du système assurantiel propre à la viticulture se montre également peu adapté, d'après Thiébault Huber : Au maximum, 30 % des professionnels du secteur seraient assurés. « La Région, précisait le président de la CAVB, contribue au financement de projets collectifs de lutte contre le gel, mais cela est conditionné à la souscription d'une assurance multirisques climatiques. Le problème, c'est que seuls 30 % des professionnels du secteur sont assurés et cette proportion baisse sans cesse. Du coup, cela peut pénaliser l'accès à ce type de projet collectif ». La CAVB a alerté la Région sur cet aspect et Marie-Guite Dufay s'est engagée à retravailler la question. 

Berty Robert

Accumulation de difficultés

Pour un viticulteur tel que David Dubuet, ce gel intervient dans une année marquée par la crise sanitaire qui a entraîné des pertes de débouchés, notamment en restauration, mais aussi par les taxes Trump qui ont eu des impacts sur les exportations aux États-Unis (pour notre viticulteur, cela s'est traduit par une baisse de 30 % de son chiffre d'affaires à l'export outre-Atlantique). À tout cela s'ajoute le réchauffement climatique et certains de ses effets notamment sur la durée de vie des vignes : « Il y a un vrai problème de dépérissement, constate David Dubuet. Personnellement, je vais devoir arracher des parcelles que j'ai planté il y a dix ans ! Normalement, une parcelle dure le temps d'une vie d'homme... Ce dépérissement s'observe depuis une dizaine d'années, mais, depuis trois ans, j'ai l'impression qu'il s'accélère... ». Lutter contre ce type de conséquences passera sans doute par la recherche sur de nouvelles variétés de pinot noir et de chardonnay.